Lisa Carducci

Le 3 du troisième mois des Zhuang

Ce jour-là, les Zhuang, qui vivent principalement au Guangxi (sud), célèbrent le Geyu (ou Gepo), c'est-à-dire la fête des chansons et danses « sur les prés » et « hors des grottes ». Autrefois, les Zhuang construisaient peu de temples; les images sacrées étaient exposées dans des grottes, où l'on devait par conséquent garder silence et montrer du respect. Seulement à l'extérieur des grottes pouvait-on chanter librement.

De là viendrait la fête. Selon la légende, la Troisième sœur Liu (sous la dynastie des Tang, 618-907), fille d'un pêcheur, aimait beaucoup chanter depuis son enfance. Devenue une attrayante jeune fille, elle improvisait des chansons merveilleuses. Un homme fortuné de l'endroit, Mo Huairen, voulut la séduire: il paya quatre chanteurs pour la défier dans une compétition de dialogue chanté, convaincu que Liu perdrait et qu'elle serait obligée de l'épouser. Mais les quatre envoyés furent défaits. Alors, Mo Huairen fit enlever Liu. Nonobstant promesses et menaces, la jeune fille continua de s'opposer. Furieux, Mo la fit jeter dans le fleuve. Le courant entraina la jeune fille jusqu'à Liuzhou, où elle s'établit ; les gens accouraient pour apprendre d'elle à chanter. Plus tard, elle épousa le jeune homme de son choix. Mo voulut faire noyer les époux dans le lac mais un poisson mystérieux les sauva. La fête du 3 du troisième mois, célébrée depuis plus d'un millénaire, commémore la Troisième sœur Liu.

Pour l'occasion, hommes et femmes revêtent leurs plus beaux atours et se rassemblent sur les collines, dans les bois de bambous et sur les prés pour improviser des dialogues chantés. Tous les domaines du savoir (astronomie, géographie, histoire, société, travail et production) peuvent faire l'objet d'un dialogue et, naturellement, les sentiments amoureux. Pendant un jour et une nuit entiers, deux groupes de garçons et filles échangent à distance questions et réponses, exprimant leurs sentiments avec spontanéité et vivacité devant un public émerveillé.

Caractère typique de la fête est le lancement de balles de soie brodées, de formes, dimensions et couleurs variées. Les balles portent un ruban coloré à la partie supérieure et un bouquet de franges en-dessous. Après un certain temps de chant dialogué, on commence à lancer ces balles entre les deux rangs de garçons et filles, qui se font face. Si un participant ne réussit pas à attraper la balle au vol, il doit comme pénitence chanter ou improviser un spectacle. Les jeunes filles non mariées jettent furtivement la balle brodée au jeune homme qu'elles préfèrent, lequel remet en retour un mouchoir ou une serviette, et, à travers le chant, les amoureux s'échangent des promesses de mariage.

Actuellement, des milliers de spectateurs assistent à la fête du Geyu. Non seulement les jeunes y participent, mais aussi des chanteurs plus expérimentés qui transmettent aux générations montantes les chansons traditionnelles. Durant le festival de chant et danse, les Zhuang remplissent les montagnes d'airs mélodieux et captivants.

Les balles brodées d'aujourd'hui ont pris différentes formes.

On en fabrique en paille tressée, en perles, en cristaux de verre.