Modifier la taille du texte

Modifier la taille du texte

Imprimer cet article

Commenter cet article

BEIJING INFORMATION
CULTURE Vidéos ÉDUCATION ET SCIENCES Panorama du Tibet VOYAGE E-MAIL
30 ans de réforme et d' ouverture>>> Evolution des échanges avec l'étranger
Publié le 13/06/2007
Dévoiler les Illusions

Quel est le contenu principal de ce monument ?

L'inscription débute par une partie théologique, suivie d'une présentation historique relatant l'introduction du nestorianisme en Chine par Aluoben, un missionnaire ayant apporté les Saintes Écritures de Perse à la capitale chinoise en 635, où il fut reçu avec pompe par l'empereur Tang Taizong. La religion qu'il prêchait fut reconnue légalement et même favorisée grâce au patronage du souverain suprême, qui fit bâtir dans la capitale le couvent Da Qin pour vingt et un moines et autorisa la propagation des livres sacrés et l'édification d'églises et de monastères sur tout le territoire chinois. À son âge d'or, raconte la stèle, « la religion se répandit dans les dix marches (provinces), [...] et les temples remplirent les cent villes », au point qu'un monument destiné à la description de sa diffusion fut érigé en 781. Composé par Jing Jing, un moine érudit de Perse maîtrisant parfaitement le chinois, le texte expose la doctrine nestorienne à l'aide d'innombrables expressions typiques empruntées au confucianisme, au bouddhisme et au taoïsme ; il se clôt par des prières versifiées.

Combien de temps la diffusion du nestorianisme a-t-elle duré en Chine ?

Xu Hui, spécialiste à l'Institut des recherches historiques de l'Académie des Sciences sociales de Beijing.
(Photo: Shi Gang)

Les jolie fleurs épanouies finissent toujours par se faner. En 845, à l'instigation du taoïste Zhao Guizhen, l'empereur Tang Wuzong, qui était hostile au bouddhisme, proclama un édit visant à proscrire la loi du bouddha. L'ordre fut exécuté dans tout l'empire, avec des résultats dramatiques : 4 600 pagodes disparaissent ; 265 000 bonzes sont laïcisés ; 16 millions d'hectares de terre passent à l'État. Dans le même mouvement, victimes innocentes du malheur, le couvent Da Qin est détruit et la stèle dédié à la diffusion de la Religion Radieuse est enterrée. Terrassé par ce coup terrible, le nestorianisme décline rapidement et disparaît une première fois de Chine vers l'an 1000.

Comment interprétez-vous le déclin du nestorianisme dans une perspective de communication culturelle ?

La Religion Radieuse s'éteint en Chine aussi vite qu'elle avait atteint son apogée. Son déclin est principalement dû à l'imperfection de la traduction des Saintes Écritures et à une mauvaise méthode de diffusion. En l'absence de traducteurs, les missionnaires furent obligés de « prêcher en eau trouble », c'est-à-dire d'user en quantité de termes bouddhiques et taoïstes dans la traduction d'une doctrine trop compliquée aux yeux des Chinois. Leur façon de travailler me rappelle une phrase de Lao Zi : « Obscurcir cette obscurité, voilà la porte de toute merveille » !

Autrement dit, la situation difficile dans laquelle s'est trouvé le christianisme primitif en Chine est imputable à l'obscurité de ses propres caractéristiques. Pouvez-vous donner quelques exemples concrets ?

L'inscription commence par une narration de la doctrine chrétienne déguisée en discours taoïste : « On dit : Être insaisissable dans son immatérialité et constant dans son immuabilité ; antérieur à tout et lui-même sans commencement, vide puissant et insondable ; survivant à tout et conservant son existence admirable ; axe de l'universel Empyrée et auteur de toutes les formes diverses, manifestant dans la création ses souveraines perfections ; ces expressions traditionnelles ne peuvent s'appliquer qu'à la personne admirable du Trine, Maître absolu, invisible mais manifesté dans ses œuvres, à Aloha. »

Cependant, le Trine, qui désigne le Dieu en trois personnes (le Père, le Fils et le Saint-Esprit), est trop codé pour être accessible au public chinois. Rien d'étonnant à ce que le jésuite Gaobil (1689-1759) prenne le signataire du texte Jing Jing comme un adepte de Lao Zi. Pire, le missionnaire britannique Timothy Richard (1845-1919) va jusqu'à croire que Lü Xiuyan, qui avait calligraphié l'inscription, était la réincarnation de Lü Dongbin, un légendaire immortel qui aimait se mélanger aux simples mortels, récompensant les bons et punissant les méchants à l'aide de son épée!

Ce qui mérite une attention particulière, c'est que les adeptes de la Religion Radieuse se travestirent en abusant du bouddhisme, tout en saupoudrant de taoïsme. Dans le texte sautent souvent aux yeux des mots relevant du lexique bouddhique tels que « barque de la miséricorde », « moine » et « grande vertu ». Deux cents ans après le déterrement de la stèle, on a découvert dans la grotte bouddhique de Mogao, près de Dunhuang, des documents nestoriens en huit volumes mélangés avec des soutras bouddhiques. Cependant, dans ces écrits consacrés à la Religion Radieuse, certains termes bouddhiques sont ostensiblement et artificiellement greffés : Dieu a été changé en « bouddha » ; le baptême, en « observance des préceptes » ; le fidèle chrétien, en « ami de bien ». Quant à la venue du Messie dans ce monde, elle a pour objectif de « faire passer, à tous les êtres, l'océan de l'existence ». Résultat prévisible : confusion des lecteurs chinois.

Étant donné la vie monastique des nestoriens, très similaire à celle des moines bouddhistes - célibat à vie, crâne rasé, barbe conservée -, il est naturel pour les sujets du Fils Céleste de les prendre pour des adeptes du Bouddha appartenant à une autre secte, et pour l'empereur Wuzong de faire subir au nestorianisme le même sort que le bouddhisme en raison de leur ressemblance en matière de rites. Ces deux religions étrangères ne se différencient que par la croix, car les églises persanes étaient connues sous le nom de « temples de la croix », et les moines persans, « adorateurs de la croix ».

En somme, la première diffusion du christianisme en Chine s'arrête là à cause de la différence culturelle et de l'obstacle linguistique. Sa deuxième entrée dans l'Empire du Milieu aura lieu sous la dynastie des Yuan, au XIIIe siècle.


   page précédente   1   2  


Lire aussi
Le crucifix, le lotus, l'époussette et le jade

Beijing Information
24 Baiwanzhuang, 100037 Beijing République populaire de Chine
Edition française: Tél: 68996274 Fax: 68326628