Un dessinateur de bandes dessinées raconte ses souvenirs de la ville de Chongqing |
Jin Duoyou De mars à début juin, une bande dessinée, intitulée « Souvenirs de Chongqing », s'est classée en tête des ventes de la librairie de Chongqing et a été le livre le plus vendu de la ville au cours du premier semestre 2009. La quantité de livres vendus ainsi que l'augmentation rapide du nombre de clics sur Internet ont attiré l'attention du public sur l'auteur, Hu Fei, né dans les années 1980. Un jeune homme d'une certaine corpulence, au caractère franc, portant des lunettes noires et affichant un sourire naïf. C'est de cette manière qu'est apparu Hu Fei au journaliste de Beijing Information. Ce jeune homme, âgé de 26 ans, est originaire de Chongqing et a passé son enfance avec ses grands-parents. Selon Hu Fei, cette ville a déjà perdu certaines de ses caractéristiques, telles que les Diaojiaolous (maisons construites en bois d'érable perchées sur des pilotis et auxquelles on accède à l'aide d'une échelle), les trolleybus, les téléphériques qui traversent les fleuves Changjiang et Jialingjiang, les cheminées des usines et les maisons de thé traditionnelles. A l'heure actuelle, certains de ces éléments de Chongqing ont déjà disparu tandis que d'autres ont été conservés comme symboles. Cependant, l'ancienne image de la ville déjà gravée dans la mémoire des habitants locaux a motivé les efforts de la construction de la ville actuelle. C'est pour cette raison que Hu Fei a décidé de réaliser une bande dessinée. La carrière de dessinateur de Hu Fei « J'ai commencé à dessiner à l'âge de cinq-six ans. En regardant la télévision, j'esquissais les personnages des dessins animés. Puis, j'ai commencé à peindre le portrait de mes grands-parents et de mes parents », se rappelle Hu Fei. Hu Fei est passé, de simple amateur à professionnel, en intégrant l'école secondaire relevant de l'Institut des Beaux-arts du Sichuan. Sa spécialité universitaire était le dessin animé. En 2006, il a diffusé ses œuvres sur Internet afin de consulter l'opinion du public. Ses deux albums en ligne Comment j'ai courtisé ma voisine ainsi que les joies et les déceptions professionnelles d'un jeune homme ont suscité un vif intérêt de la part des internautes, réalisant un score d'audience de plus de trois millions de fois. « Les éléments de la vie quotidienne » occupent une place importante dans les œuvres de Hu Fei. « Je puise l'inspiration dans ma vie personnelle », a déclaré Hu Fei. « Comment j'ai courtisé ma voisine raconte mon aventure amoureuse avec ma femme et comment je suis parvenu à la séduire. Les joies et les déceptions professionnelles d'un jeune homme évoque ma première expérience professionnelle après la fin de mes études à l'université ». Premier souvenir de Chongqing : le qibaoche (un bus équipé d'un sac rempli de gaz naturel)
Dans chaque ville, le développement des véhicules reflète clairement les changements survenus dans la ville. « A l'époque où il n'existait pas encore de voitures privées, les seuls moyens de déplacement étaient la marche ou les transports en commun. Quand j'étais petit, je prenais, tous les weekends, le qibaoche avec mes parents afin de rendre visite à mes grands-parents. Ce bus ressemblait aux bus actuels, mais il était équipé d'un sac rempli de gaz naturel. Quand le bus partait de la station de départ, le sac était gonflé. Quand il rentrait, le sac était vide », s'est remémoré Hu Fei. « A vrai dire, prendre le qibaoche était une véritable aventure. Avant que celui-ci n'arrive à la station, les usagers devaient se préparaient à monter le plus rapidement possible, sinon ils risquaient de rater le bus. Les parents faisaient souvent monter leurs enfants dans le bus par les fenêtres », se rappelle Hu Fei. « Même si vous aviez la chance de trouver une place assise, il ne fallait pas vous réjouir trop vite, car, l'été, le mélange des odeurs de transpiration, de pieds et d'aisselles était particulièrement désagréable ». Bien entendu, à l'heure actuelle, l'âge d'or de ce genre de véhicule de forme bizarre est déjà révolu. Deuxième souvenir de Chongqing : les câbles téléphériques qui enjambent les deux fleuves
A Chongqing, les cabines suspendues permettant de franchir les fleuves Changjing et Jialingjiang ont été des moyens de transport tout aussi importants que le qibaoche. Aujourd'hui, vu leur mission historique accomplie, elles ont été préservées comme symboles de cette ville montagneuse. Ces téléphériques, construits dans les années 1980, traversent les deux fleuves et relient trois berges. La télébenne qui enjambe le Jialingjiang, inaugurée en janvier 1982, fut le premier téléphérique à voyageurs. Celle de Changjiang, mise en service en octobre 1987, fut baptisé télécabine No1. Selon Hu Fei, le téléphérique était le moyen de transport le plus rapide pour franchir les deux fleuves. En bus, cela prenait au moins une heure alors qu'en téléphérique, dix minutes suffisaient. « Ces ponts n'existaient pas auparavant. Les véhicules qui voulaient se rendre de l'autre côté du fleuve devaient emprunter le ferry-boat et la traversée durait une à deux heures. Désormais, deux à trois minutes suffisent pour gagner l'autre rive », a expliqué Hu Fei, en montrant au loin les ponts érigés au-dessus des fleuves. Chongqing, qui fait partie des quatre municipalités relevant directement de l'autorité centrale, a mis en place un réseau de transport développé. « Actuellement on peut se déplacer en bus, en taxi, et dans un futur proche, en métro. Mais nous devons être reconnaissants envers l'ensemble des moyens de transport qui ont contribué au développement de cette ville », a déclaré Hu Fei. Troisième souvenir de Chongqing : les cheminées
Dans cette ville, connue pour son industrie lourde, se dressaient, autrefois, les nombreuses cheminées des usines qui ont marqué l'enfance de Hu Fei. « Quand j'étais petit, j'accompagnais toujours mes parents jusqu'à la station de bus lorsqu'ils partaient travailler. En voyant le bus s'éloignait, ma grand-mère me montrait les cheminées au loin et me disait : "ne pleure pas, tes parents sont justes là". Alors, le soir, j'attendais mes parents à la station de bus en guettant tous les bus qui provenaient de la direction des cheminées », s'est souvenu Hu Fei. « Au fil du temps, de nombreux ouvriers ont perdu leurs emplois dans les usines étatiques. Mon père s'est alors lancé dans le commerce tandis que ma mère s'est occupée de moi jusqu'à la fin de mes études secondaires. A partir de là, je n'ai plus eu besoin de scruter avec espoir les cheminées ». Lors de la transition de l'économie planifiée vers l'économie de marché, certains ouvriers ont perdu leur emploi et ont été obligés de partir travailler en dehors de Chongqing. L'histoire de Hu Fei décrit l'image réelle de cette période. En raison de l'urbanisation et de la modernisation, de plus en plus de logements commerciaux apparaissent dans les rues. Les gigantesques usines qui polluent gravement l'atmosphère ont été déplacées et les cheminées ont été démolies. Quatrième souvenir de Chongqing : « l'escalier de dix-huit »
Selon Hu Fei, « l'escalier de dix-huit », qui symbolise le mode de vie traditionnel des habitants de Chongqing, est inoubliable. Cet endroit fait partie des innombrables escaliers que compte Chongqing et en sont en quelque sorte les représentants. Il relie la région prospère de la Stèle de la Libération, située dans la ville haute, et la région pauvre de Chuqimen, située dans la ville basse. (La ville de Chongqing est divisée en deux parties, la ville haute et la ville basse, en raison de sa configuration montagneuse.) « Actuellement, l'escalier de dix-huit représente un mode de vie originel des personnes âgées : ces dernières habitent dans les Diaojiaolous et se lèvent tôt le matin pour préparer le petit-déjeuner dehors. Après le repas, elles boivent du thé, jouent aux cartes et bavardent avec les voisins ». Selon Hu Fei, bien que ce mode de vie soit totalement différent de la société moderne, il fait désormais partie de la culture de Chongqing, tout comme la culture des Hutong à Beijing. « L'escalier de dix-huit seront prochainement démolis. Ce quartier sera transformé en station de métro. J'espère que nos descendants garderont en mémoire le mode de vie traditionnel des habitants de Chongqing. » « Il y a vingt ans, la Stèle de la libération était l'édifice le plus visible de Chongqing. Maintenant, il se cache parmi les grands bâtiments », a déclaré avec émotion Hu Fei depuis le sommet du Mont du sud d'où l'on peut observer une vue panoramique de la ville de Chongqing. « Nous devons certes remercier le développement économique qui a amélioré la vie de la population, mais en même temps, il est important de graver dans la mémoire tous ces éléments qui sont en train de disparaître. C'est ce que je m'efforce de faire à travers mes bandes dessinées. Ce sont les souvenirs de tous les habitants de Chongqing. » a ajouté Hu Fei. Beijing Information
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