L'international à grand pas |
Hazan Chaussures adopte une stratégie innovante en Afrique
MARQUE : Hazan est le premier fabricant de chaussures parmi les milliers d'usines de Wenzhou C'était il y a vingt ans. Wang Jianping ouvrait un atelier de confection de chaussures dans sa ville natale de Wenzhou, province du Zhejiang. Avec seulement dix employés et une production journalière de 300 paires, cet ancien ingénieur n'aurait jamais imaginé devenir un jour le fondateur et président de Hazan Chaussures, une multinationale de premier plan. Dans cette masse de plus de 4 000 fabricants de chaussures que compte Wenzhou, capitale chinoise de la chaussure, les modèles de Hazan ne sortent pas du lot au regard du Chinois moyen. Il faut dire que les chaussures de Wang Jianping - couleurs vives et bout pointu – ne sont pas très portées ici. Cependant, elles font un carton en Afrique et en Europe. Et Wang n'est pas peu fier de son succès à l'étranger : « Lorsqu'un Nigérian se marie, il achète forcément une paire de Hazan ! », explique-t-il. Ventes à l'étranger La success story de Wang est considérée comme un modèle pour les entrepreneurs de Wenzhou qui cherchent à s'internationaliser. Les habitants de Wenzhou ont développé un marché spécialisé pour répondre à la demande incessante. Cette stratégie économique est devenue une caractéristique de leurs efforts pour conquérir les marchés extérieurs. Dès la fin des années 1990, l'entreprise cherche à améliorer ses perspectives à l'étranger. Résultat : plus de 80 % des profits de Hazan sont aujourd'hui réalisés à l'étranger. Hazan a d'abord été une usine de confection pour des entreprises de chaussures étrangères. Cependant, quelques années plus tard, Wang, mesurant les limites de la seule fabrication, a réalisé l'importance de développer sa propre marque. En 1998, alors que des industriels chinois s'inquiètent des conséquences de l'adhésion de leur pays à l'OMC, Wang, clairvoyant, décide de promouvoir ses ventes à l'étranger. Depuis lors, Hazan est présent sur les cinq continents, dans huit pays, y compris la Russie, les Émirats arabes unis, le Panama et les États-Unis. En 2001, l'entrepreneur intrépide décide de poursuivre son développement en Afrique, et jette son dévolu sur le Nigeria. Cette décision marque un tournant pour cette société, qui choisit un chemin différent de la plupart de ses concurrents nationaux. Tracer une voie différente Hazan est synonyme de produits de bonne qualité et bon marché pour les Nigérians. Conséquence, sa réputation a grandi rapidement en Afrique de l'ouest. Wang l'affirme fièrement: « Parfois, nous ne sommes pas en mesure de répondre à la demande ». Toutefois, les premiers pas de Hazan au Nigeria furent hésitants. Début 2004, le gouvernement nigérian interdit les importations de 31 catégories de produits étrangers, afin de protéger les industries nationales. Hazan, touché par cette interdiction, ne s'avoue pas vaincu pour autant, et décide de ne pas abandonner ce marché déjà très lucratif. De cette interdiction, Wang a tiré une leçon : pour s'implanter sur le long terme au Nigeria, il faut se transformer en entreprise locale. Conscient du potentiel du marché africain, le patron de Hazan a pris une décision qui a secoué l'industrie de la chaussure nigériane. En août 2004, la marque chinoise investit environ 6 millions de dollars pour mettre en place une base de production de chaussures au Nigeria, dont la première chaîne d'assemblage entre en fonctionnement la même année. L'entité nigériane de Hazan est aujourd'hui composée de quatre lignes d'assemblage, avec une production annuelle de 2 millions de paires de chaussures. Elle est également devenue le plus grand fabricant de chaussures pour hommes collées à froid en Afrique de l'ouest. Le transfert de la production vers l'étranger permettrait aux fabricants chinois comme Hazan de s'exonérer des taxes anti-dumping, selon Sun Yongzheng, professeur à la Business School de l'université de Suzhou. Ce que Wang confirme : « Nous sommes une multinationale. Nous cherchons donc à optimiser l'allocation de nos ressources, y compris les ressources du marché, les salariés, le capital et la technologie ». Depuis le lancement de son centre de fabrication, Hazan a créé des milliers d'emplois locaux et formé plus de 400 salariés locaux à l'utilisation des technologies, à la gestion et à la vente. Par exemple, l'entreprise a offert des formations sur le collage à froid, et sur la situation des technologies de pointe dans l'industrie. Conséquence logique : ces formations ont permis d'améliorer la qualité et la rapidité de la production. Les fabricants locaux accélérant leur croissance, la société chinoise a boosté son approvisionnement local en matières premières, qui est passé de 3 à 20 %. Le président nigérian, Goodluck Jonathan, a par ailleurs félicité Hazan pour sa contribution à l'économie locale et à l'emploi lors de sa visite de l'usine en novembre dernier. Wang porte une attention particulière à la formation des cadres locaux : « Je pense que les employeurs et les employés ayant les mêmes origines culturelles peuvent considérablement améliorer l'efficacité de notre communication ». Fin 2009, Hazan a signé un contrat avec le gouvernement de l'État d'Ogun pour la mise en place d'une zone industrielle, avec un investissement total de plus de 80 millions de dollars. La zone couvre plus de 100 hectares, et sera développée en deux phases. Ce projet marque la diversification des activités de l'entreprise de Wang. Une stratégie en deux volets Après plusieurs années d'exploration, la stratégie en deux volets de Hazan dans son expansion internationale a joué un rôle important dans la garantie d'une croissance durable. D'un côté, l'entreprise a établi des usines et construit ses propres marques dans les régions en développement. D'un autre côté, dans les régions développées, elle a acheté des marques étrangères. Lorsque Hazan a installé son centre de fabrication de chaussures en 2004, elle a également attiré l'attention des médias internationaux en raison de l'acquisition de Wilson, un célèbre cordonnier italien. Wang s'est alors efforcé de transformer Wilson en une marque internationalement reconnue. Son équipe de designer a été élargie, avec l'arrivée de professionnels italiens et étrangers. Wilson a mis les bouchées doubles en investissant dans l'innovation technologique, et prête une oreille attentive aux suggestions des salariés pour améliorer les processus. Wang a investi environ un million de dollars dans plus de 500 nouveaux modèles dans les huit mois qui ont suivi l'acquisition. « Si vous voulez construire une nouvelle marque sur les marchés mondiaux, mieux vaut racheter une marque. Si vous la choisissez bien, cela revient à acheter tout un marché », explique Wang. À l'heure actuelle, Hazan emploie près de 2 800 personnes en Chine et à l'étranger, avec un chiffre d'affaires annuel de 30 millions de dollars. L'entreprise possède trois usines et huit filiales dans le monde entier, réalisant ainsi sa stratégie globale. Selon les experts, la voie de développement de Hazan, depuis l'exportation de produits finis jusqu'à l'exportation de marques en propre, fournit une bonne plate-forme d'internationalisation pour les entreprises privées de Wenzhou. « Beaucoup d'entreprises de Wenzhou travaillent avec l'étranger, mais c'est leur business model qui reste le facteur clé du développement international », a déclaré Wang, qui reste à l'affût des tendances mondiales, en constante évolution. |