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Publié le 03/09/2010
Le statut de pays créancier de la Chine a été exagéré

– Interview de Ba Shusong, directeur adjoint de l'Institut de recherche financière du Centre de recherche sur le développement du Conseil des affaires d'Etat, par le Quotidien du peuple.

La Chine, pays créancier en devenir caractérisé par le déséquilibre entre ses droits et ses devoirs

« Bien que la Chine soit le plus grand pays créancier du monde, son statut de créancier n'est pas mûr, elle ne doit pas et n'est pas en mesure d'endosser cette soi-disant 'responsabilité du pays créancier' », a dit Ba Shusong.

Du point de vue de la structure économique internationale, le développement de chaque pays créancier émergent est le résultat de sa croissance économique durable et rapide. Et sous l'angle de l'évolution du système monétaire international, la formation et la montée en puissance d'un pays créancier mûr engendrent souvent la consolidation de la position de la monnaie dans le système monétaire international, et peuvent même entraîner l'apparition d'un nouvel ordre monétaire international. Historiquement, la position créancière de la Grande-Bretagne a constitué la base du fonctionnement stable de l'étalon-or international. Le déclin de la Grande-Bretagne et l'émergence des Etats-Unis ont annoncé la fin de l'étalon-or international et la formation progressive de l'étalon-dollar. Au contraire, depuis la fin des années 1980, avec la transformation progressive de l'excédent américain en déficit, et l'émergence de l'Allemagne et du Japon, le système de Bretton Woods basé sur l'or et le dollar américain se désagrègent, et avec eux le système monétaire international unifié. Le yen japonais s'est mis à flotter, puis l'Europe, comptant principalement sur l'Allemagne, a lancé l'Euro, et créé la meilleure zone monétaire, afin d'augmenter son influence dans le système monétaire international.

« Par conséquent, du point de vue général, le statut d'un pays créancier mûr doit satisfaire à deux conditions : une croissance économique durable, et une balance commerciale favorable continue ; et le maintien de l'influence que le pays mérite dans le système monétaire international ». Selon Ba Shusong, la formation du statut des pays créanciers émergents, symbolisés par la Chine est une conséquence naturelle de leurs croissances économiques. Mais étant donné que l'influence du yuan chinois au sein du FMI et du système monétaire international est très faible, ce statut de pays créancier de la Chine est en devenir, et inadapté ».

Le statut de nation créancière de la Chine est le produit de la division industrielle du travail et du déséquilibre économique de la planète.

Rappelant que la Chine est un pays en développement, et que son PIB par habitant se classe encore derrière le centième rang mondial, Ba Shusong explique que c'est l'évolution de la division industrielle du travail qui fait de la Chine le plus grand pays créancier du monde. Ce résultat a été aussi produit par le déséquilibre entre l'épargne et la consommation planétaire, ainsi que le grave retard de la réforme du système monétaire international.

« Fondamentalement, dans la macroéconomie, la différence entre l'épargne et l'investissement, signifie celle entre les recettes et les dépenses internationales. Par conséquent, si l'on considère le dépôt bancaire comme l'épargne intérieure, la balance favorable des comptes courants des paiements internationaux et les réserves de devises, alors, le processus de formation du statut de pays créancier de la Chine correspond essentiellement au processus d'élargissement continu du rapport épargne intérieure, investissement et de compression de la consommation (augmentation de l'épargne, diminution de la consommation). Par contre, le processus de formation du statut de pays créancier des Etats-Unis repose sur l'élargissement continu du rapport investissement, épargne, et augmentation de la consommation (diminution de l'épargne, augmentation de la consommation) », a expliqué Ba Shusong. D'après les données, avant la crise financière internationale, le taux d'épargne de la Chine en 2008 a atteint 51,3 %, soit un record historique, et celui des Etats-Unis, seulement 12,6 %, record également. Un contraste frappant.

« Vu sous cet angle, le déséquilibre entre pays créanciers et pays débiteurs exprime essentiellement la distinction entre les pays producteurs et pays consommateurs », a souligné Ba.

Selon Ba, le statut de pays créancier de la Chine est aussi la conséquence du déséquilibre du système monétaire international. Bien que les Etats-Unis aient subi le choc de la crise financière internationale, que ses comptes courants et ses finances soient déficitaires, et que le dollar tende à se dévaluer à long terme, la domination du dollar dans le système monétaire international n'a pas changé. C'est pourquoi le modèle de faible épargne et de consommation excessive a pu perdurer dans le pays.

Par contre, malgré la balance favorable des opérations courantes de la Chine qui ne cesse d'augmenter, et sa situation financière est relativement bonne, l'influence du yuan est encore faible dans le système monétaire international. « A cause de la progression très limitée du processus d'internationalisation du yuan, la Chine ne peut pas offrir sa propre monnaie aux pays étrangers afin d'atténuer la balance favorable des opérations courantes. Dans ce cas, la Chine ne peut qu'accumuler passivement les actifs en dollars américains, en devenant créancier des Etats-Unis », a dit Ba.

Les difficultés du statut de pays créancier

Ba Shusong croit que le statut de pays créancier en devenir a engendré le paradoxe du déficit de la rentabilité des investissements chinois à l'étranger. Théoriquement, la structure des paiements internationaux d'un pays conditionne essentiellement la capacité de distribution des ressources et de rentabilité d'un investissement de ce pays sur la planète. Un pays créancier mûr doit non seulement avoir une balance commerciale favorable, mais aussi obtenir des gains nets appropriés de ses investissements à l'étranger. Pourtant, si le système monétaire international n'est pas équilibré, un paradoxe émerge : les Etats-Unis sont le plus riche et le plus grand pays débiteur du monde. Néanmoins, leurs investissements à l'étranger enregistrent des rentabilités positives. Par contre, la Chine, pays relativement pauvre et créancier émergent, voit ses investissements à l'étranger en déficit.

Pour M. Ba, le statut de pays créancier en devenir contient un risque de perte des actifs. Théoriquement, ce statut pourrait produire deux sortes de risques : d'abord, le risque de baisse de la valeur du marché étranger. Comme une grande majorité des actifs chinois à l'étranger sont constitués des dettes nationales et des obligations d'institutions américaines, si la rentabilité des obligations américaines baisse, alors la valeur des obligations détenues par la Chine pourrait baisser. Ensuite, la seconde perte correspond à celle des actifs causée principalement par la réévaluation de la parité yuan-dollar. Comme les actifs à l'étranger n'ont pas été réglés en yuan, par conséquent, la réévaluation de la parité yuan-monnaies principales entraînerait inévitablement une perte.

Réformer le système monétaire international permettrait de résoudre les problèmes

« La Chine est encore un pays en développement pauvre, elle a accordé un prêt à bas taux d'intérêt aux Etats-Unis et à d'autres pays développés, ce qui montre que le statut de pays créancier de la Chine a été réellement exagéré, et que le système monétaire international déséquilibré est à l'origine de cette situation passive ». Selon Ba, « la dernière crise financière nous a averti qu'il fallait réformer et perfectionner le système monétaire international actuel, encourager les monnaies de réserve internationale à s'orienter vers la stabilité, l'approvisionnement ordonné et la quantité contrôlée. C'est ainsi que l'on peut stabiliser la finance et l'économie mondiales de façon radicale ».

Il faut s'efforcer de promouvoir la réforme du système monétaire international et la diversification de la monnaie internationale, former un mécanisme monétaire international caractérisé par la restriction et la concurrence mutuelles. Lorsque la balance des paiements internationaux connaît un déséquilibre, les pays des monnaies principales doivent, à l'instar des autres pays, assumer le réajustement du déséquilibre de la balance des paiements internationaux. Parallèlement, il faut stimuler activement la réforme du FMI, encourager plus de personnes issues des pays émergents et des pays en développement à occuper des postes de cadres supérieurs des institutions financières internationales, et augmenter la représentativité et le droit à la parole des pays en développement. Il faut réformer le mécanisme régulateur de la balance des paiements internationaux. En tant que pays émetteur de la monnaie de référence, les Etats-Unis doivent assumer la responsabilité principale en matière de régulation de la balance des paiements internationaux, adopter une politique financière équilibrée, augmenter ses exportations de produits de hautes et nouvelles technologies, et augmenter leur épargne.

« De son côté, la Chine doit participer activement à la réforme du système monétaire international et du FMI, et s'efforcer d'obtenir une plus large participation, ainsi que les droits à la parole et à l'information dans le domaine de la finance internationale, sans pour autant oublier de stimuler le processus d'internationalisation du yuan. A court terme, dans le cadre du système monétaire international dominé par l'étalon-dollar, elle doit s'investir dans les efforts du G20 pour la reprise économique globale et la coopération internationale, et perfectionner les arrangements institutionnels concrets issus du système monétaire international actuel. Ceci est favorable à la stabilité de l'ordre financier international, et répond à la raison d'Etat de la Chine », a exprimé Ba.

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