Le Japon aurait intérêt à se libérer de ses fardeaux historiques (COMMENTAIRE) |
A l'approche du 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Japon s'est fait réprimander de manière directe et implicite pour ne pas avoir réfléchi sérieusement sur son passé de guerre. En répondant à la question d'un journaliste japonais lors d'une conférence de presse accordée à Beijing dimanche, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a exhorté le Japon à abandonner ses tentatives de diluer la culpabilité de la nation pour les atrocités commises en temps de guerre. "Il y a 70 ans, le Japon a perdu la guerre. Soixante-dix ans plus tard, le Japon ne doit pas perdre sa conscience", a averti M. Wang. Le lendemain à Tokyo, la chancelière allemande Angela Merkel a utilisé des propos moins tranchants, allant toutefois dans la même veine, lorsqu'elle a affirmé que son pays s'est mérité le pardon de ses voisins européens face au rôle de l'Allemagne nazie dans la Seconde Guerre mondiale "d'abord parce que l'Allemagne a fait face à son passé honnêtement". Cette année marque le 70e anniversaire de la victoire de la guerre de Résistance contre l'agression japonaise du peuple chinois et la guerre anti-fasciste. Dans de telles circonstances, la capacité du Japon à exprimer des remords sincères suite à ses crimes de guerre et à tirer des leçons de l'Histoire attirera l'attention du monde entier. Malheureusement, le Premier ministre japonais Shinzo Abe s'est dit enclin à calmer les remords nationaux face à la guerre, suite à des remarques étonnantes prononcées ces dernières semaines. Tout au long de sa carrière politique, M. Abe a tenté à plusieurs reprises de blanchir le Japon de son passé d'agression. En 1995, en tant que nouveau membre de la Chambre des Représentants, M. Abe s'est abstenu de voter sur un projet de résolution concernant le 50e anniversaire de la guerre, disant s'opposer à certains termes utilisés dans le document tels que "règne colonial" et "invasion". Plus tôt, en tant que membre clé d'une organisation de législateurs conservateurs, M. Abe avait réussi à éliminer des expressions telles qu'"excuse" et "ne jamais faire la guerre" du document. La résolution a été adoptée, puis est devenue le fondement de la Déclaration de Murayama, une déclaration historique du Japon d'après-guerre se repentissant de la guerre. Au moment de la publication de la déclaration par le Premier ministre de l'époque Tomiichi Murayama, "La guerre de la grande Asie de l'Est", un livre bourré de faits historiques déformés, a été publié par le groupe de droite "Comité de révision historique", dont M. Abe est un membre clé. En 2005, la Diète japonaise (Parlement) a adopté une résolution marquant le 60e anniversaire de la fin de la guerre. Bien que les termes "règne colonial" ou "invasion" n'aient pas été utilisés dans le document, celui-ci a été rejeté par le secrétaire général du Parti libéral-démocrate (PLD) de l'époque, M. Abe, qui l'a qualifié d'"héritage" de la résolution liée à la guerre vieille d'une décennie. Depuis le début de son second mandat de Premier ministre japonais en 2012, M. Abe a tenu de nombreux propos controversés concernant l'agression commise par le Japon au cours de la Seconde Guerre mondiale, et a rendu hommage au sanctuaire de Yasukuni malgré les protestations de pays voisins. Par ailleurs, il a récemment révélé son intention de remplacer la Déclaration de Murayama par sa propre version. La tendance révisionniste de M. Abe a suscité des préoccupations quant à "la soi-disant Déclaration d'Abe", qui pourrait être une nouvelle déformation de l'Histoire. Dans des efforts apparents destinés à apaiser ces inquiétudes intérieures et extérieures, M. Abe a affirmé à différentes occasions qu'il "héritera grosso modo de la Déclaration de Murayama", mais qu'il ne se limitera pas à utiliser exactement les mêmes termes. Quelle que soit l'habileté de M. Abe à vanter "la paix", "le développement" et "la contribution" dans sa déclaration, ce document ne sera nul autre qu'un manifeste historiquement révisionniste, en l'absence de certains mots-clés, tels que "règne colonial" et "invasion". Les affaires historiques hanteront les relations du Japon avec la Chine et d'autres pays asiatiques ayant souffert de la guerre d'agression japonaise ainsi que son règne colonialiste. "Porter le fardeau de l'histoire, ou faire une rupture nette avec son passé", comme l'a dit le ministre chinois des Affaires étrangères, la décision revient au Japon. Source: Xinhua |