Hou Weili
Des DVD pirates sont détruits pendant la campagne de lutte contre le piratage
Quand de nouveaux films sortent sur les écrans, Li Heng, un étudiant de Beijing, va trouver un petit vendeur à l'entrée de son université pour acheter des DVD. Et généralement, il peut obtenir les DVD au prix attendu, environ 10 yuans (1,59 dollars) par film.
« C'est un moyen plus pratique et meilleur marché pour voir les nouveautés », confie Li, ajoutant qu'il ne va au cinéma que pour voir des films avec des effets spéciaux splendides, alors qu'il choisit d'acheter des DVD pour les films ordinaires, qu'il pourra regarder sur son ordinateur dans son dortoir.
« Bien que voir des films au cinéma est un loisir en vogue, je pense que son prix est un peu trop cher pour moi », poursuit-il. A Beijing, le prix moyen d'un ticket est 50 yuans (7,9 dollars).
Li achète des DVD pirates dont la vente est interdite par la loi. Néanmoins, leur prix plus abordable et leur qualité égale aux produits patentés assurent à l'industrie du piratage une plus grande part du marché du divertissement. Les experts estiment que le piratage rampant, un problème commun à la Chine et au monde, a généré des pertes économiques importantes aux cinéastes et entrave le développement futur de l'industrie du cinéma.
Des facteurs d'atténuation
L'expérience de Li représente un grand défi pour la croissance de l'industrie cinématographique chinoise qui subit un piratage de plus en plus sévère. Les initiés du secteur confient que les nouveaux films peuvent être téléchargés en ligne ou visionnés sur des DVD pirates dans les trois jours après leur première au cinéma. « Je peux les regarder dans mon dortoir, alors pourquoi m'embêterais-je à aller au cinéma ? », s'interroge Li.
Une des raisons expliquant la prolifération du piratage est que le coût de production est très bas. « Pour un DVD d'une qualité vidéo moyenne, le coût est négligeable. Pour un DVD de qualité supérieure, le coût est seulement de trois à quatre yuans (0,47-0,63 dollars) », nous explique un vendeur de DVD qui a tenu à garder l'anonymat. « Étant donné la taille du marché chinois, la production de médias piratés est une affaire lucrative », ajoute-t-il.
« Quand le contenu est dérobé, les immenses pertes de revenu n'affectent pas seulement les recettes du box office, mais également l'ensemble de l'industrie », explique Han Kaichen, un réalisateur chinois, qui ajoute que les pertes de l'ensemble du secteur étaient imprévisibles.
« Compte tenu de la taille du marché chinois, la protection des droits intellectuels des films est vitale pour la croissance solide de l'industrie cinématographique », explique Zhang Huaiyin, professeur agrégé de propriété intellectuelle à la faculté de droit de l'Université Xiangtan.
D'après les données de l'Administration d'État de la radio, du cinéma et de la télévision, les recettes totales du box office chinois ont atteint 13,15 milliards de yuans (2,08 milliards de dollars) en 2011, soit une croissance de près de 30 % par rapport aux 10,17 milliards en 2010. Le pays a produit 791 films en 2011, une augmentation importante par rapport aux 526 films produits l'année précédente. Et le nombre d'écrans de cinéma a augmenté de 48 %, passant de 6 266 en 2010 à 9 296 en 2011. « Le piratage endémique va frapper un grand coup contre cette industrie en plein essor », juge Zhang.
Le film de kungfu Ip Man 2: le retour du Grand Maître, a perdu 11,85 millions de yuans (1,87 million de dollars) de recettes au box office à cause du piratage de DVD.
Une autre infraction aux droits intellectuels sur les films consiste à diffuser gratuitement les films en ligne, dans les cafés Internet, dans les bus longue distance et même à la télévision.
Eliminer le problème
La protection du droit de propriété intellectuelle des films fait l'objet d'une plus grande attention ces dernières années, et le gouvernement chinois a lancé de nombreuses campagnes pour s'attaquer aux contrevenants. Un total de 32 573 sites ayant enfreint les droits d'auteur ont été fermés et 54 658 suspects ont été arrêtés au cours d'une campagne de lutte contre l'infraction aux droits d'auteur en juin 2011.
D'après un rapport sur la protection judiciaire du droit de propriété intellectuelle publié par la Cour suprême de Chine, un total de 59 612 cas concernant les droits d'auteur ont été jugés en 2011 et 50 201 verdicts rendus, soit une augmentation de 38,8 et 39,5 % respectivement.
En plus des efforts du gouvernement, il est important, selon les experts, d'augmenter la prise de conscience des gens sur le problème.
Pourtant, tout le monde n'est pas conscient qu'acheter des DVD pirates ou que le téléchargement non autorisé de films sont illégaux. « Personne ne m'a jamais parlé de droits de propriété intellectuelle, même si ça fait des années que j'achète des DVD », confie Li Heng à Beijing Information.
« En réalité, le piratage, c'est du vol. La seule différence est qu'il s'agit du vol du droit de propriété intangible de l'ayant droit », explique Zhang Chaodong, un avocat spécialiste de la question, dans un entretien à Sohu.com.
Il a lancé un appel au gouvernement pour qu'il améliore la sensibilisation du public sur la protection des droits d'auteur et pour qu'il punisse les personnes se rendant coupable d'infraction. « Je suggère que l'enseignement primaire sensibilise les enfants à cette question, de manière à ce qu'ils prennent conscience du concept de droit d'auteur dès leur enfance », déclare Zhang Chaodong.
« Parallèlement, les ayants droits doivent faire appel à la loi pour sauvegarder leurs intérêts juridiques quand leurs travaux sont piratés », conclut-il.
Un mal commun
Les pays africains souffrent du même mal. Ces dernières années, l'industrie cinématographique africaine a connu un développement rapide, notamment grâce à la croissance du cinéma nigérian. Le Nigeria est devenu le deuxième producteur mondial de films en termes de production annuelle, en dépassant les États-Unis et en se plaçant derrière l'Inde. Néanmoins, le Nigeria n'a presque pas de salles de cinéma et environ 99 % de sa production est diffusée dans les foyers ou dans des cadres informels, d'après une étude mondiale sur le cinéma menée par l'Institut de statistiques de l'UNESCO en 2009.
« Le piratage est un problème commun à la Chine et aux pays africains, comme ce sont des pays en développement », explique Zhang Huaiyin. « Même les pays développés comme le Japon et la République de Corée ne peuvent se débarrasser complètement du problème », ajoute-t-il.
Le Nigeria, qui connaît des problèmes liés au piratage endémique, a également fait des efforts pour s'attaquer au problème. La Commission nigériane des droits d'auteur, créée en 1979, est une institution destinée à renforcer la loi sur les droits d'auteur. « Elle a joué un rôle significatif dans la gestion des droits dans le pays », explique Zhang.
D'après lui, la Chine et le Nigeria, en tant que pays en développement ayant conservé des liens d'amitié et d'interaction commerciale, connaissent des difficultés identiques à développer l'industrie du film sans négliger la protection des consommateurs et les intérêts des ayants droits. « Il y a un potentiel de coopération énorme pour les deux pays dans ce domaine », conclut Zhang.
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