Yu Lintao
Les Etats-Unis et la Corée du Nord sont parvenus à un premier accord sur le nucléaire depuis la prise du pouvoir par le nouveau leader Kim Jong-un. Cet accord a été accueilli favorablement par les parties concernées.
Opposant aux exercices militaires conjoints américano-sud-coréens, Séoul le 3 mars
Lorsque Kim Jong-un est arrivé au pouvoir à Pyongyang l'an dernier, les pays occidentaux se sont inquiétés de l'avenir de la Corée du Nord. Mais ils peuvent maintenant se rassurer, car, selon les analystes, Pyongyang va continuer à améliorer ses relations avec l'Occident, comme en témoigne la percée faite lors d'une récente réunion entre la Corée du Nord et les Etats-Unis.
La réunion, tenue à Beijing fin février, fut la première du genre depuis l'investiture de Kim Jong-un. En vertu de l'accord conclu lors de la réunion, la Corée du Nord va suspendre ses essais nucléaires, ses lancements de missiles longue portée et ses activités d'enrichissement d'uranium, et permettre à l'Agence internationale de l'énergie atomique de surveiller le moratoire sur l'enrichissement d'uranium. En retour, les Etats-Unis fourniront une aide alimentaire à la Corée du Nord, avec un premier envoi de 240 000 tonnes d'aliments.
La bonne direction
« Le dernier accord conclu entre la Corée du Nord et les Etats-Unis a montré que le nouveau leader nord-coréen avait l'intention de mettre en œuvre des politiques plus ouvertes », a déclaré Shi Yongming, chercheur sur l'Asie-Pacifique à l'Institut chinois d'Etudes internationales.
« Des discussions bilatérales entre Washington et Pyongyang sur la question nucléaire avaient commencé l'an dernier sous Kim Jong-il, et son successeur a choisi de continuer dans cette voie, ce qui est positif, estime Shi. Par ailleurs, des ajustements des politiques économiques nationales menées par le nouveau dirigeant permettront une plus grande ouverture en Corée du Nord ».
L'agence de presse officielle nord-coréenne a récemment rapporté que Pyongyang avait modifié ses lois pour les investisseurs étrangers, afin d'attirer davantage d'investissements extérieurs.
« Pyongyang étant décidée à bâtir un pays prospère, elle a besoin pour cela d'un environnement régional pacifique, ce qui pourrait constituer une autre raison de la signature du récent accord entre la Corée du Nord et les Etats-Unis », avance Shi.
« Cet accord est en phase avec leurs différents besoins, estime-t-il. Pyongyang veut de l'aide alimentaire, mais également que les discussions se poursuivent. Les Etats-Unis, eux, se concentrent désormais sur l'Iran et la Syrie. En cette année électorale, Washington fait tout pour que Pyongyang ne pose pas de problème ».
Zhan Debin, spécialiste de la Corée à l'Institut du Commerce Extérieur de Shanghai, estime que l'accord pourrait aider Kim Jong-un à renforcer sa position politique à l'intérieur du pays. Il a pris ses fonctions il y a quelques mois, et sa priorité est d'assurer que la population mange à sa faim, la Corée du Nord ayant souvent besoin de plus d'aide alimentaire au printemps.
L'accord américano-nord-coréen a été accueilli favorablement par les parties concernées. La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a décrit le mouvement de Pyongyang comme un "premier pas modeste dans la bonne direction" lors d'une audience du Sénat.
Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hong Lei, a dit que la Chine était prête à œuvrer avec toutes les autres parties concernées pour continuer à faire avancer le processus des pourparlers à six.
Apaiser les tensions
Certains observateurs affirment que l'accord conclu entre Washington et Pyongyang pourrait éventuellement conduire à la reprise des pourparlers à six, un cadre impliquant Corée du Nord, Etats-Unis, Chine, Corée du Sud, Japon et Russie, et visant à mettre fin au programme nucléaire nord-coréen à travers un processus de négociation. La Corée du Nord a abandonné les pourparlers en 2009. Mais 2012 est une année électorale pour plusieurs des participants aux pourparlers. Des progrès substantiels ne peuvent être attendus avant les élections présidentielles aux Etats-Unis et en Corée du Sud à la fin de l'année.
« L'apaisement des tensions entre Etats-Unis et Corée du Nord est utile pour reprendre les pourparlers à six, mais cette reprise ne sera pas immédiate. Elle dépendra en partie des résultats des élections américaines et surtout sud-coréennes », a déclaré Shi.
A l'heure actuelle, Séoul est réticente à reprendre les pourparlers en raison de sa politique de ligne dure envers Pyongyang. Depuis que Lee Myung Bak est au pouvoir, Séoul a durci le ton face à Pyongyang. Lee a abandonné la politique de réconciliation de ses prédécesseurs Kim Dae-jung et Roh Moo Hyun, et a adopté une attitude plus agressive envers la Corée du Nord.
Pyongyang ne veut pas non plus discuter avec l'administration Lee, et espère un changement à l'issue de l'élection présidentielle, a dit Shi.
Le récent accord a ouvert la voie à de nouvelles améliorations, mais il ne marque pas un changement substantiel, analyse Zhan.
Zhang Liangui, professeur d'études internationales à l'Ecole du Parti du Comité central du Parti communiste de Chine, est quant à lui plus prudent.
« L'objectif final de Washington est un démantèlement permanent de l'arsenal nucléaire nord-coréen, tandis que Pyongyang vise à normaliser ses relations avec les Etats-Unis, tout en exigeant que le reste de la planète voit en elle une puissance nucléaire. A l'heure actuelle, l'un comme l'autre est impossible, a dit Zhang à Beijing Review. Bien qu'aucun progrès substantiel n'ait été enregistré, Pyongyang a montré à Washington qu'il était possible de parvenir à certains accords, et que les entretiens bilatéraux pourraient donc se poursuivre. »
« Même si le récent accord ne peut forcer Pyongyang à abandonner son programme nucléaire, il pourra au moins réduire la menace nord-coréenne sur le territoire américain, Pyongyang ayant promis de geler le développement de son programme de missiles longue portée », a ajouté Zhang.
Des doutes subsistent
Les médias occidentaux ont émis quelques doutes sur la bonne foi de Pyongyang quant à la dénucléarisation. Selon eux, un chemin se dessine : gel du programme nucléaire contre aide alimentaire ou autres concessions. Mais les Etats-Unis restent sceptiques, craignant que la Corée du Nord ne tienne pas ses promesses.
« Peu de chances. Les conséquences politiques seraient trop graves pour le jeune leader nord-coréen. Et économiquement, redémarrer le programme nucléaire suspendu prendrait deux ans et demi, a déclaré Shi. La Corée du Nord ne prendra pas ce risque, à moins que Washington ou Séoul entreprennent des actions extrêmement hostiles à son égard. »
Récemment, des affiches anti-Pyongyang ont été trouvées dans des casernes militaires sud-coréennes, accentuant les tensions entre les deux voisins. Les fréquents exercices militaires américano-sud-coréens sont également soupçonnés d'alimenter l'instabilité dans la péninsule coréenne.
En 2005, les membres des pourparlers à six ont publié la Déclaration commune du 19 septembre. Ce document conjoint sur le problème nucléaire coréen a réaffirmé l'objectif d'une dénucléarisation vérifiable de la péninsule coréenne de manière pacifique.
« Les progrès réalisés en 2005 sont issus de la politique du président sud-coréen de l'époque, Roh Moo Hyun, a dit Shi. Plus tard, les sanctions financières américaines sur Pyongyang et la politique de l'administration Lee Myung Bak ont engendré un retour en arrière de Pyongyang sur sa position nucléaire. »
« En tant que président des pourparlers à six, la Chine a permis d'équilibrer le règlement du problème nucléaire coréen, estime Shi. Chaque fois qu'il y a des réactions excessives, la Chine essaie de temporiser afin que les parties puissent résoudre les problèmes par des négociations pacifiques. Que ce soit dans les pourparlers à six ou le dialogue bilatéral entre Washington et Pyongyang, la Chine a joué un rôle de coordination pour faciliter les progrès. »
Wu Dawei, Représentant spécial de la Chine pour les affaires de la péninsule coréenne, a déclaré : « Le processus des pourparlers à six va de l'avant. Il est favorable à la paix et la stabilité sur la péninsule coréenne. La Chine fera de son mieux pour promouvoir la reprise des pourparlers ».
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