Guillaume Brandel
Grues et bâtiments en construction s'étendent à perte de vue. Bienvenue dans la zone pilote d'économie circulaire de Caofeidian. Situé près de la ville de Tangshan, dans la province septentrionale du Hebei, ce chantier pharaonique entend, à horizon 2020, céder la place à un modèle de ce que pourrait être un parc éco-industriel propre, raisonné et respectueux de l'environnement.
Industrie et environnement, la réponse chinoise
Industrialisation, urbanisation, épuisement des ressources, et consommation se heurtent aux limites de l'environnement. Afin de répondre à ce défi écologique, l'économie circulaire a été lancée en Chine dès 2002 au titre de stratégie nationale.
L'économie circulaire, parfois appelée économie du recyclage, est inspirée des initiatives allemande et japonaise. Les parcs éco-industriels allemands ont été vus par les Chinois comme un moyen d'améliorer la durabilité de l'industrialisation. L'exemple japonais a notamment servi sur le plan législatif. Cependant, la Chine a su adapter ces principes à sa réalité et ses ambitions.
Fondée sur le principe des 3 R : réduction, réutilisation et recyclage, ce modèle est sous-tendu par l'écologie industrielle. Les écosystèmes ne produisent pas de déchets : les outputs d'un organisme sont utilisés par d'autres comme inputs. Il s'agit donc de lier industries et usines par la réutilisation de leurs déchets respectifs. Cela requiert des infrastructures facilitant les échanges de déchets, la meilleure solution étant les parcs éco-industriels.
En octobre 2005, la zone industrielle de Caofeidian a été désignée par l'Etat comme l'une des premières zones industrielles pilotes pour le développement de l'économie du recyclage. En mars de l'année suivante, le développement de Caofeidian fut inscrit dans le XIe plan quinquennal, et son plan de développement fut approuvé par le Conseil des affaires d'Etat en janvier 2008.
2006, Caofeidian sort de terre
« Au départ, il n'y avait qu'un phare ici, se souvient M. Wang Yujun, chef du département Communication de l'entreprise Shiye, arrivé à Caofeidian en 2006. Nous avons construit une première route, puis un port de marchandises, d'autres routes, et des postes d'amarrage. » La capacité de déchargement est passée de 11 millions de tonnes en 2006, à 31 millions de tonnes en 2008. Et aujourd'hui, cette zone fait travailler 80 000 personnes, ouvriers du bâtiment compris.
Déchargement des bateaux sur les docks de la zone de Caofeidian (Bai Shi/ Beijing Information)
Avant la fin de 2005, ni cantine, ni télévision, juste un immense chantier à ciel ouvert. « Les conditions de travail étaient difficiles », se rappelle M. Wang dont la famille vit à Tangshan, à 80 km de là. Mais depuis, les infrastructures de base ont été installées, et la vie est bien meilleure, rythmée par les parties de football dans le stade, et les soirées karaoké.
Poste, banque… Tous les services de base sont presque déjà disponibles. Et on projette de construire une nouvelle zone multifonctionnelle, qui accueillera un hôpital, une école, des stades, des centres commerciaux, etc… De plus, une cité écologique en cours de construction entend accueillir une population de 1 million d'habitants.
L'entreprise de M. Wang, Shiye, recrute de nombreux étudiants pour des postes de techniciens. Et il l'assure, les jeunes ont bien compris le potentiel de cette zone industrielle, et pointent donc tous les matins pour un salaire annuel confortable, 70 000 yuans.
JO de Beijing, un tournant pour le parc éco-industriel
2008. A quelques mois de Jeux olympiques, le mot d'ordre est clair : Beijing sera verte, ou ne sera pas. Voilà comment les cheminées de l'usine sidérurgique de la capitale cessèrent de cracher leurs fumées polluantes, pour prendre leurs quartiers d'été à Caofeidian, au cœur du parc éco-industriel.
« Il ne s'agit pas d'un simple déménagement. Les technologies obsolètes ont été éliminées », explique M. Ma Xiao, de Shougang Jingtang United Iron&Steel Co., ltd. La proximité avec la mer permet de diminuer les coûts logistiques, une victoire pour le trafic et l'environnement. A l'avenir, la sidérurgie produira 1 400 tonnes par personne chaque année, une quantité importante à l'échelle mondiale.
Ma Xiao présente aux journalistes de BI les activités de la Shougang Jingtang United Iron&Steel Co., ltd. (Bai Shi/Beijing Information)
Dans cette nouvelle usine, qui emploie 6 400 personnes venues pour moitié de Beijing, deux tiers des technologies utilisées sont à caractère d'innovation indépendante et intégrée, et le reste est introduit de l'étranger. Elles permettent d'élever le taux d'efficacité, et de diminuer la consommation énergétique.
« Evidemment, on ne peut pas dire que notre nouvelle usine n'émet aucune pollution. Toute activité est polluante. Néanmoins, nous avons drastiquement réduit nos rejets polluants », soutient, honnête, M. Ma Xiao.
La « circularité » de l'usine Shougang Jingtang United Iron&Steel Co., ltd se décline selon trois axes. Tout d'abord, les déchets sidérurgiques, qui sont réutilisés par une cimenterie voisine pour en faire des matériaux de construction. Ensuite, le gaz de houille, principalement utilisé pour la cokéfaction et le laminage à chaud, qui assure 94 % des besoins électriques de l'usine. Enfin, la vapeur d'eau émise par l'usine, qui sert au dessalement des eaux de mer.
Un parc éco-industriel ambitieux
Caofei, c'est le nom d'une concubine de l'Empereur Taizong, de la dynastie Tang (618-907). Un temple a été construit à sa mémoire, mais détruit dans les années 30, sous l'effet de l'érosion de la mer. « Maintenant, nous avons repris du territoire, en injectant des tonnes de sable dans la mer », explique Cai Junju, chercheur adjoint et directeur du Bureau de supervision du Comité d'administration de la zone de Caofeidian.
Depuis 2005, ce ne sont pas moins de deux cents milliards de yuans qui ont été investis pour Caofeidian. A terme, les responsables espèrent voir le parc industriel occuper une superficie de 380 km², dont 310 sur la terre ferme, et le reste sur la mer.
En englobant la nouvelle zone de Caofeidian, qui compte deux zones d'exploitation, un district et une ville sous sa juridiction, Caofeidian s'étend sur une surface administrative totale de 1 900 km², sur laquelle vivent et travaillent 220 000 personnes.
Ce développement rapide permet aux responsables de la zone d'imaginer de nombreux projets d'avenir, comme l'exploitation de pétrole ou le dessalement des eaux de mer, projets qui verront probablement le jour lors du XIIe plan quinquennal.
Pour l'heure, M. Wang dresse la liste des matériaux importés d'Australie, du Brésil… Sur les docks de Caofeidian, les bateaux immenses disparaissent dans la brume automnale de la mer de Bohai.
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