Après deux années de flambée des prix, l'immobilier chinois revient peu à peu sur ses rails. Pour autant, le gouvernement ne relâchera pas son contrôle de sitôt.
Lan Xinzhen
C'est officiel, il y a un pilote dans l'avion immobilier chinois. Le marché montre des signes de ralentissement. Lors d'une réunion du Conseil des affaires d'Etat tenue le 31 janvier, le Premier ministre Wen Jiabao a néanmoins réitéré la position du gouvernement, qui souhaite consolider les mesures visant à freiner la spéculation immobilière ainsi que les prix du logement.
Cette réunion étant organisée pour discuter du rapport d'activité du gouvernement qui sera soumis à la session de l'Assemblée populaire nationale en mars, les remarques de Wen Jiabao ont révélé l'orientation du gouvernement chinois dans le secteur de l'immobilier en 2012 : le contrôle se poursuivra et ne se relâchera pas de sitôt.
Travail de contrôle
Il y a deux ans, le marché immobilier explosait, et les prix des logements ont suscité un mécontentement populaire. Depuis avril 2010, le gouvernement a lancé une nouvelle série de mesures freinant la spéculation, restreignant les prêts et accélérant la construction de logements abordables.
Et ces mesures ont porté leurs fruits. En effet, selon le rapport 2011 sur l'octroi des prêts publié par la banque centrale le 30 janvier, la croissance des prêts immobiliers a chuté. Fin décembre, le solde des prêts accordés par les institutions financières à l'industrie de l'immobilier a totalisé 10,73 trillions de yuans, 13,9 % en glissement annuel, soit -13,5 points de pourcentage par rapport à l'an dernier. Dans l'intervalle, la proportion des prêts pour le développement des logements abordables a augmenté. A la fin décembre 2011, le solde des prêts pour le développement de logements abordables s'élevait à 349,9 milliards de yuans, +175,1 milliards de yuans pour l'année, soit 50,1 % du total des prêts immobiliers, 31,7 points de pourcentage de plus qu'au début 2011.
En janvier 2012, le prix moyen des maisons dans 100 villes chinoises baissait de 0,18 % en un mois, à 8 793 yuans le mètre carré, selon un rapport publié par l'Académie chinoise des indices le premier février.
Les contrôles ont porté un coup aux promoteurs immobiliers, à tel point que certains ont mis la clé sous la porte. Selon un document de la Commission du Logement et du Développement urbain et rural de Beijing, en 2011, pas moins de 473 promoteurs immobiliers ont disparu du marché de la capitale.
À l'heure actuelle, Beijing compte environ 3 000 promoteurs immobiliers officiels. Selon les chiffres du Bureau municipal des terrains et des ressources, ces dernières années, moins de 200 parcelles de terre ont été fournis aux développeurs par an en moyenne, et on estime que cette proportion va diminuer.
Au cours des cinq prochaines années, seulement 1 000 promoteurs immobiliers pourront obtenir des terrains, ce qui signifie que les 2 000 autres finiront par fermer.
D'autres villes sont confrontées à des problèmes similaires. Selon les chiffres du Bureau de la sécurité et de la gestion des logements de Wuhan, dans la province du Hubei, fin octobre 2011, il y avait 1 375 sociétés de promotion immobilière inscrites dans la ville, soit 200 de moins par rapport à la même période de 2010.
Le contrôle continue
Le ministère du Logement et du Développement Urbain et Rural (MOHURD) met en place une base de données nationale sur le logement. Les informations sur le logement individuel dans 40 villes clés telles que Beijing, Shanghai et Hangzhou, capitale de la province du Zhejiang, seront entrés dans cette base de données d'ici à la fin juin. Ensuite, ces informations seront disponibles pour enquête, et l'achat de logements dans ces villes sera surveillé de manière uniforme.
Cela signifie que les spéculateurs seront soumis à des restrictions plus strictes. Zhang Dong, directeur de l'Institut de l'immobilier de l'Université Zhongnan d'économie et de droit, dit dans son blog que, avec une base de données nationale d'information sur le logement individuel, l'autorité de surveillance sera en mesure de maîtriser mieux et plus rapidement la planification du logement ainsi que les données d'approvisionnement du marché et la demande, qu'elle pourra faire une surveillance efficace et mettre en place de bonnes mesures de contrôle.
Le MOHURD accélère également la construction de logements abordables. L'objectif pour cette année -7 millions d'unités - est inférieur aux 10 millions de 2011, mais la zone de construction sera plus grande que l'an dernier.
L'impôt foncier est également susceptible d'être introduit dans les villes où l'investissement est important, ou dans les 40 villes clés comprises dans la base de données. Le 28 janvier 2011, Chongqing et Shanghai sont devenues les deux premières villes pilotes pour l'impôt foncier en Chine. En un an, cette taxe a porté ses fruits à Chongqing, avec la chute des logements haut de gamme, le ralentissement de la hausse des prix des logements, et l'optimisation de la structure de l'approvisionnement. Le mode d'habitat a également commencé à se transformer dans l'esprit des habitants.
Chen Guoqiang, vice-président de la Société de l'immobilier chinois, a déclaré que cette année, les autorités de régulation continueront à se concentrer sur la réduction de l'investissement spéculatif, et la durée des contrôles dépendra du développement macro-économique et des opérations du secteur de l'immobilier.
Li Huiyong, analyste chez Shenyin Wanguo Securities & Co. Ltd, a déclaré qu'en 2012 la Chine continuera à améliorer la structure du marché de l'immobilier sur la base de l'expérience de l'an passé.
Wu Qilun, commentateur financier indépendant, a déclaré que le contrôle de l'immobilier devait être une priorité du gouvernement. Selon Wu, le contrôle immobilier peut être réalisé non seulement à travers des politiques de régulation centrales appropriées, mais aussi par la mise en œuvre effective de mesures telles que les limites d'achat et les limites de crédit au niveau local. « Pour consolider les effets du contrôle immobilier, le gouvernement central va inévitablement renforcer le contrôle sur les gouvernements locaux, afin qu'ils mettent pleinement en œuvre les mesures de régulation et qu'ils ne relâchent pas le contrôle », a expliqué Wu.
Wu a dit que cette année la Chine devrait continuer à pousser les gouvernements locaux à construire des logements abordables, à mettre en place un système de responsabilisation du contrôle immobilier, et à punir les responsables administratifs et les fonctionnaires en charge de l'industrie de l'immobilier dans les localités qui ne parviennent pas à atteindre les objectifs de contrôle.
Tendances futures
« Il est peu probable que les prêts immobiliers se développent rapidement cette année, et le crédit immobilier sera resserré », a déclaré Zhu Daming, vice-président de la National Real Estate Manager Alliance, dépendant de la Fédération nationale de l'industrie et du commerce.
Selon Zhu, la rareté du crédit immobilier cette année est imputable aux prix exorbitants de l'immobilier, et il est irréaliste, du moins dans la première moitié de cette année, d'inverser la tendance dans ces conditions.
Selon Zhu, bien que la croissance du total des prêts immobiliers soit en baisse, la proportion de prêts pour le développement du logement abordable va s'élever. La croissance de l'investissement dans le logement abordable fera pression sur les promoteurs de logements commerciaux, et fera baisser les prix.
Selon un rapport publié par le Centre de prévision scientifique de l'Académie chinoise des sciences, en 2012, les prix de vente moyens baisseront de 5,3 % par an.
Le secteur bancaire est également préoccupé par la baisse des prix. La banque centrale a tenu une conférence sur la gestion des risques dans l'industrie de l'immobilier fin novembre 2011. Un rapport du département d'analyse et de statistiques de la banque centrale a été discuté lors de la conférence. Selon ce rapport, les prix de l'immobilier vont commencer à baisser grâce à la chute de l'investissement immobilier et les prêts nouvellement accordés. Certains représentants de banques commerciales ont estimé que les banques et les promoteurs pourraient résister à une baisse de 20-30 % des prix de l'immobilier. Néanmoins, le PBC est davantage préoccupé par d'éventuelles ventes en chaîne dues à un mouvement de panique.
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