Le dilemme de la médecine chinoise |
Dans un cabinet de consultation de l'Hôpital de médecine traditionnelle chinoise de Jinan, dans la province du Shandong (est), un Occidental en uniforme blanc et portant la moustache prend le pouls d'un patient. Le médecin, Peter Knithof, est un étudiant néerlandais en médecine traditionnelle chinoise (MTC). Il étudie en Chine depuis cinq ans. Avec lui se trouve également le patient Lee Jae Hak, de la République de Corée. Ces deux étudiants avouent que la médecine chinoise est devenue assez populaire dans leurs pays, ce qui est l'une des raisons pour laquelle ils ont décidé d'étudier cette discipline. Lee a souffert d'une maladie pendant son enfance. Après avoir eu recours à la médecine chinoise, il s'était alors porté beaucoup mieux. "Ma famille et moi avons été témoins des merveilles de la médecine chinoise", a-t-il raconté. Après quatre ans d'études linguistiques et professionnelles dans une université chinoise, ils parlent maintenant couramment le chinois et effectuent un stage à l'hôpital de Jinan. Pour eux, étudier la médecine chinoise est également un moyen important de comprendre la culture traditionnelle du pays. Comme le Tai Chi et le Kung-fu Shaolin, les doctrines de la médecine chinoise trouvent leurs racines dans la culture chinoise ancienne. Tandis que la médecine occidentale conduit des recherches basées sur les structures anatomiques, la MTC considère la santé comme une interaction harmonieuse entre le corps et le monde extérieur. La médecine traditionnelle n'est pas soutenue par la médecine moderne qui est basée sur des preuves concrètes. Elle dépiste les symptômes en prenant le pouls et examinant la langue et les méridiens, ce qui est considéré comme un concept mystérieux par les Occidentaux, longtemps réticents à accepter cette pratique. Chen Qiguang, qui dirige une équipe de recherche sur la MTC à l'Académie chinoise des Sciences sociales, a expliqué que la Chine et l'Occident utilisaient des systèmes et théories distincts quant au traitement médical, c'est pourquoi les non-Chinois ont du mal à faire confiance à la MTC. "Dans la médecine occidentale, la maladie est traitée comme un ennemi", a indiqué M. Chen, "la meilleure solution pour venir à bout d'un cancer est donc de tuer toutes les cellules atteintes". "En médecine chinoise, nous pensons que si le corps atteint un équilibre interne, alors les malades seront toujours capable de mener une vie saine, même avec certaines cellules cancéreuses dans le corps". De nombreuses personnes aux Etats-Unis et en Europe sont habituées à voir les choses d'une manière "purement scientifique", ce qui signifie généralement par le biais de données et de faits, a poursuivi M. Chen. Il est plus facile pour les Occidentaux d'accepter des techniques telles que l'acupuncture, le Guasha et les massages, car ces pratiques sont visibles et leurs effets peuvent être ressentis immédiatement. Selon M. Knithof, l'acupuncture est la forme la plus populaire de médecine chinoise dans son pays. "Aux Pays-Bas, de nombreux malades reconnaissent les effets de l'acupuncture et des massages Tui Na", a-t-il indiqué, "mais en ce qui concerne les médicaments à base de plantes, beaucoup ne les considèrent pas comme de véritables médicaments, mais plutôt comme une sorte de compléments alimentaires". Bien que la médecine chinoise ait produit des effets considérables sur de nombreuses maladies, beaucoup remettent toujours en question son efficacité sur des maladies graves, car les praticiens de la médecine chinoise effectuent rarement des opérations. Néanmoins, M. Chen a fait remarquer que la médecine chinoise avait obtenu des résultats positifs dans le traitement de maladies graves, telles que le SRAS, le Sida et les cancers, et notamment dans le traitement des enfants. Un thérapeute du nom de Xu Shuhui a en outre fait observer que le plus grand avantage de la médecine chinoise est qu'elle ne provoquait que très peu de douleurs. "Les enfants acceptent facilement le traitement, et jusqu'ici nous sommes très satisfaits des résultats". Cependant, la médecine chinoise fait toujours face à des défis. Selon M. Chen, la Chine a adopté les normes occidentales pour réglementer son système médical, ce qui n'est pas favorable à la médecine chinoise, car sous cette réglementation, tous les praticiens sont tenus de passer un examen pour obtenir leur licence. Cet examen, qui comprend des épreuves d'anglais et sur les théories de la médecine occidentale, représente un obstacle majeur pour les praticiens ruraux. Les données officielles montrent qu'en 2010, il y avait environ 294 000 praticiens de la MTC en Chine, tandis que les praticiens en médecine occidentale étaient quelque huit fois plus nombreux et totalisaient 2,32 millions de professionnels. Le manque de formation suffisante est la principale raison pour laquelle le nombre de praticiens de la médecine chinoise a chuté ces dernières années. "Les étudiants en médecine chinoise passent un tiers de leur temps à apprendre l'anglais et le tronc commun, et un autre tiers à étudier la médecine occidentale. Cela signifie qu'ils n'ont qu'environ une année pour étudier la médecine chinoise. Il leur est donc presque impossible de devenir qualifiés dans cette discipline à l'université", a déploré M. Chen. Zhang Wei, médecin à l'hôpital de Jinan, estime que l'éducation moderne a détruit l'apprentissage traditionnel de la médecine chinoise, ce qui entraîne un autre problème : de nombreux praticiens en médecine chinoise sont incapables de reconnaître certaines herbes médicinales rares. Dans l'enseignement moderne de la médecine traditionnelle, l'acupuncture, le Tui Na, les herbes et le diagnostique sont divisés en différentes disciplines alors que le système d'apprentissage traditionnel requiert qu'un médecin maîtrise toutes ces techniques. Des experts s'inquiètent également de la détérioration de la qualité des herbes sur le marché chinois. Ginseng, baies de goji et shouwu étaient autrefois tous très communs sur le marché, mais ces dernières années, de nombreux consommateurs se plaignent qu'en raison du nombre croissant d'herbes frelatées sur le marché, il devient de plus en plus difficile de trouver de vraies herbes naturelles. Luo Shiwen, ancien inspecteur de l'Administration d'Etat des produits alimentaires et pharmaceutiques, a indiqué que les méthodes modernes de production de masse avaient réduit de manière considérable la puissance des médicaments à base de plantes. M. Chen a ajouté qu'une proportion importante des herbes de meilleure qualité était exportée, ce qui contribue à la forte hausse du prix des herbes sur le marché chinois. M. Knithof, qui hésite encore de rester en Chine après ses études, est optimiste quant à la perspective de sa carrière aux Pays-Bas, car de plus en plus de malades ont réalisé l'efficacité de la médecine chinoise.
Source: Xinhua |