Où vont les investissements chinois en Afrique ? |
Wu Fang
| Ces dernières années, l'élargissement de la coopération sino-africaine en matière économique et commerciale a donné lieu à de nombreuses critiques à l'échelle internationale, accusant la Chine de piller les ressources du continent noir. Le 13 juin, la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a, durant sa tournée en Afrique, invité le continent à prendre garde au « nouveau colonialisme » incarné par la Chine, qui « pille ses ressources naturelles, corrompt ses dirigeants et repart ». La Chine, qui est arrivée en Afrique après les pays occidentaux a, dans le respect de la loi locale, exploité des entreprises et payé des impôts, tout en créant des emplois pour la population locale ; l'arrivée des entreprises chinoises a mis fin au monopole des multinationales occidentales, revalorisé les ressources naturelles de l'Afrique, permettant à celle-ci de transformer son avantage lié à ses ressources en moteur de développement. Par ailleurs, l'exploitation des ressources naturelles ne représente qu'une partie de la coopération économique sino-africaine. Dans les pays africains ne disposant pas de riches ressources naturelles, la Chine a développé des projets de coopération bilatérale. En Ethiopie, par exemple, elle a créé une zone de coopération économique et commerciale regroupant de nombreuses entreprises chinoises. Face à cette vérité frappante, comment expliquer les propos défavorables qui surgissent sans cesse sur la présence chinoise en Afrique ? L'une des causes est qu'il existe réellement des problèmes dans les investissements chinois en Afrique. En premier lieu, le niveau d'investissement des entreprises chinoises en Afrique est relativement bas. Peu d'investissements sont effectués dans le secteur des services, tels que la finance, le tourisme, etc. Dans le secteur manufacturier, les investissements chinois se concentrent principalement sur la vente au détail et l'industrie de transformation des matières premières qui n'exigent pas de techniques avancées, ce qui tend à provoquer de la concurrence et des tensions avec les entrepreneurs locaux. En deuxième lieu, la plupart des entreprises chinoises, en raison d'un manque de personnel qualifié dans le domaine du commerce international, ne disposent pas d'une forte capacité de développement à l'étranger. Ces dernières années, l'Afrique a lancé une série de politiques visant à encourager les investissements étrangers. Elle a, dans un même temps, renforcé les exigences en matière de protection de l'environnement et de responsabilité sociale, en direction des entreprises souhaitant investir. Néanmoins, de nombreuses entreprises chinoises ne possèdent pas de personnel qualifié susceptible de comprendre les politiques d'investissements des pays hôtes. En troisième lieu, les entreprises chinoises ne s'intègrent pas suffisamment dans le tissu social local. Afin d'éluder les risques potentiels, réduire le coût de gestion et accroître l'efficacité de travail, nombre d'entreprises chinoises préfèrent employer des ouvriers chinois et éviter les contacts avec la population locale, ce qui provoque souvent la méfiance et le mécontentement de cette dernière. En quatrième lieu, en raison d'une grande divergence culturelle, les entreprises chinoises sont souvent confrontées à des problèmes épineux, tels que les litiges avec les employés locaux, la question de la protection environnementale, etc. Marché d'exportation traditionnel et fournisseur important de ressources naturelles des pays occidentaux, le continent africain est aujourd'hui une destination convoitée par les pays émergents. Dans le cadre de cette concurrence acharnée, les problèmes des entreprises chinoises mentionnés ci-dessus ont tendance à être artificiellement exagérés et déformés, les détracteurs de la relation sino-africaine n'hésitant pas à parler de « nouveau colonialisme ». Ces propos ont soulevé l'inquiétude des populations et des États africains. Dans ce contexte, le gouvernement chinois et les entreprises chinoises concernées se doivent de travailler ensemble pour définir des politiques et adopter des mesures adéquates. Le gouvernement chinois doit, tout en renforçant la coopération internationale et en améliorant son image de grand pays responsable, prêter plus d'attention à la direction et l'encadrement des activités des entreprises chinoises à l'étranger. Premièrement, il faut adopter le plus rapidement possible des lois et règlements qui permettront de normaliser les investissements des entreprises chinoises en Afrique et de renforcer leur responsabilité sociale. Deuxièmement, dans les villes ou pays africains où les entreprises chinoises ont une présence importante, il faut encourager la mise en place d'associations commerciales ou de fédérations sectorielles chargées de gérer diverses situations d'urgence, de coordonner les relations entre les entreprises et de publier régulièrement leur nombre, leur taille et le prix des produits pour un secteur donné. En outre, le gouvernement doit encourager les experts et chercheurs ayant une bonne connaissance de la situation africaine à fournir des services de conseil aux entreprises concernées, afin d'aider ces dernières à évaluer et prévenir les risques d'investissement en Afrique. Du côté des entreprises qui ont l'intention d'investir en Afrique, des efforts semblent nécessaires dans les domaines suivants. En premier lieu, avant de décider d'investir en Afrique, il faut avoir une connaissance générale des us et coutumes des pays hôtes ainsi que du marché local. En deuxième lieu, il faut étudier les lois et politiques relatives aux investissements et les règles commerciales locales et respecter toutes les procédures prévues par la loi. En troisième lieu, les entreprises chinoises doivent renforcer leur intégration en recrutant davantage d'employés locaux, en s'impliquant dans des projets d'intérêt public et en multipliant les échanges avec les divers milieux de la société locale. En quatrième lieu, il est indispensable de renforcer la coopération entre les entreprises. Il faut non seulement renforcer la coopération au sein des entreprises chinoises, mais aussi entre les entreprises chinoises et les entreprises locales ou les multinationales occidentales, ce qui réduira encore davantage les risques susceptibles d'affecter le développement des entreprises chinoises.
(L'auteure est chercheuse adjointe à l'Institut de recherche sur la coopération économique et commerciale internationale, rattaché au ministère chinois du Commerce.) |