Des millions de jeunes chinois dans la tourmente d'une crise suicidaire |
«Par moment, assis dans mon laboratoire et regardant autour de moi, je me demande toujours 'Pourquoi suis-je encore en vie ?', se rappelle Sun, doctorant de 27 ans, qui n'a pas souhaité indiquer son identité complète. Il y a quelques années, je ne me voyais aucun avenir. Cela continue, je pense.» Après avoir finalement demandé de l'aide professionnelle, Sun a confié qu'il se sentait mieux avec ce soutien actif. L'analyse suggère que des millions de jeunes Chinois comme Sun subissent la pression produite par le travail, les études et les relations amoureuses et que malheureusement, beaucoup d'entre eux ne trouvent pas l'aide dont ils ont besoin. Chaque année, environ 250 000 personnes se suicident en Chine, alors que deux millions de personnes ont tenté de mettre fin à leurs jours, selon le ministère de la Santé. Bien que les études montrent que les personnes les plus fragiles sont les femmes âgées se trouvant dans les zones rurales, le Centre chinois pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) a déclaré que le suicide est la première cause de décès chez les jeunes âgés de 15 à 34 ans. «Ces chiffres nous montrent que ce groupe de personnes a besoin d'une aide au niveau de la santé mentale», a expliqué Lin Hunhui, fondateur du Centre d'éducation de la vie et d'intervention des crises, une organisation à but non lucratif basée à Shanghai. En décembre 2012, l'organisation a lancé le premier centre d'appel 24h/24 de la ville à destination des personnes ayant des envies de suicide. En un mois, le centre a reçu 632 appels, venant principalement de cols blancs âgés de 23 à 35 ans. Selon Lin, environ 20% des personnes qui ont appelé avaient besoin d'une intervention urgente. « Les jeunes vivant en Chine continentale sont confrontés à des situations de stress importantes, mais ils ont peu d'endroits où ils peuvent parler librement à quelqu'un et confier leurs problèmes. » a-t-il dit. Le suicide demeure un sujet tabou en Chine. Les études sur ce fléau étaient inexistantes jusque dans les années 90. Michael Phillips s'est penché sur la question pendant plus de vingt ans. Entre 1995 et 2000, il a collaboré avec le CDC chinois pour mener une étude, la plus importante jamais réalisée, concernant le suicide en Chine. Il a rencontré de nombreuses familles un peu partout dans le pays pour parler de leurs proches qui se sont suicidés. «Le suicide est un problème très complexe. Il s'agit d'une situation différente en fonction des différents groupes», a déclaré M. Phillips, actuellement directeur de la recherche et de la prévention du suicide au Centre de santé mentale de Shanghai, lauréat du Prix de la coopération scientifique et technologique internationale en 2012, décerné par le Conseil d'Etat chinois. Les difficultés chez les jeunes sont liées à l'éducation et l'environnement familial. Dans ce domaine, il reste encore beaucoup à faire dans le pays. » L'étude a révélé que de 1995 à 1999, le taux de suicide en Chine a atteint un taux de 0,023%, l'un des plus élevés au monde. Ces dernières années, ce pourcentage a chuté, en grande partie grâce à des contrôles sur la consommation des pesticides, à l'assistance médicale et à une meilleure éducation. Cependant, la tendance au suicide chez les jeunes ces dernières années, suscite de grosses inquiétudes. Un sondage réalisé en 2008 auprès de plus de 3 800 adolescents à Foshan, dans la province méridionale du Guangdong, a révélé que 17% des collégiens ont déjà eu des idées de suicide. Les principales raisons étant la pression de bien se comporter, des sentiments d'isolement et de solitude, selon un rapport publié par les autorités de santé de la ville. «Cela a un lien évident avec le système national de l'éducation de base, a déclaré Xu Kaiwen, professeur agrégé de psychologie clinique à l'Université de Beijing. Les jeune filles ont été formées pour travailler dur et recevoir de bonnes notes dès l'enfance. Mais elles manquent cruellement d'éducation quant à la valeur de la vie». Xu a ajouté que le problème était encore plus grave dans les meilleures universités. «Quand les étudiants rencontrent des difficultés, ils deviennent fragiles. Ces problèmes vont s'étendre à leur vie personnelle et professionnelle quand ils quitteront l'université. » a-t-il souligné. Cette dépression augmente par vingt fois le risque de suicide, selon le CDC chinois, avec des troubles anxieux qui augmentent le risque de six à dix fois et de six fois pour l'abus d'alcool. Pour aider les étudiants à faire face à la pression, le professeur a indiqué que l'Université de Beijing offre des séances de consultation psychologique une ou deux fois par semaine. « Pour les jeunes qui grandissent sous la protection de la famille, il devrait exister une plate-forme pour qu'ils puissent prendre la parole à chaque fois qu'ils se sentent anxieux ou en difficulté, a déclaré Zhang Qi, directeur adjoint du centre de consultation psychologique à la East China Normal University.
Source: le Quotidien du Peuple en ligne |