Le Danu des Yao |
Lisa Carducci Au cinquième mois, le 13 rappelle le jour où le grand général Guan Yu affila son épée. Comme il faut beaucoup d'eau pour ce faire, on s'attend à une journée de fortes pluies.
Outre cette commémoration, le cinquième mois est plutôt tranquille, sauf pour les Yao qui célèbrent, le 29e jour, leur plus importante fête. Le Danu est la « fête de la Procréatrice », ou la fête du roi Pangu. C'est aussi le début de la nouvelle année de l'ethnie Yao. Les Yao vivent concentrés au Guangxi principalement. Le mot danu, dans leur langue, signifie « ne pas oublier le passé ». Cette célébration a lieu seulement une fois tous les trois, cinq ou même douze ans selon les diverses localités; la fréquence dépend autant des traditions locales que de l'abondance des récoltes et des conditions de vie du peuple. Parmi les nombreuses légendes qui entourent cette fête, la plus répandue est la suivante. Dans les temps anciens, la déesse Miluotuo, considérée comme la procréatrice des Yao, envoya ses trois filles vivre dans le monde humain. Le lendemain matin, l'ainée se leva tôt et se mit à labourer la terre d'une plaine. Elle engendra plusieurs fils et petits-fils qui devinrent le peuple han. La deuxième fille se leva un peu plus tard; elle prit des livres et se mit à étudier. Sa progéniture devint le peuple zhuang, doté dans ce que l'ancienne Chine considérait comme les quatre arts classiques, soit la musique (particulièrement un instrument à cordes comme le luth), les échecs, la peinture et la calligraphie, qui favorisaient le développement spirituel et la santé. La cadette se leva très tard, et quand elle s'aperçut qu'il ne restait plus rien pour elle, elle se mit à pleurer. Sa mère lui donna alors tout le riz qui restait dans la maison et l'envoya dans une zone montagneuse cultiver la terre. Quand apparurent les premières pousses, des chats sauvages les écrasèrent. Les premières feuilles furent broutées par les cerfs, et les oiseaux consommèrent les premiers épis. La troisième fille s'en plaignit à sa mère, qui lui donna un tambour de bronze qu'elle conservait depuis plusieurs années. La fille l'emporta sur la montagne tant pour chasser sa mélancolie que pour effrayer les oiseaux et les autres animaux qui ruinaient le fruit de son travail. La fille finit par s'établir sur la montagne et s'en trouva heureuse. Ses descendants formèrent le peuple Yao, qui célèbre Miluotuo le 29 du cinquième mois. Danse du « long tambour » de bois des Yao. La veille de la fête, les Yao procèdent au grand ménage de la maison et préparent tous les mets et boissons nécessaires. Le lendemain, ils revêtent leurs plus beaux atours et se réunissent pour déjeuner ensemble en partageant tous les plats. La fête se complète par la musique du suona, des chants en chœur, des jeux et concours, des spectacles d'arts martiaux, de danse au son du tambour de bronze, et de lancement de fusées. Tambour de bronze de la Chine du Sud. Le tambour entièrement en bronze est très populaire au Guangxi, au Guangdong, au Yunnan et au Guizhou parmi les ethnies minoritaires. Il a un diamètre de 50 cm. Sa caisse, vide et sans fond, a une hauteur de 30 cm; elle est ornée de deux oreillettes sur les côtés et est gravée de gracieux motifs. Femmes yao en costume de fête. La danse du tambour est une activité essentielle des Yao. Le spectacle est également une compétition en équipe de trois : deux garçons et une fille. Un des garçons joue du tambour de bronze et danse alternativement, tandis que l'autre l'accompagne au tambour. Certains batteurs s'adonnent à des contorsions et jouent en plaçant le tambour devant ou derrière eux, ou même sur les épaules en un crescendo impressionnant. La jeune fille évente les batteurs et ses deux éventails marquent le rythme et forment les mouvements de la danse. Le lancement de fusées se déroule dans une atmosphère de grande excitation. Les petites fusées consistent en un tube de métal qui contient de la poudre pressée et une mèche. Pour la compétition, on en place plusieurs par terre, prêtes à êtres allumées généralement par un homme et une femme. Celui des deux qui réussit à en lancer davantage gagne. Le vainqueur est porté en triomphe par ses partisans. À la fête du Danu participent même des compagnies théâtrales venues d'autres régions offrir des spectacles variés aux Yao, et des représentants d'autres ethnies qui viennent présenter leurs vœux au peuple yao. |
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