La ville de Shenzhen.

En mai, deux journalistes de «Beijing Information» se sont rendus i Shenzhen, la première zone économique spéciale de Chine, pour y faire une série de reportages, ils ont rencontré diverses personnalités: le maire, des responsables administratifs, des directeurs d'entreprises, des investisseurs étrangers, etc. Ils ont ainsi récolté une abondante moisson de nouvelles informations sur le développement de cette zone spéciale. Nous présentons dans ce numéro le premier article d'une série présentant Shenzhen.

AU début des années 80, le gouvernement chinois approuva la création d'une zone économique spéciale autour de Shenzhen, où sera pratiquée à titre expérimental la politique de réforme et d'ouverture. Ce petit bourg, situé juste à la frontière avec Hongkong est depuis devenu une ville toute nouvelle, pleine d'attrait. On ne compte plus le nombre d'hommes d'affaires, d'investisseurs, de responsables politiques et de chercheurs qui s'y rendent pour un profit économique et un voyage d'étude.

Selon un responsable du gouvernement, il y avait là, à la fin de 1988, 2 200 entreprises engageant des investissements étrangers: 1 333 à capitaux mixtes, 715 en coopération et 152 à capitaux exclusivement étrangers. Au cours de ces dix dernières années, Shenzhen a signé 6 179 contrats, d'une valeur totale de cinq milliards de dollars US(dont 2,276 milliards ont été utilisés).

La création d'une telle zone économique a attiré l'attention du monde. Des membres de gouvernements, de parlements et de partis d'une centaine de pays ou territoires sont venus voir ce qui se passait vraiement à Shenzhen. A la fin de 1988, on a calculé que plus de 2 000 délégations, représentant un total d'environ 20 000 personnes, avaient voulu se rendre compte par eux-mêmes de l'évolution en cours dans ce coin de la Chine; parmi elles, 112 (soit 2 700 personnes) étaient conduites par un vice-premier ministre ou une personnalité de rang équivalent.

Le maire de Shenzhen Li Ying.

L'urbanisme

La rapidité avec laquelle la ville de Shenzhen se construit impressionne tous les visiteurs.

En 1979, Shenzhen n'avait que 30 000 habitants, elle s'étendait sur une superficie de 3 km² (superficie bâtie: 290 000 m²); les rues, très étroites, ne s'allongeaient en tout que sur huit km, sans feux de circulation ni autre signalisation routière. Dans vingt petites usines produisant des instruments aratoires, des engrais chimiques et des produits alimentaires, il n'y avait pas un seul ingénieur. Aujourd'hui, Shenzhen couvre une superficie urbaine de 50 km², avec de beaux bâtiments de chaque côté des rues; les chaussées, larges et bien entretenues, constituent un réseau de plus de 200 km. Dans les nouvelles zones de développement, après les nécessaires travaux d'infrastructure, on a construit un grand nombre d'entreprises industrielles, des immeubles d'habitation, des magasins et des hôtels. Chaque année, la superficie bâtie s'est étendue de 17 millions de m².

Les travaux d'urbanisme ont été si rapidement conduits que, comme le dit un journaliste, Shenzhen semble «une ville construite en une nuit.» Un autre journaliste déclare qu'on a rarement vu une ville du monde se construire ainsi à la vitesse d'un éclair.

La croissance économique

En ce qui concerne le développement économique de Shenzhen, qui est aussi très rapide, des statistiques du gouvernement municipal (voir le tableau) montrent que, entre 1979 et 1988, tous les secteurs économiques ont connu des taux de croissance dépassant 40 % par an, et pouvant aller jusqu'à 80 % par an, sauf pour l'agriculture (14 %).

Dans un livre intitulé Recherches sur le développement économique de Shenzhen, écrit par l'économiste Liu Zhigeng, on lit ceci: «Après la Seconde Guerre mondiale, des miracles économiques sont apparus tous les dix ans: dans les années 50, en Allemagne fédérale; dans les années 60, au Japon; et dans les années 70, à Singapour, en Corée du Sud, à Hongkong et à Taiwan; enfin, dans les années 80, c'est à Shenzhen en Chine que le miracle a eu lieu.» Même s'il n'est pas très exact de comparer Shenzhen aux autres pays mentionnés, la vitesse du développement économique y est vraiment impressionnante.

La politique d'ouverture

C'est grâce à la politique d'ouverture sur l'extérieur des dix dernières années que Shenzhen est devenue ce qu'elle est aujourd'hui; si nous voulons continuer à développer la zone spéciale, il nous faut poursuivre l'ouverture et surtout ne pas nous renfermer sur nous-mêmes», nous a dit le maire de Shenzhen, Li Ying.

Mais comment aller plus loin dans la politique d'ouverture? Nous résumons les explications que nous a données Li Ying. Dans les prochaines années, Shenzhen établira des mécanismes socialistes de circulation des marchandises, qui seront conformes aux usages internationaux, et créera des marchés adaptés au développement de l'économie marchande pour les finances, les devises, les moyens de production, le personnel qualifié, la main-d'œuvre, etc. Parallèlement, la législation sera mise au point pour que les hommes d'affaires étrangers puissent travailler selon les usages internationaux.

«Le poste spécial» entre Hongkong et Shenzhen.

Principaux critères économiques à Shenzhen de 1979 à 1988

Note: la valeur globale de la production à l'intérieur du pays(PIB) indique, dans un pays ou un territoire, la valeur totale de la production et les revenus créés par la main-d'œuvre pendant une certaine période. PIB = PNB - recettes des investissements et de la main-d'œuvre du pays à l'étranger + recettes des investissements et de la main-d'œuvre venant de l'étranger à l'intérieur de ce pays.

Pour atteindre cet objetif, il faudra ouvrir par étape une première frontière entre Shenzhen et les pays étrangers et contrôler une deuxième frontière, entre la zone spéciale et l'intérieur de la Chine. Ainsi Shenzhen deviendra un Hongkong de l'intérieur de la Chine.

Est-ce que Shenzhen ne va pas, finalement, devenir capitaliste? Le maire, qui a tant travaillé à fonder la Chine nouvelle, répond sans hésiter: «Certainement pas! Parce que la zone spéciale reste dirigée politiquement par le Parti communiste chinois, que la propriété publique prédomine dans l'ensemble de son économie, que la doctrine de base demeure le maxisme, et que son administration obéit au gouvernement central selon le principe de la dictature démocratique populaire.

L'avenir du développement

Puisque la réforme et l'ouverture constituent une politique fondamentale de la Chine qui ne saurait changer, il y a tout lieu d'être optimiste à propos du développement de Shenzhen. Grâce aux travaux effectués pendant neuf ans, la zone spéciale offre un excellent environnement pour les investissements et manifeste une réelle force économique. Selon des experts internationaux, l'économie mondiale, qui est en train d'opérer un réajustement, voit son centre de gravité se déplacer vers l'océan Pacifique; une des futures zones privilégiées sera justement celle que formeront Hongkong, Shenzhen et le delta du Zhujiang. Le retour de Hongkong sous administration chinoise en 1997 ne pourra que favoriser la prospérité commune de ce territoire et de l'actuelle zone spéciale, sa voisine.

Des responsables du gouvernement municipal nous ont fait un exposé assez détaillé sur les objectifs de développement de Shenzhen. Nous en reprenons les points les plus importants. Le produit brut de la municipalité devra passer de 7,3 milliards de yuan (1988) à 29 milliards de yuan à la fin du siècle, le produit brut par habitant sera alors de 17 000 yuan, le plus élevé dans toute la Chine, et un niveau qui équivaut à celui des pays moyennement développés.

— L'accent sera mis sur l'industrie «légère, petite, spéciale, de précision et utilisant des techniques nouvelles». Les secteurs favorisés seront les suivants: technologies avancées, agriculture, exportation, finance, transport, télécommunication et tourisme, le but étant de faire de Shenzhen une zone économique industrielle spéciale aux multiples activités et tournée vers l'extérieur.

— Il est prévu que le montant des exportations s'élèvera de 1,85 milliards de dollars US en 1988 à 5—6 milliards de dollars US en l'an 2000.

— Les structures se conformeront de plus en plus aux usages internationaux pour que les hommes d'affaires étrangers se sentent à l'aise dans la zone.

La zone économique spéciale de Shenzhen

La zone économique spéciale de Shenzhen, créée en mai 1980, est située sur la côté sud-est de la province du Guangdong. Limitrophe du territoire de Hongkong, c'est un port importante d'importation et d'exportation.

La municipalité de Shenzhen est divisée en cinq arrondissements administratifs: Luohu, Shangbu, Nantou, Shekou et Shatoujiao. Superficie: 327,5 km²;

population: 780 000 habitants (dont la moitié sont des résidents temporaires).

Shenzhen est une zone spéciale du point de vue économique, mais pas sous l'angle politique. Le gouvernement central chinois, qui y exerce sa pleine souveraineté, applique une politique économique spéciale et souple. Il protège, selon la législation en vigueur, les capitaux, la sécurité, les profits et les autres droits légitimes des hommes d'affaires étrangers, qui, de leur côté, ne doivent pas sortir de la légalité.

Les caractéristiques économiques de Shenzhen sont les suivantes: les fonds destinés à la construction proviennent principalement des investissements étrangers; les entreprises à capitaux mixtes, en coopération et à capitaux uniquement étrangers prédominent dans la structure économique; les produits sont destinés principalement à l'exportation; l'économie respecte les lois du marché.

Les politiques préférentielles:

— Le taux de l'impôt sur le revenu des entreprises est de 15 %. Des projets de construction dont les investissements dépassent cinq millions de dollars US, qui introduisent des techiniques relativement avancées, ou dont le roulement de fonds s'étend sur de longues périodes, bénéficient d'une exemption d'impôts de deux ans et d'une réduction de la moitié d'impôts par la suite. Et pour les entreprises dont la valeur des exportations dépasse 70 % de la valeur annuelle de leur production, le taux de l'impôt n'est que de 10 %.

— Les produits d'exportation ne sont pas imposés. Les moyens de production et de subsistance importés dans la zone spéciale (à l'exception d'une minorité de marchandises telles que le tabac, les alcools, etc.) ont exemptés de droits de douane.

— Les frais d'utilisation de terrains pour l'industrie sont de 1 à 1,6 yuan par mou (1 mou = 1/15 hectare). Pour les entreprises dont les produits sont destinés à l'exportation ou qui utilisent des techniques avancées, l'utilisation du sol est gratuite pendant les cinq premières années et les frais sont réduits de moitié pendant les cinq années suivantes.

Parmi les produits fabriqués à Shenzhen, ceux qui correspondent aux besoins de la Chine, qui sont fabriqués principalement avec des matériaux chinois, ou dont la production utilise des techniques ou des équipements avancés, peuvent être vendus à l'intérieur du pays; ceux dont la Chine a besoin et qui sont de même qualité que les produits importés, peuvent remplacer ces derniers.

— Les entreprises à investissments étrangers ont le droit, selon leurs besoins, de recruter, d'engager ou de congédier des employés. Les salaires des travailleurs sont de 60 % inférieurs à ceux de Hongkong.

Des postes spéciaux de douanes sont ouverts à Luohu, Wenjin, Shekou et Shatoujiao, pour simplifier les formalités et faciliter les allées-et-venues des hommes d'affaires étrangers entre Shenzhen et Hongkong ou Macao. Les entreprises à investissements étrangers peuvent remplir elle-mêmes les formalités de douane pour leurs importations et exportations.

Beijing Information (N^o34 1989)