Né en Belgique en 1980, Antoine Roegierss est diplômé des beaux-arts de paris en 2007 où il reçoit les félicitations du jury. En 2012, il reçoit le Prix de la Fondation Roger Bataille puis devient Lauréat du Prix Yishu 8. Avant son arrivée au mois de juin dernier à Beijing où il est en résidence pour trois mois, Antoine a participé à de nombreuses expositions collectives et individuelles en Europe, au Brésil, ou encore aux Etats-Unis. En septembre, il expose le fruit du travail de sa résidence à Yishu 8. Entretiens entre l'artiste et Mme Christine Cayol, fondatrice de Yishu 8.
Antoine Roegiers
Christine Cayol : Tu peux me parler justement de ce nouveau travail. Tu es connu en Europe pour ton travail de vidéaste. Tu es connu et reconnu pour la qualité et l'originalité de ce travail en particulier des vidéos que tu as faites sur les œuvres des peintres connus dans la tradition européenne comme Bruegel et Jérôme Bosch. C'est vrai que, lorsque nous t'attendions à Yishu 8, nous pensions naturellement que tu ferais des vidéos et là on découvre derrière-nous des tableaux avec de la peinture, une peinture vraiment maitrisée. Peux-tu nous dire ce qui s'est passé ?
Antoine Roegiers : Cela rejoint l'idée de se dire que je ne vais pas faire du tout ce que je fais d'ordinaire. En plus, faire de la vidéo c'est très long, très contraignant. En en faisant cela ici, je n'aurais pas fait forcément de nouvelles expériences. En plus, j'avais très envie de revenir à la peinture car j'ai un travail de peinture qui arrive dans le futur. De pouvoir avoir trois mois pour me réapproprier un peu les instruments, reprendre confiance dans la peinture.
Au départ, quand je suis arrivé ici, je pensais travailler le pinceau, l'encre et le papier.
CC : Dans la tradition chinoise…
AR : Oui, je me suis dit que c'est ce qu'il fallait faire, ce qu'il fallait découvrir. Mais l'envie de la peinture a été plus forte et je me suis concentré essentiellement là-dessus. Et puis, il y avait des sujets picturaux ici fantastiques à faire. Alors que d'habitude je ne travaille pas du tout sur ce qui m'entoure.
CC : Là, c'est le monde qui t'entoure qui t'a appelé ?
AR : Oui, complètement. Et finalement, dans mon travail de tous les jours, je travaille sur l'histoire de l'art et peu sur ce qui m'entoure. Là, j'ai travaillé énormément sur ce qui m'entourait mais l'histoire de l'art est revenue à moi, malgré moi, sans y penser. C'est-à-dire que pendant que je peignais, je me disais : « Ça me fait penser à tel tableau, ça me fait penser à tel courant ». Et donc tout ça s'est un peu mélangé et j'ai eu le sentiment de peindre librement et de ne pas chercher à faire semblant que cela ressemble à quelque chose ; mais les choses sont venues à moi. Je ne sais pas si j'ai été très clair…
CC : Si, si, je comprends. En t'écoutant et en voyant le travail que tu fais, je me dis que c'est très intéressant parce que ce que t'apporte la Chine ici c'est une forme de liberté dans ton travail extraordinaire. Est-ce que l'on peut dire ça ?
AR : Oui, oui, une bulle de libération. Un espace de liberté, c'est certain.
CC : Et par rapport peut-être à l'idée que tu avais de la Chine et à cette expérience à l'intérieur des hutongs, dans la vie quotidienne chinoise, est-ce qu'il y a des choses qui t'ont surpris ?
AR : Ce qui m'a surpris c'est le mélange entre les deux Chines. La Chine qui a un peu « loupé » le train en route c'est-à-dire que ce sont des gens pauvres et on sent qu'ils n'auront pas forcément accès à l'expansion de la Chine et que finalement, ils vont finalement devoir un peu migrer. Et il y a la Chine qui s'accélère et qui avance. Et les deux sont liées. On peut se retrouver avec une Porsche complètement en or métallisé avec des diamants, dans un hutong, dans un tout petit restaurant, et les gens sont aussi sympathiques avec lui que si c'était quelqu'un de leur condition.
CC : C'est le côté chaleureux qui t'a surpris ?
AR : Enormément.
CC : Tu t'attendais un peu à l'image de l'Asie, d'une Chine un peu froide, avec la distance asiatique.
AR : Un peu froide, un peu distante, un peu méfiante. Ou alors essayant d'exploiter l'étranger, enfin je ne sais pas. Mais je n'ai pas du tout trouvé ça ; il n'y a pas eu d'envie, ni de haine. Il y a eu un contact chaleureux : les gens sourient et sont heureux de parler avec toi. Ça, ça m'a vraiment troublé.
CC : Est-ce que tu pourrais me dire, juste pour terminer, une image marquante que tu emportes avec toi dans ta valise et dans ton cœur à Paris ? L'image liée à ta résidence ici.
AR : Il y en a beaucoup, beaucoup, beaucoup. Mais c'est vrai que malgré tout c'est le climat chinois, l'atmosphère chinoise, l'humidité dans l'air qui change complètement les lumières dans les rues. Elle peut créer un halo autour des lumières, enfin des choses surprenantes que je n'avais jamais vues avant. Les pluies diluviennes où il y avait les gens qui évacuaient l'eau de chez eux avec des seaux. Et puis l'eau qui monte d'un cran jusqu'aux genoux. Et des briques qui viennent à toi. Toutes ces choses-là sont assez troublantes dans une grande ville ; d'un coup on se sent tout petit face aux grands éléments.
CC : Fragiles, oui.
AR : Oui, fragiles.
CC : Et puis, un peu pour t'embêter. Deux mots.
AR : Deux mots ?
CC : Deux mots qui résument ta vie ici.
AR : Joie, liberté.
CC : Joie et liberté. Merci Antoine.
AR : Merci.
Adresse de Yishu 8:
Ancienne Université franco-chinoise Co-fondateur
N°20 (jia), Dong Huangchenggen Bei Jie,
Dongcheng district, Beijing 100010, Chine
Tél : +86 (10) 6581 9058 www.yishu-8.com
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