Chen Xiangyang
Le 23 octobre 2011, les Libyens fêtent la formation du gouvernement de transition.
Les impacts de la crise financière globale persistant, agitations, instabilités et dangers ont émaillé l'année 2011. Ce phénomène cache-t-il des « douleurs expulsives » provoquées par la transformation de l'ordre international ?
La situation mondiale présente dans l'ensemble cinq particularités en 2011.
1) Les performances économiques sont très différentes dans les pays développés et dans les pays en développement. La crise de la dette en Europe et aux Etats-Unis entrave gravement le redressement économique mondial.
Bien que les Etats-Unis aient élevé le plafond de la dette à 2 100 milliards de dollars pour éviter le défaut de paiement, leur crédit souverain a connu pour la première fois une dégradation. L'Europe, quant à elle, laisse voir sa paresse, sa faible efficacité et son impuissance devant la crise. Le resserrement financier et la réduction du bien-être social, dont les deux puissances économiques ont besoin de toute urgence, sont restreints par le mécontentement des habitants et par l'affrontement entre le gouvernement et le peuple, ce qui retarde leur sortie du marasme économique. Selon le Fonds monétaire international (FMI), la croissance n'est que de 1,6 % dans les pays développés en 2011.
Les économies émergentes sont devenues les forces vives pour la relance économique mondiale. On estime qu'elles auraient connu une croissance de 6,4 % en 2011, tandis que le chiffre est de 4 % pour l'économie mondiale, mais supérieur à 9 % pour la Chine. En raison de la bonne performance des économies émergentes, l'économie mondiale évite de « toucher le fond pour une deuxième fois ». Cependant, les économies développées lancent successivement une politique monétaire relâchée, très égoïste, pour faire retomber la crise sur l'extérieur en adoptant le protectionnisme, ce qui ralentit la croissance des économies émergentes.
En 2012, la relance économique mondiale affrontera encore de nombreuses instabilités, et la croissance maintiendra une faible vitesse dans les pays développés mais une forte vitesse dans les pays en développement.
2) Les conflits sociaux et politiques se succèdent sur la planète.
Les « effets de débordement » de la crise financière internationale se dévoilent, ce qui engendre des crises sociales et politiques de différents degrés au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, en Europe et aux Etats-Unis, dont les plus importants comprennent la révolution de Jasmin en Tunisie, le conflit sanglant au Caire (Egypte), la guerre civile en Libye, le massacre commis par un extrémiste en Norvège, le bouleversement à Londres, et le mouvement « Occupy Wall Street » (Etats-Unis), entre autres.
Une soi-disant « année de colère 2011 » dévoile trois problèmes sociaux à l'heure actuelle. Premièrement, les écarts s'aggravent entre les riches et les pauvres. La crise financière réduisant largement la fortune de la classe moyenne, la population développe un fort sentiment de privation, et est plus prompte à manifester son mécontentement. Le mouvement « Occupy Wall Street » vise en fait le système financier américain. Deuxièmement, le système traditionnel monolithique ne marche plus devant la tendance irréversible de la globalisation, de l'informatisation et de l'équité. Avec la fanfare des nouveaux médias et des acteurs non-étatiques, les bouleversements qui éclatent dans un pays se propagent facilement à l'extérieur. Troisièmement, la structure démographique et le déséquilibre du marché de l'emploi aggravent les contradictions entre les différentes couches. La population mondiale franchissant le seuil des 7 milliards d'habitants, davantage de jeunes étant au chômage, leur colère constitue une difficulté pour tous les pays.
En 2012, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord affronteront des facteurs variables et des missions délicates en matière de reconstruction du pays, et les contradictions sociales s'intensifieront probablement en Europe et aux Etats-Unis.
3) Avec l'équilibre de la structure stratégique internationale, une nouvelle partie d'échecs se joue entre les puissances occidentales et les grands pays émergents.
Avec une augmentation régulière de leur proportion dans le PIB mondial, la vitesse de croissance des grands pays émergents est plusieurs fois supérieure à celle des puissances occidentales, qui s'enfoncent dans la crise socio-économique. La confrontation fluctue entre ces deux groupes.
Trois dossiers illustrent les échecs entre les puissances occidentales, qui s'appuient sur le G8 (Groupe des huit) et l'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord), et les grands pays émergents, qui considèrent comme plate-forme les BRICS. Premièrement, sur la question de la situation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les BRICS sauvegardent fermement la souveraineté nationale et la non-ingérence mutuelle des affaires intérieures, tandis que les Etats-Unis et l'Europe interviennent par la force dans la guerre civile libyenne en abusant de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité des Nations unies, et tentent de jouer un rôle dominant dans le « nouveau Moyen-Orient ». Deuxièmement, les pays occidentaux veulent dominer le FMI et décider de sa nouvelle direction et de son augmentation de capitaux et des actions, et les BRICS s'efforcent de renforcer leur voix au chapitre dans la gestion de l'économie mondiale. Troisièmement, en matière de lutte contre le changement climatique, les quatre pays du BRICS (la Russie non incluse) soutiennent la poursuite du Protocole de Kyoto, demandant aux pays développés de réduire leurs émissions pour accomplir « la promesse pour une deuxième période », mais les pays développés tâchent de décliner toute responsabilité.
En 2012, les grands pays émergents lutteront ensemble contre le transfert de la crise économique par les puissances occidentales.
4) Avec la coexistence des défis de sécurité traditionnels et non-traditionnels, l'environnement de sécurité international est complet et risqué.
Les défis de sécurité traditionnels sont de trois ordres : conflits régionaux en augmentation, course aux armements parmi des puissances mondiales et rivalité stratégique dans le cyberespace, considéré comme de la même importance que les espaces aériens, terrestres et maritimes.
Les défis de sécurité non traditionnels concernent aussi trois domaines :
- Les catastrophes naturelles de haute fréquence provoquent des accidents très graves, comme la fuite nucléaire au Japon.
- La lutte contre le terrorisme est entrée dans une nouvelle phase. Bien que les Etats-Unis aient tué Oussama Ben Laden et Anwar al-Awlaki, deux importants leaders d'Al-Qaïda, les menaces terroristes « locales » sont encore critiques dans les pays occidentaux, et l'Asie du Sud reste toujours une « zone gravement sinistrée » où le terrorisme sévit au quotidien.
- La question des programmes nucléaires de la République populaire démocratique de Corée et de l'Iran sont plus complexes encore, en raison notamment du renversement du pouvoir de Kadhafi par l'Occident, qui avait abandonné son plan d'armes nucléaires.
5) Le « retour » des Etats-Unis trouble la région Asie-Pacifique. La croissance rapide et continuelle des économies émergentes asiatiques pousse les grandes puissances à augmenter leurs investissements dans cette région.
Les Etats-Unis déclarent qu'ils suivront de près la région Asie-Pacifique dans la prochaine décennie. Ils ont participé pour la première fois au Sommet de l'Asie de l'Est en organisant l'APEC (Coopération économique pour l'Asie-Pacifique). Ils ont tenté de tirer profit du différend maritime en Asie de l'Est, Mettant en jeu leur supériorité militaire, ils recherchent la domination dans la région Asie-Pacifique. Se ralliant aux Etats-Unis, le Japon continue à susciter des troubles. Pour exploiter l'Asie-Pacifique, la Russie se repose sur deux principaux atouts, que sont l'armée et l'énergie.
Bien basée en Asie du Sud, l'Inde « marche vers l'est » dans les domaines militaires et économiques. Dans de telles circonstances, l'ANASE (Association des Nations de l'Asie du Sud-est) renforcent la cohésion intérieure, en adoptant la stratégie d'« équilibre des puissances ».
En 2012, les Etats-Unis accélèreront leur « retour » dans la région Asie-Pacifique, et la partie d'échecs entre les diverses parties deviendra plus acharnée et compliquée sur les méthodes de coopération régionale et sur les questions chaudes dans la région, dont les plus importantes concernent la situation en Afghanistan et au Pakistan, la dispute sur la Mer de Chine méridionale, le programme nucléaire de la Corée du Nord et le problème de la péninsule coréenne, ainsi que la concurrence du droit dominant dans la coopération régionale.
(L'auteur est sous-directeur du bureau des politiques mondiales relevant de l'Institut des relations internationales contemporaines)
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