Un hôtel-tente

Chaque fois que la saison touristique arrive et que les jeunes se rendent voyager dans la région tibétaine, ils me disent souvent qu'ils envient la vie que j'y mène et qu'ils veulent y exploiter un hôtel comme moi. Mais vraiment, seuls les propriétaires d'hôtel peuvent bien connaître la douceur et les difficultés de cette vie.

Cela fait six ans que j'ai ouvert mon premier hôtel dans la préfecture autonome tibétaine de Ganzi, province du Sichuan. J'y possède maintenant trois hôtels.

Comme beaucoup de jeunes filles, j'avais l'habitude de rêver d'une vie romantique dans un lieu magnifique où je pourrais être mon propre patron, mais à la différence de beaucoup d'autres, j'ai été fidèle à mon rêve. Je n'ai pas envoyé de CV à une centaine de compagnies après avoir obtenu mon diplôme, j'ai plutôt poursuivi ma propre voie.

Lorsque les gens me demandent comment ouvrir leur propre hôtel, je leur dis : réfléchissez bien avant d'agir. Si vous voulez réaliser des bénéfices en affaires, vous devez maîtriser tout, de la décoration intérieure à la promotion en ligne et jusqu'au marketing. Vous devez pouvoir accueillir les clients et déboucher les WC, cuisiner et tenir un bar.

Je n'avais pas suffisamment d'argent pour ouvrir un hôtel et embaucher d'autres personnes pour s'occuper de tout à ma place. J'ai dû m'assurer moi-même que tout se passait bien.

Certains jeunes gens qui veulent exploiter une entreprise privée disent souvent que leurs parents peuvent investir l'argent à leur place, et qu'ils ne comptent pas réaliser des profits pour eux-mêmes. Habituellement, à ce moment-là, je les regarde de haut.

J'avais l'habitude de dire à mes jeunes clients qu'ils devraient voyager davantage et avoir une vue plus large du monde. Mais cela ne signifie pas nécessairement qu'ils doivent emprunter la même voie que moi.

Étant mon propre patron, ils pensent que je vis sous un ciel bleu parsemé de nuages blancs et que je ne fais rien d'autre que lire et boire du thé. Mais me voient-ils me creuser la tête, le soir, pour trouver des idées de marketing, me faire engueuler par des clients difficiles ou encore répondre chaque jour aux mêmes demandes de renseignements en ligne?

Certains jeunes ont afflué dans le domaine, car ils croyaient qu'ils n'auraient pas ainsi à chercher du travail et à écouter le papotage de leurs parents et qu'ils pourraient flirter avec les clients.

Mais tôt ou tard, ils constatent qu'ils doivent payer le loyer, l'électricité, l'eau et les salaires de leur personnel. Je sais que certains de ces « patrons » qui ont ouvert des hôtels à Lhassa ont fini par vendre de l'art ou même de la drogue sur la rue.

Pire encore, ils constatent que lorsqu'ils retournent dans d'autres villes, ils ne peuvent pas s'adapter à la vie à cet endroit. Puisqu'ils se sont habitués à une vie libre ne consistant qu'à prendre le soleil et à boire du thé, ils se sentent frustrés de travailler de 9 à 5 durant la semaine, et ils s'inquiètent d'obtenir des prêts pour acheter un logement. Finalement, ils ne deviennent rien d'autre que des zombies.

Peu importe à quel point j'apprécie la vie, c'est mon entreprise, pas un passe-temps plaisant. Ce à quoi je pense maintenant tous les jours, c'est la manière de promouvoir mon hôtel et d'améliorer les services afin de gagner plus d'argent. Je vis dans la région tibétaine parce que je crois au bouddhisme, et non pas parce que je veux échapper à la société ou à la réalité.

Bien sûr, les gens peuvent choisir leur mode de vie comme bon leur semble, et je ne devrais pas m'exprimer de façon trop absolue.

J'ai un ami qui possède une auberge de jeunesse à Lhassa. Il vit maintenant ailleurs après son mariage. Mais chaque année, il s'y rend et prend quelques jours de congé. J'apprécie ceux dont la vie a une signification et qui savent ce qu'ils veulent.

La société offre aux jeunes beaucoup de choses à apprendre et à expérimenter, plutôt que de rêver simplement durant des jours à ouvrir une petite auberge quelque part dans la région tibétaine.

Source: fr.china.org.cn