Li Fangfang
8 avril, au musée Inside-Out à Beijing, artistes, parents et instructeurs d'enfants autistes discutent éducation. La conférence s'est ouverte sur l'histoire d'un garçon néerlandais qui tient son crayon comme les mandarins d'antan maniaient leur pinceau de calligraphie.
L'histoire de David
Né à Rotterdam, David Barth, 14 ans, s'est mis à dessiner dès qu'il a tenu son premier crayon entre les mains. Selon ses parents, il le tenait comme un pinceau de calligraphie. Mais sur le moment, ils n'ont pas fait le lien entre cette prise et l'art chinois.
David a le syndrome d'Asperger, une forme d'autisme qui provoque une déficience d'interaction sociale, des comportements répétitifs et des intérêts limités, mais dont les troubles du langage ne sont pas aussi marqués que dans d'autres formes d'autisme.
Son syndrome inclut une concentration sur les détails, ce qui se révèle dans son approche de la peinture. « Lorsque David dessine, c'est comme si l'image était déjà tracée dans sa tête avant même que le crayon ne touche le papier », explique son père Luuk Barth à Beijing Information.
« Il commence à partir d'une petite partie, et l'ensemble du tableau apparaît peu à peu », confirme Zhou Yi, directeur artistique de Inside-Out, et modérateur de ce débat.
La plupart des enfants autistes ont des difficultés avec la communication verbale. Mais les compétences linguistiques de David n'en sont pas affectées. Il parle facilement et pose des questions s'il ne comprend pas.
La famille Barth est fière du talent de David. A tel point qu'elle a créé un site web pour promouvoir ses œuvres. En outre, David et sa mère ont publié un livre, Quoi de neuf avec Kobus ?, illustrant cette maladie, et donnant des conseils pour entrer en contact avec les personnes autistes.
L'acceptation, c'est la clé
Les gens neurotypiques ont généralement du mal à interagir avec les personnes autistes, et ont tendance à ignorer leurs sentiments. « Ils peuvent sentir les choses. La plupart des gens pensent que les enfants autistes ne peuvent pas s'exprimer, principalement car ils ne comprennent pas leurs réactions », a déclaré Li Hua, membre de l'Association pour la réadaptation des enfants autistes, une organisation sociale basé à Beijing qui fournit des soins et un soutien aux familles d'autistes.
En Chine, certains parents ont du mal à comprendre le monde des autistes. Au cours de la conversation, une instructrice expérimentée de Mongolie intérieure, au nord de la Chine, a partagé son approche.
Remarquant un jour qu'un de ses élèves coloriait l'herbe en gris, elle a obtenu cette réponse défiante : « Parce qu'elle cuit à cause du soleil ».
L'instructrice a peu à peu pris conscience que les enfants mélangeaient naturellement leurs sentiments dans le dessin. Elle les a donc amenés à d'abord sentir les choses, par le toucher, l'odorat ou le goût, puis à dessiner leurs sensations.
Les élèves aiment dessiner de cette manière, mais souvent, les parents ne saisissent ce que les dessins représentent. Mais artistes et enseignants soutiennent que, pour les enfants, le réalisme n'est pas aussi important que le plaisir de dessiner.
Zou Wen était l'un de ces parents. Son fils, surnommé Kang Kang, a été diagnostiqué à 3 ans. « Lorsqu'on a annoncé le diagnostic, je n'ai même pas pu pleurer. Le monde s'écroulait sous mes pieds », se souvient-elle.
Une peinture de Kang Kang
Avec son mari, elle a tout fait pour offrir à leur enfant le meilleur environnement qui soit. Si les enfants sont pris en charge avant trois ans, les progrès sont plus rapides, selon Jia Meixiang, psychiatre de l'Institut de santé mentale de l'Université de Pékin et expert de l'autisme.
« Les parents doivent faire face à la réalité, et agir au plus vite. Car leur aide permet de réduire les symptômes », explique l'expert.
Kang Kang, dynamique et heureux, a aujourd'hui 14 ans. Il peut dessiner, nager et même cuisiner pour ses parents. Lorsqu'il rencontre des inconnus, il est un peu nerveux, mais essaie d'être poli.
Une personne neurotypique est habituée à vivre selon certaines règles sociales. Zou avait coutume de demander à son fils de dessiner les choses telles qu'elles étaient. Mais, peu à peu, elle a essayé de le comprendre.
Zou tient un blog sur l'autisme intitulé « Mon enfant vient des étoiles ». Elle a consacré sa vie entière à s'occuper de Kang Kang. Et les posts qu'elle publie sont très suivis, notamment par d'autres parents d'enfants autistes, qui y puisent leur énergie.
Si je ne suis plus là, qu'adviendra-t-il de lui ?
« J'espère pouvoir vivre plus longtemps que mon fils, et ainsi prendre soin de lui toute sa vie », dit la mère d'un enfant autiste.
Les parents se soucient toujours de l'avenir de leurs enfants. Après tout, il est impossible pour eux de rester avec eux pour toujours. Les familles participant au débat ont demandé si leurs enfants pouvaient vivre de la peinture, et être reconnus par les autorités.
« J'ai entendu dire que certains autistes devenaient artistes professionnels », a dit Zhou. Mais selon les experts, il est plus important pour les enfants d'apprendre à aimer l'art plutôt que de se concentrer sur l'apprentissage des techniques uniquement dans l'espoir de devenir célèbre. Néanmoins, garantir aux enfants autistes le maintien de leur niveau de vie une fois leurs parents décédés est une question cruciale. Car même si certains devenaient artistes, ils auraient encore besoin d'aide au quotidien.
Zou est aussi membre de l'Association pour la réadaptation des enfants autistes de Beijing. Selon elle, il y a beaucoup d'écoles de réadaptation pour les petits enfants, mais la formation pour les adolescents est encore sous-développée.
« Kang Kang n'aura plus rien à faire lorsqu'il aura passé 16 ans, affirme Zou à Beijing Information. J'espère juste qu'il ne s'ennuiera pas ».
Avec plusieurs autres familles, Zou envisage de créer une fondation autiste et un centre de formation professionnelle pour garantir des soins aux futurs autistes adultes.
Des familles comme les Zou sont issues de la classe moyenne ou supérieure. Mais qu'en est-il des autres ? Si les enfants autistes peuvent aujourd'hui compter sur leurs familles, qu'adviendra-t-il d'eux à l'âge adulte ?
Certaines organisations non gouvernementales comme la One Fondation ont offert leur aide, et certaines activités de bienfaisance se tiennent à l'occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme. Mais ces mesures sont temporaires et non systématiques. Des institutions prenant en charge les autistes sont nécessaires. Et la société doit faire un peu pour accepter les autistes, afin qu'ils ne soient plus discriminés et puissent vivre dans la dignité.
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