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Publié le 28/04/2015
Nouveau départ à Lhassa

Ma Li

Au début de l'année se tint à Beijing la campagne de promotion pour la nouvelle version de Xizang TV, une chaîne de télévision tibétaine. L'une des instigatrices et protagonistes de cette transformation s'appelle Shuang Xi et est originaire de Guangzhou. Son discours et son histoire laissent cependant entrevoir la puissance des liens qui unissent la jeune femme au Tibet : « L'environnement du Tibet m'a fait entendre des sons cristallins et j'ai pu ressentir le bonheur simple d'une tasse de thé au beurre de yak. »

En juin 2012, Shuang Xi obtient une maîtrise en journalisme à Guangzhou et ses rêves ne diffèrent en rien des autres gens de son âge : elle souhaite trouver un emploi. « Je suis allée voir une grande entreprise pour tenter de trouver un emploi de bureau. Je pensais que cela se passerait comme dans toutes les séries que l'on peut voir à la télévision, mais dès le premier jour, j'ai détesté mon travail. » Pendant trois mois, Shuang Xi part de chez elle à 6h30, commence à 8h, prend une demi-heure de pause le midi et termine le soir à 20h. En arrivant chez elle le soir, elle est exténuée : « Mon corps était réglé comme une horloge et chaque jour c'était la même course. » Elle finit par démissionner.

Dès lors, elle passe la plupart de son temps dans son appartement à regarder le plafond et tombe rapidement dans la dépression : « Je ne faisais rien de mes journées et je ne sortais même pas pour chercher du travail. Dans les pires moments, je regardais le plafond et déchirait des feuilles de papier en petits morceaux. » Son petit ami prit progressivement ses distances et finit par se séparer d'elle. Sa vie était devenue un véritable enfer.

En octobre 2013, Guangzhou est baignée d'une chaleur moite et, alors que Shuang Xi est encore allongée dans son appartement, le ventilateur du plafond cesse soudainement de fonctionner. Cet arrêt provoque en elle un déclic : « Normalement, le ventilateur tourne du matin au soir, mais j'ai réalisé à ce moment que je devais moi aussi arrêter de tourner en rond et que je devais partir. »

Le 27 octobre, elle prend un billet de train pour Lhassa et laisse Guangzhou derrière elle. Munie d'un sac à dos et avec 4 000 yuans en poche, elle espère pouvoir tenir 2 mois et, dans l'intervalle, parvenir à faire le point avec elle-même.

Elle avait rêvé de cette ville de nombreuses fois : « Le blanc éclatant des nuages se découpait sur un ciel d'un bleu profond, les oiseaux virevoltaient libres et les femmes arboraient un sourire radieux. » Lorsqu'enfin elle posa le pied sur le sol de Lhassa, son cœur s'apaisa et elle eut l'impression d'être au paradis.

Elle s'intégra rapidement dans cette ville, qui lui apportait chaque jour son lot de nouveautés. « Dans l'une des auberges de Lhassa, j'ai rencontré des personnes venant des quatre coins du monde. Chaque jour, nous passions notre temps à discuter, à aller dans des bars et à prendre le soleil. Tout le monde avait prévu de faire un trek au printemps. » Shuang Xi se rendait compte qu'elle n'avait pas prévu assez de temps, mais elle décida de rester avec ses nouveaux amis.

« Le changement le plus net quand je suis arrivée à Lhassa fut que je n'avais plus peur, j'avais l'impression d'être à ma place ici. Les yeux des vieilles femmes qui faisaient tourner les moulins à prières ne montraient pas seulement de l'amitié et de la bonne volonté, mais aussi une grande chaleur humaine et une extrême tolérance. Celles-ci semblaient se diffuser dans chaque recoin de la ville et firent tomber toutes mes appréhensions. » Cette sérénité retrouvée lui fit comprendre qu'il fallait qu'elle reste à Lhassa.

Bercé par les doux rayons du soleil, l'hiver s'écoula aussi rapidement que son argent : « J'étais dévastée, mais j'ai fini par trouver du travail dans un café à proximité de la rue Barkhor. Le travail était difficile mais donnait un sens à ma vie. Par ailleurs, tous les après-midis je pouvais me reposer contre un angle du café et prendre le soleil. » Et deux mois plus tard, Shuang Xi connut enfin le tournant qu'elle attendait dans sa vie.

Un soir de février 2014, alors qu'elle servait les clients du café, l'un des habitués engagea la conversation : « Il me demanda d'où je venais, depuis combien de temps je vivais à Lhassa, si je m'étais habituée à la vie ici et ce que j'avais fait comme études. » Lorsqu'il apprit que Shuang Xi était titulaire d'une maîtrise en journalisme, l'homme lui dit : « Si ça te dit de venir travailler à la télévision, tu seras la bienvenue ! »

C'est ainsi que le 27 février 2014, Shuang Xi poussa, non sans quelque appréhension, les portes de Xizang TV et intégra le département publicitaire au poste de dactylographe. « Lorsque j'ai commencé à travailler, le travail était relativement simple et lorsque le patron se rendit compte de mes capacités de rédaction et d'organisation, je suis très vite devenue rédactrice et éditrice. » Le travail lui apporte un nouveau souffle : « C'est comme si tout cela avait été secrètement prédestiné. Après avoir beaucoup enduré, tu finis par te rendre compte que ton rêve se trouve là. »

A cette période, Xizang TV souhaitait adopter un nouveau positionnement. Le département publicitaire reçut la tâche de trouver un nouveau slogan et lorsque le directeur du département vint proposer ce challenge à Shuang Xi, celle-ci accepta le challenge avec enthousiasme : « La chaîne devait faire montre d'une certaine originalité, afin de correspondre au mieux aux attentes des téléspectateurs. »

Le 5 février 2015, la campagne de promotion pour la nouvelle version de la chaîne débute à Beijing. Pour la première fois de sa vie, Shuang Xi se retrouve face aux caméras évoquant ses sentiments pour le Tibet, ainsi que son histoire personnelle. Cette campagne ne concerne pas uniquement la nouvelle devise de la chaîne tibétaine, mais c'est aussi l'histoire d'une femme qui prend en main sa destinée.

Malgré les rigueurs de la région, Shuang Xi ne regrette pas son départ de Guangzhou : « En hiver, l'air de Lhassa est extrêmement sec et l'oxygène se raréfie. Parfois, après avoir travaillé jusqu'à tard dans la nuit, il est tout simplement impossible de dormir. Les gerçures sont très douloureuses et le vent ne fait qu'empirer la situation… Il faut lutter quotidiennement contre les effets de l'altitude et les rigueurs de l'environnement, mais on finit par s'y habituer et par s'acclimater. » Shuang Xi a repris espoir et elle aspire désormais à un nouveau départ.

 

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