Bilan des relations sino-françaises : 45 ans d'épreuves |
Cette année marque le 45e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France. Depuis 45 ans, ces deux pays ont connu la période de lune de miel, ont dû faire face à quelques tensions, et essaient désormais de maintenir l'harmonie dans ses relations. Une explosion nucléaire dans la diplomatie mondiale Le 27 janvier 1964, à travers un simple communiqué qui ne se composait que de deux phrases, la Chine nouvelle et la République française ont annoncé l'établissement de leurs relations diplomatiques, lançant une « bombe nucléaire » dans la communauté internationale. Dans leur ensemble, les négociations sur l'établissement des relations diplomatiques se sont déroulées de façon favorable, ce qui n'a toutefois pas permis de dissiper quelques divergences entre les deux pays.
Le 22 octobre 1963, un invité mystérieux est arrivé à Beijing, sans titre ni dignitaire officiel ni diplomate, et a été hébergé dans la Résidence des honneurs d'Etat de Diaoyutai. Cet homme, c'est Edgar Faure, ancien président du Conseil des ministres de France. Il a été désigné comme envoyé du Général de Gaulle, fondateur et président de la Ve République, et a été chargé de mener les négociations visant à établir des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine, dirigée par le président Mao Zedong. Le premier ministre chinois, Zhou Enlai, chargé personnellement de l'affaire, et le maréchal Chen Yi, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, ont mené six rounds de négociations avec Edgar Faure respectivement à Beijing et à Shanghai. Lors des entretiens, deux problèmes ont émergé, risquant de conduire les négociations dans l'impasse : la France ne voulait pas prendre l'initiative de rompre ses relations avec Taiwan et a demandé d'y accréditer un consul de niveau inférieur, deux points que la Chine ne pouvait absolument pas accepter. Face à ces obstacles, le premier ministre Zhou a fait suspendre les négociations et fait organiser un voyage touristique de trois jours à l'intérieur de la Chine pour M. Faure et son épouse. A leur retour, le premier ministre Zhou avait déjà trouvé une solution. Finalement, M. Faure est retourné en France avec un rapport de trois accords tacites : premièrement, la France reconnaissait le gouvernement de la République populaire de Chine comme unique gouvernement légal à représenter l'ensemble du peuple chinois ; deuxièmement, la France soutenait les droits et intérêts légaux de la République populaire de Chine à l'ONU ; troisièmement, la France s'engageait à retirer, après l'établissement des relations avec la République populaire de Chine, sa représentation et son personnel diplomatiques de Taïwan au moment où les autorités de l'île retireront les leurs. Le rapport d'Edgar Faure a été ratifié par le Général de Gaulle en décembre 1963. Un contact a été ensuite établi entre l'Ambassadeur de Chine à Berne (Suisse) et le responsable de l'Europe au Quai d'Orsay. Leurs entretiens ont porté sur les termes du communiqué conjoint et sur la procédure de l'annonce convenue durant la mission d'Edgar Faure en Chine, qui a été légèrement retouchée. Le 27 janvier 1964, la Chine et la France ont publié simultanément dans les deux capitales le communiqué conjoint mentionnant simplement la décision d'établir des relations diplomatiques et d'échanger des ambassadeurs. Les médias occidentaux qui ont couvert cet événement l'ont comparé à une bombe nucléaire qui exercerait une influence profonde et durable sur la scène internationale. Premièrement, cela a bouleversé le monde bipolaire marqué par la rivalité entre les Etats-Unis et l'Union soviétique, faisant avancer ainsi l'histoire. Deuxièmement, cela a créé un précédent dans la pratique d'une politique diplomatique indépendante et autonome. Les Etats-Unis qui s'étaient opposés à cette démarche sino-française ont finalement suivi l'exemple de la France. Troisièmement, cela a permis aux deux pays de réaliser leur stratégie respective. Pour la France qui venait d'éprouver une déconvenue après le refus de sa proposition de « triumvirat » par l'Angleterre et les Etats-Unis, le meilleur choix était de développer de nouvelles relations avec de nouveaux pays influents afin de réaliser sa stratégie de grande puissance. Quant à la Chine, elle avait besoin d'un ami occidental industrialisé pour percer le blocus et l'encerclement exercés par les Etats-Unis et les forces anti-chinoises, et pour se débarrasser du contrôle imposé par son allié soviétique. Période de crise Malgré un indéniable rapprochement depuis l'établissement des relations diplomatiques, les relations bilatérales entre la Chine et la France ont été durement affectées durant les années 1990. Ce recul dans les relations bilatérales est dû au changement radical du paysage européen. En 1990, l'Allemagne a été réunifiée. En 1991, l'Union soviétique s'est effondrée, marquant la fin du monde bipolaire. Dans cette époque d'instabilités, les dirigeants français ont mal évalué la situation en prenant des mesures nuisibles à l'amitié entre les deux pays. Tout d'abord, la France a pris l'initiative de sanctionner la Chine. Puis, en 1991 et 1992, elle a vendu respectivement 6 escorteurs et 60 Mirages 2000-5 à Taiwan. Ces ventes d'armes ont porté préjudice à la souveraineté chinoise et à sa volonté de réunification. Ces actions ont ainsi fait l'objet de vives contestations en Chine. Le gouvernement chinois a demandé au gouvernement français de fermer en un mois son consulat général à Guangzhou. Il a annulé les grands projets en négociation, tels que le métro de Guangzhou, la deuxième phase de la centrale nucléaire de Dayawan (baie de Daya) et l'achat de blé français. Il a également restreint les rencontres de niveau supérieur entre les vice-ministres et a coupé tout lien avec les quatre sociétés qui ont vendu les armes à Taiwan. Cette période de crise a duré environ cinq ans pendant laquelle les échanges bilatéraux ont été gelés. « Il était très difficile de procéder à un quelconque travail d'échange. L'Occident nous isolait politiquement tout en exerçant de grandes pressions sur la question des droits de l'homme en Chine », a déclaré un diplomate chinois. Un partenariat stratégique Depuis le milieu des années 1990, le processus de normalisation des relations bilatérales a été enclenché. Les échanges sino-français ont alors très vite connu des avancées notoires. En 1995, le Parti socialiste français a été battu aux élections présidentielles. Jaques Chirac, un militant gaulliste, a alors accédé au poste de président de la République française. Ce passionné de culture chinoise ancienne a envoyé deux délégations en Chine avec pour mission de rétablir la confiance réciproque. Ces visites ont abouti à la signature, le 12 janvier 1994 à Beijing, d'un communiqué conjoint, dans lequel le gouvernement français s'engage à interdire aux entreprises nationales de vendre des armes à Taiwan, et reconnait le fait que Taiwan soit une partie inaliénable de la Chine. Ce communiqué a jeté une nouvelle base politique dans les relations sino-françaises, et leur a permis de reprendre le cours normal de leur développement.
En mai 1997, le président Jaques Chirac a effectué une visite d'Etat en Chine. Cette visite a permis la signature d'une déclaration conjointe pour un partenariat global qui place la relation sino-française à un nouveau niveau en fixant des objectifs ambitieux de rapprochement politique, économique et culturel. Cette démarche a fait écho dans la communauté internationale. Premier grand pays occidental à avoir reconnu la Chine nouvelle, la France a de nouveau servi d'exemple à l'Europe, aux Etats-Unis, au Canada et au Japon qui, plus tard, ont également émis le souhait d'établir un partenariat global avec la Chine. Un nouveau recul des relations bilatérales Si les relations sino-françaises ont connu leur âge d'or en entrant dans le XXIe siècle, elles ont malheureusement enregistré un certain recul depuis l'an dernier. A Paris, le relais de la flamme olympique a été saboté. Le président français Nicolas Sarkozy a ensuite déclaré qu'il n'assisterait à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Beijing qu'à « condition que les négociations entre la Chine et le dalaï-lama obtiennent de bons résultats ». Pire encore, il a rencontré le dalaï-lama peu avant le 11e Sommet Chine-UE. Cette ingérence dans les affaires intérieures chinoises a nui aux intérêts fondamentaux de la Chine. La versatilité française est issue d'une autre erreur que les dirigeants français ont commise en jugeant la situation internationale évoluée très vite. La mondialisation exerce un impact sur le mode de développement social et économique en France caractérisé par un bien-être de haut niveau. Certains politiciens français attribuent la stagnation économique, les problèmes sociaux et le chômage à la relance rapide des pays émergents, tels que la Chine. Par conséquent, ils jouent la carte idéologique pour détourner l'attention du public et soulager la tension intérieure. En effet, le développement de la Chine a préoccupé la France qui s'adapte mal à l'existence d'une croissance à deux chiffres dans le monde. Une amitié reprisée et un partenariat prometteur Face à l'ingérence française sur la question du Tibet, la population chinoise, et en particulier les jeunes, s'est mobilisée afin de protéger les intérêts nationaux. Internet est alors devenu un outil idéal à travers lequel elle a pu exprimer son mécontentement, voire même organiser des actions, telles que le boycottage des produits français. Après des épreuves de force aussi bien populaires que diplomatiques, la France a pu constater qu'en exerçant une pression sur la Chine, elle mettait en jeu ses propres intérêts. Il a donc fallu réchauffer le partenariat entre les deux pays. Depuis le début de 2009, de nombreuses délégations françaises ont joué le rôle de messagers. Le 1er avril 2009, les présidents Hu Jintao et Nicolas Sarkozy ont renoué lors d'une rencontre à Londres en marge du G20. Un nouveau communiqué conjoint sino-français a, plus tard, été publié. Dans ce document, il est stipulé que la France mesure pleinement l'importance et la sensibilité de la question du Tibet et réaffirme qu'elle s'en tient à la politique d'une seule Chine et à la position selon laquelle le Tibet fait partie intégrante du territoire chinois, conformément à la décision prise par le Général de Gaulle qui n'a pas changé et ne changera pas. Dans cet esprit, et dans le respect du principe de non-ingérence, la France récuse tout soutien à l'« indépendance du Tibet » sous quelque forme que ce soit. Les deux parties ont convenu de renforcer les liens bilatéraux.
En passant en revue les 45 années écoulées, la relation sino-française apparaît comme une relation stratégique et exemplaire. Le partenariat global que les deux pays ont noué est prometteur. D'un point de vue géopolitique, il n'existe pas de conflit d'intérêts entre eux. En ce qui concerne l'économie, ils procèdent à une coopération économique et technologique importante. En 1964, le volume annuel du commerce bilatéral était de 100 millions de dollars, ce qui équivaut, à l'heure actuelle, au volume quotidien. Culturellement, les deux pays possèdent chacun une longue histoire ainsi qu'une culture ancienne et splendide. Tous deux soutiennent, à travers le dialogue entre les différentes cultures, la création d'un monde harmonieux marqué par la prospérité commune et la paix durable. A titre d'exemple, aujourd'hui, le nombre de personnes en échange entre les deux pays est de 4 000 par jour. On compte 65 villes chinoises et françaises jumelées. En plus des contacts officiels et des projets de coopération dans divers domaines, les échanges sont animés par de multiples forums et tables rondes. Pour conclure, la Chine et la France partagent les mêmes concepts de multipolarité et de diversité culturelle. Leur dialogue est stratégique. Dans ce contexte international complexe et surtout face à la crise financière internationale, la Chine et la France devront renforcer leur partenariat et conjuguer leurs efforts dans l'intérêt des deux nations et des deux peuples. Beijing Information |