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30 ans de réforme et d' ouverture>>> Mille Facettes de la Chine
Publié le 12/11/2008
La vie dans un hutong

(Lisa Carducci)

Hutong est le mot qui désigne une ruelle à Beijing. La plupart des maisons qu'on y trouve sont anciennes, sans étage, petites, mal éclairées et sans installations sanitaires. Les gens qui y vivent sont souvent de bas niveau d'instruction et, par conséquent, mènent une vie très modeste, ce qui ne les empêche pas d'être heureux.

Han Shusuo, âgé de 66 ans, y vit depuis 35 ans avec son épouse, son fils, sa bru et sa petite-fille. Lorsque j'entre chez lui, son épouse me prévient : « Attention ! Il fait noir. » La porte donne dans la cuisine de deux mètres sur cinq environ. Je crois la lumière éteinte, mais en fait, il n'y qu'une minuscule ampoule de 15 W à l'autre extrémité.

La famille dispose d'une grande pièce de 23 m2 où se trouve le lit des grands-parents au fond et, isolé par un rideau, celui de leur petite-fille. La petite Han Jinyu est assise sur le lit et s'amuse à dessiner avec son cousin sur la machine à coudre qui sert de table. Tout autour de la pièce, un sofa trois places et un fauteuil, séparés par une petite table, quatre chaises de bois, une grande armoire à six portes, un téléviseur, une chaine de son, une bicyclette, une ancienne glacière qui sert maintenant à ranger des vêtements, et une autre petite armoire. On installe la table ronde pliante au centre de la pièce à l'heure des repas; ensuite, elle retourne derrière le fauteuil.

Le fils Han et son épouse dorment dans la chambre voisine, une pièce de 14 m2 toute en longueur, où l'on trouve un lit, une armoire et un ordinateur. Pas de salle de bains ni de toilettes. Ces dernières se trouvent au coin de la rue, tandis que les douches publiques ou encore celles des lieux de travail sont celles dont on dispose.

Han était ébéniste jusqu'à sa retraite il y a huit ans. Presque toute sa famille a travaillé dans la même usine ou dans des emplois qui en dépendaient. Les meubles qu'il avait fabriqués, il les a tous vendus sauf une table à tiroir.

« Comment occupez-vous vos journées? » Ma question illumine Han Shusuo, qui avait grand hâte de me parler de son « art ». Deux stations de télévision sont déjà venues le filmer.

« Avant, je souffrais de palpitations cardiaques, difficultés respiratoires, hémorroïdes et mauvaise circulation sanguine au cerveau. Maintenant, plus rien, parce que je fais mes exercices assidûment » Et il me donne une démonstration. Il imite la démarche de cinq animaux : l'éléphant, l'ours, le tigre, le gorille et le kangourou.

Han n'a pas inventé cette technique mais l'a perfectionnée après être allé au zoo plusieurs fois pour observer les animaux et avoir beaucoup lu.

« Chaque jour, en toute saison. Je me lève à 4 h . Après ma toilette, je me rends au parc où je pratique deux ou trois heures. Plusieurs centaines de mètres. Je reviens à la maison vers 8 h, et prends mon petit déjeuner. Plus aucun problème de santé! »

Han Shusuo est convaincu que l'amélioration de sa santé est due à ces exercices. Il a pris un emploi de gardien de nuit, de 15 h 30 à 1 h, et dit que quelques heures de sommeil par jour lui suffisent.

Certains mouvements tiennent du taiji, d'autres du qigong.

Il ne songe pas à rédiger sa théorie car il n'a pas la culture nécessaire, dit-il. Quelques disciples apprennent de lui, surtout des vieux. Sa femme pratique une autre sorte d'exercices. Elle a une bonne santé elle aussi.

Han Shusuo a deux filles et un fils, tous mariés. Ils ont un enfant chacun, respectivement une fille de 16 ans, un fils de 8 ans et une fille de 5 ans. Ses deux filles viennent tous les samedis ou dimanches.

Le loyer de 40 yuans (5 dollars) par mois. La famille s'entend bien avec les voisins. Le seul problème, c'est le manque d'espace. Pas de salle de bains, des calorifères alimentés au charbon en briquettes… Devoir surveiller les briquettes et de les remplacer, c'est ennuyeux, mais Han dit y être habitué. Dans les grands bâtiments d'habitation, on n'a pas à s'occuper de cela. Pourtant, il ne songe pas à déménager. Son seul rêve consiste à préserver sa santé.

Le quartier est paisible, et à proximité il y a une unité d'État bien gardée par la police. Aucun des trois enfants de Han n'a fréquenté l'université, mais le père juge qu'avoir de l'instruction, c'est une grande chose : quand on est cultivé, on comprend beaucoup mieux le monde, la vie.

L'ainée est comptable dans une petite entreprise ; elle gagne peu mais son mari gagne davantage. La deuxième travaillait dans une entreprise d'État ; elle a été mise à pied et n'a pas encore trouvé d'emploi. Le fils travaille à la production d'une émission de télévision pour la CCTV depuis quelques mois mais il n'a pas encore touché son salaire qui devrait être d'environ 1 000 yuans. Il fait un peu de travail à la pige pour un journal. Han et sa femme touchent une pension de retraite respectivement de 791 et 630 yuans par mois. Leur bru, selon les mois, gagne entre 500 et 1 000 yuans. Le travail de concierge rapporte à Han 10 yuans par jour. À quatre, ils ont un revenu mensuel inférieur à 400 dollars. La fillette qui fréquente le jardin d'enfants monopolise une grosse part du budget : environ 400 yuans par semestre, plus 400 pour trois mois de cours spéciaux comme l'anglais ou les arts.

Personne dans la famille n'a songé à émigrer. « Nous sommes habitués à vivre ici. D'ailleurs, dans les autres pays il y a aussi des problèmes. Aussi bien garder les nôtres », dit la fille ainée. Mais Han croit que ses petits-enfants auront un meilleur avenir. Déjà, ils apprennent qui l'anglais, qui les arts martiaux, et le pays change rapidement.

 

Les lecteurs intéressés à lire le texte original de cette entrevue ainsi qu'une quarantaine d'autres portraits de Chine peuvent demander le livre en librairie ou encore écrire à l'auteure à lisabjinfo@yahoo.fr .

Carducci, Lisa. Mille facettes de la Chine, Beijing, Éditions en langues étrangères, 2006, 304 pages.

ISBN 7-119-03215-1

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