Pour l'entrepreneur éthiopien Mesfin Getachew, il n'est pas difficile de trouver un billet d'avion entre Addis Abeba et Beijing pendant la pleine saison. Cepen-dant, les escales à Guangzhou, Hong Kong et Dubai sont de véritables casse-tête pour ce dernier, qui a fait de fréquents voyages en Chine durant les trois dernières années.
Il va être mis fin à son calvaire, car Ethiopian Airlines met en place un service quotidien de vol direct entre Addis Abeba et Beijing à partir du mois de mai, ce qui réduira son temps de vol de presque trois heures.
Tewolde G. Mariam, directeur d'Ethiopian Airlines, est convaincu que cette nouvelle liaison directe permettra aux passagers de bénéficier d'un accès direct et pratique à Beijing, « un endroit important avec un grand potentiel de croissance », d'après lui.
Compte tenu du développement rapide de l'industrie aérienne en Chine, un nombre croissant de compagnies aériennes ont maintenu une présence importante en Chine et projettent de s'implanter encore plus.
South African Airways cherche à ouvrir une nouvelle liaison vers la partie continentale de la Chine cette année et Kenya Airways a annoncé début janvier la mise en place de vols en partage de code (vols commerciaux opérés par une compagnie mais commercialisés par d'autres compagnies) avec China Southern Airlines, principal transporteur chinois. La compagnie Angola Airlines a quant à elle ouvert une agence à Beijing en juillet dernier, et se déclare optimiste quant à la demande pour les vols à destination de Beijing et de Luanda.
Liens avec l'Afrique
La raison pour laquelle les compagnies aériennes africaines ont jeté leur dévolu sur la Chine repose sur les liens croissants entre la Chine et le continent, en matière d'investissement comme de tourisme.
Avec un investissement total de 9,3 milliards de dollars en 2009, la Chine est passée au rang de premier partenaire commercial de l'Afrique, qui dans le même temps est devenue la quatrième destination de l'investissement étranger du pays.
En tout, 28 pays et régions d'Afrique se sont vus accorder le statut de destination recommandée pour les touristes de Chine, fin 2009. Plus de 381 000 voyageurs chinois ont choisi l'Afrique comme première destination en 2009, soit une augmentation de 18,5 % par rapport à l'année précédente, alors que le nombre d'Africains ayant voyagé en Chine la même année a augmenté de 6 % pour atteindre le chiffre de 401 000. Ces statistiques sont extraites du Livre blanc sur la coopération économique et commerciale sino-africaine, publié par le gouvernement chinois en décembre de l'année dernière.
Par conséquent, les analystes du secteur estiment que l'aviation civile, nouvelle source de croissance, progresse à grands pas, parallèlement à la croissance des échanges économiques et commerciaux entre les deux parties.
Fin 2009, la Chine a signé des accords concernant le transport dans l'aviation civile avec 15 pays africains, notamment l'Ethiopie, l'Angola, la Zambie et l'Afrique du Sud. Les compagnies aériennes natio-nales égyptienne, éthiopienne, zimbabwéenne, kenyane et algérienne ont ouvert des vols directs avec Beijing et Guangzhou, alors que les compagnies chinoises ont établi des liaisons directes entre Beijing et Lagos, Luanda et Khartoum.
Des vols plus rapides et plus fréquents [entre la Chine et l'Afrique] sont des mesures positives prises pour faciliter les échanges bilatéraux et qui permettront, très probablement, d'accroître le tourisme et l'investissement », déclare Wu Fang, chercheur associé à l'Académie chinoise de coopération économique et commerciale internationale. « Mais ce n'est pas suffisant. Prenez le tourisme, par exemple. Plus de programmes de promotion et d'expositions photographiques sont nécessaires aux pays africains », ajoute-t-il.
Pour l'instant, environ dix liaisons aériennes sont établies entre l'aéroport international de Beijing Capital et les principales villes africaines. L'aéroport de Beijing est témoin de l'approfondissement de la coopération sino-africaine, confie M. Wu à CHINAFRIQUE.
Kenyan Airways est un exemple frappant de la manière dont les compagnies aériennes ont tiré parti de la coopération croissante entre la Chine et l'Afrique.
Le flux d'investissement de la Chine en Afrique a connu une croissance rapide après la récession économique mondiale. Les routes aériennes reliant la Chine et l'Afrique ont concomitammentconnu un essor en tant que routes mondiales compétitives et d'une importance capitale.
Compte tenu de ces faits, Kenya Airways envisage de développer ses activités au niveau mondial en mettant l'accent sur le marché chinois, tout en étendant son réseau en Afrique par la création de six nouvelles lignes aériennes sur le continent en 2011. D'après Lily Tang, la responsable de la zone Partie continentale de la Chine et Hong Kong pour Kenya Airlines, la compagnie aérienne prévoit de desservir près de 80 destinations dans le monde en 2012.
« Kenya Airlines a lancé son site Internet il y a deux ans, pour répondre à la demande croissante des passagers chinois et pour permettre aux hommes d'affaires et aux touristes d'obtenir les informations les plus récentes sur les vols et sur l'enregistrement en ligne », déclare Mme Tang.
Haut Vol:Kenya Airways se rapproche de la Chine
Compétition ou coopération?
Le marché chinois de l'aviation, en plein essor, a jeté des bases solides pour le développement de la coopération sino-africaine dans ce domaine.
Malgré les conséquences de la crise économique mondiale sur les recettes des compagnies aériennes, les compagnies chinoises du secteur ont déclaré 35,1 milliards de yuans (5,35 milliards de dollars) de bénéfices l'an dernier, soit 60 % des bénéfices de l'industrie aérienne civile dans le monde entier, d'après le Bureau chinois de l'aviation civile. Dans les cinq prochaines années, la Chine construira plus de 45 aéroports, ce qui portera le nombre d'aéroports en Chine à 220 aux environs de 2015.
De plus, on s'attend à ce que la Chine contribue en grande partie à la croissance de l'industrie mondiale de l'aviation. L'Association internationale du transport aérien indique que vers 2014, il y aura 3,3 milliards de voyageurs aériens, soit une augmentation de 800 millions par rapport à 2009. Parmi ces 800 millions de passagers, 360 millions d'entre eux voyageront sur les itinéraires Asie-Pacifique, dont 214 millions sur des lignes liées à la Chine.
Parallèlement, la Partie continentale de la Chine et Hong Kong représenteront un tiers de la croissance mondiale du volume de fret jusqu'en 2014.
L'expansion rapide de ce marché attire l'attention des compagnies aériennes internationales.
Mark Arxhoek, directeur régional des ventes pour la Chine chez Air France KLM, déclare que la Chine est la destination préférée et la zone la plus rentable pour les investisseurs, tout en ajoutant que le transporteur franco-néerlandais cherche à s'étendre en Chine.
Les compagnies aériennes comme Air France KLM, Lufthansa et Continental sont les principales sociétés étrangères du secteur en Chine en termes de capacité et de part de marché. En comparaison, les compagnies africaines occupent une place plus restreinte, mais ils ont mis au point leur propre stratégie pour tailler des croupières à leurs concurrents.
Étant donné le nombre croissant de Chinois visitant le Kenya, Kenya Airlines ne fournit pas seulement des services sur mesure à ses clients chinois, tels que des menus chinois et du personnel de bord sinophone, mais a également mis en place des collaborations avec un réseau d'agences de voyage, et espère proposerbientôt des tarifs compétitifs aux voyageurs chinois, toujours plus nombreux, désirant visiter l'Afrique par eux-mêmes.
La stratégie choisie par la compagnie basée à Nairobi pour promouvoir le tourisme en Chine a gagné les faveurs de M. Wu. « L'Afrique compte plus de 50 pays, chacun ayant ses propres avantages et ses propres atouts. En exploitant le riche potentiel touristique du pays, en mettant en place des liaisons aériennes permettant de promouvoir les spécificités touristiques du Kenya, Kenya Airlines a fait le bon choix. » |