Le 11 octobre 2011, le taux de change du dollar contre le yuan est de 6,3483,
inférieur pour la première fois à 6,35, réalisant un nouveau record
depuis la réforme du taux de change du yuan le 21 juillet 2005.
(Photo de Gong Lei, Xinhua)
Zhang Maorong
L'appel des Etats-Unis à la revalorisation du yuan revient sur le devant de la scène. Le 11 octobre, le sénat américain a approuvé par vote le Projet de loi sur la réforme du taux de change 2011, selon lequel des taxes antisubventions punitives seront prélevées contre les partenaires commerciaux dont le taux de change est sous-estimé. Evidemment, le coupable est tout désigné : la Chine.
Pourquoi les Etats-Unis se montrent-ils toujours si durs avec la Chine en matière de taux de change ?
Les motifs américains
Déjà en 2003, les Etats-Unis commencent à se mêler de la question du taux de change du yuan. Ils font pression pour la revalorisation du yuan, au prétexte que le taux de change du yuan est à l'origine de la balance défavorable du commerce américain, et déséquilibre donc l'économie américaine, même mondiale.
Selon eux, le système de fixation du taux de change du yuan contre le dollar confère une supériorité compétitive injuste à l'industrie chinoise. Dans le même temps, la Banque centrale chinoise intervient gravement sur le marché des devises, laissant le yuan sous-estimé depuis 2002, et provoquant une augmentation rapide des réserves en devises étrangères. La Chine est devenue le plus grand détenteur de réserves de devises dans le monde. Le taux de change du yuan, qui contrecarre la dévalorisation du dollar, défavorise le réajustement du déficit américain. De plus, la sous-estimation du yuan entrave la revalorisation de la monnaie d'autres pays asiatiques contre le dollar, ce qui déforme directement ou indirectement les prix mondiaux, causant le déséquilibre économique mondial et la distribution déraisonnable des ressources mondiales. En bref, les Américains, pour qui le taux de change du yuan fait disparaître des millions d'emplois du secteur manufacturier américain, le tiennent également pour responsable de leur énorme déficit commercial ces dernières années. La Chine est le pays clé dans le réajustement du développement déséquilibré de l'économie mondiale. Si elle ne revalorise pas le yuan, ni ne change son système du taux de change fixe, l'économie mondiale affrontera de graves défis.
D'après certains membres du Congrès américain, la balance commerciale favorable de la Chine avec les Etats-Unis causée par la sous-estimation du yuan montre que l'essor rapide de la Chine constitue à la fois une menace potentielle et une menace réelle pour les Etats-Unis. Sans toucher le domaine militaire, il s'agit de menaces sur l'emploi, sur la manufacture à forte densité de main-d'œuvre et à faible valeur ajoutée, mais également sur les secteurs de l'industrie manufacturières à forte intensité technologique et à haute valeur ajoutée, sur les services, sur la compétitivité internationale américaine, ainsi que sur la sécurité nationale et la sécurité de l'emploi des Etats-Unis. Ainsi, depuis 2003, le Congrès américain a lancé des dizaines de projets de loi sur le taux de change du yuan, qui requièrent tous la revalorisation du yuan, mais qui diffèrent dans leurs moyens.
USA, des problèmes internes
Au regard de l'évolution de la situation économique à l'intérieur et à l'extérieur du pays au cours de ces dernières années, la Chine s'engage en 2005 dans la réforme du taux de change, illustrée par la revalorisation du yuan. Le 21 juillet 2005, la Banque populaire de Chine annonce que le taux de change du dollar contre le yuan est passé de 8,27 à 8,11, soit une revalorisation de 2,1 %. Dans le même temps, le plan de fixation du taux de change du yuan contre le dollar est remplacé par un système de taux de change flottant établi sur la base de l'offre et de la demande, et ajusté en fonction d'un panier de devises. Désormais, le yuan est progressivement revalorisé. Le 15 mai 2006, le taux de change passe pour la première fois sous la barre des 8. Le 10 avril 2008, le China Foreign Exchange Trading System & National Interbank Funding Center annonce un taux record à 6,9920, contenu désormais sous les 7. Depuis la réforme au mois de juillet 2005 jusqu'à la fin du septembre 2011, le yuan a été revalorisé de 30 % face au dollar.
Cependant, cette revalorisation n'a que peu d'influence sur la réduction du déficit commercial américain. La Banque asiatique de Développement a publié un rapport début juin 2005, qui prétend avoir simulé, en utilisant les prévisions d'Oxford Economics, la situation après la revalorisation des monnaies asiatiques, surtout le RMB. Selon les résultats, la revalorisation du yuan, qui aurait des conséquences uniquement en Chine et chez ses voisins, n'aura que peu d'impact sur la situation économique mondiale, en particulier sur le déficit financier et commercial américain, tout comme l'a prouvé ce qui s'est passée en Chine depuis la réforme du taux de change du yuan : le déficit commercial américain s'aggravait malgré une revalorisation de 30 % du yuan contre le dollar.
Certes, un déséquilibre commercial existe entre la Chine et les Etats-Unis, mais il est provoqué par des raisons compliquées, telles que la politique financière américaine, le mode de consommation et d'épargne des Américains, les différences temporaires entre les structures macro-économiques américaine et chinoise, la limite des exportations de high-tech vers la Chine, etc. Le taux de change du yuan n'est pas l'origine du déséquilibre économique entre les deux pays, et la sous-estimation du yuan n'est qu'une raison apparente pour la supériorité compétitive des produits chinois sur le marché international. En fait, d'autres facteurs sont en cause, comme les salaires bas de la main-d'œuvre chinoise. Joseph E. Stiglitz, prix Nobel d'économie, a indiqué que le réajustement de la parité du taux de change, en particulier celle entre les Etats-Unis et la Chine, serait peu utile pour le règlement de la balance déficitaire du commerce multilatéral américain. Par exemple, si les Etats-Unis cessaient d'importer du textile chinois, ils l'importeraient du Bangladesh ou du Pakistan, donc, la revalorisation du yuan n'influera nullement sur la position commerciale internationale des Etats-Unis, et ne favorisera pas beaucoup l'emploi américain.
La revalorisation du yuan ne sauvera pas le secteur manufacturier américain, bien au contraire, elle influerait sur l'emploi dans d'autres secteurs. En effet, revalorisation du yuan signifie réduction considérable de l'achat d'actifs américains par la Chine, qui causerait une hausse du taux d'intérêt et l'aggravation de la situation de l'emploi américain.
Selon Daniel Griswold, directeur du centre d'études de politiques commerciales au Cato Institute à Washington DC, les Etats-Unis commettraient une grande erreur à contraindre la revalorisation du yuan en élevant les tarifs douaniers des produits chinois, ce qui causerait l'augmentation des prix aux Etats-Unis, alourdirait le fardeau des consommateurs américains, et influerait sur leur développement économique. Les Etats-Unis ne doivent pas blâmer simplement la Chine. Ils doivent réajuster activement la structure économique, réduire le déficit financier et les dettes publiques, stimuler le taux d'épargne, et cesser de dépenser l'argent qu'ils n'ont pas, pour redresser leur grave déséquilibre économique.
Progression prudente de la réforme
Le gouvernement chinois reste discret sur le taux de change du yuan, qui est étroitement lié à l'ouverture et au développement économique du pays. Comme tout le monde le sait, la revalorisation excessive d'une monnaie est dangereuse. Une telle revalorisation du yuan provoquerait une réduction considérable des exportations chinoises, un choc violent sur l'économie. Si la revalorisation du yuan progresse lentement, le déséquilibre de la structure économique chinoise s'améliorera de manière stable, et au cours de cette période, le secteur de la manufacture chinoise attirera de nouveaux clients à l'intérieur du pays, pour combler la perte de clients étrangers. En plus, le taux de chômage sera bien contrôlé. En revanche, si le yuan est revalorisé trop rapidement, l'économie chinoise ne pourra pas être rééquilibrée, les entreprises liées à l'exportation devront soit faire faillite soit être délocalisée, une grande quantité de travailleurs perdront leur emploi, les revenus des ménages chuteront, et la consommation baissera. Le premier ministre chinois Wen Jiabao souligne qu'une revalorisation trop rapide du yuan est inacceptable pour la Chine, car elle causerait une montée du chômage et l'instabilité sociale. Selon Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque populaire de Chine, la réforme du taux de change du yuan progressera par étapes, et sa vitesse dépendra de la situation des recettes et dépenses internationales du pays.
La réforme du taux de change du yuan continuera à être active, graduelle et contrôlée. La progression de la réforme nécessite l'orientation en fonction des circonstances et la recherche des avantages en évitant les désavantages, pour diminuer le plus possible les influences négatives. Premièrement, le taux de change du yuan doit rester contrôlable, en évitant un réajustement excessif sous l'influence du marché. Deuxièmement, il faut assurer que la fluctuation ordonnée du taux de change corresponde à l'économie chinoise et au contrôle macro-économique. Troisièmement, il faut faire attention à la progression par étapes au cours du contrôle et du réajustement du taux de change, réservant un temps suffisant à l'amélioration de la structure des entreprises pour qu'elles soient en mesure de s'adapter à l'évolution du taux de change, accélérant le transfert et l'optimisation industriels, maintenant la compétitivité générale des entreprises chinoises sur le marché international, et guidant le transfert de l'emploi vers les services. Quatrièmement, il faut renforcer la supervision et le contrôle des capitaux spéculatifs, afin d'éviter que les capitaux chauds ne frappent le système financier chinois.
En somme, la Chine attache une haute importance aux risques économiques et financiers de la revalorisation du yuan, et adopte des mesures adéquates pour les affronter en tirant des leçons de la revalorisation du yen. Le taux de change constitue la clé de la politique monétaire d'un pays, aucun autre pays ne doit pouvoir intervenir. Il est vrai que la Chine affronte pour le moment une série de problèmes, tels que la transformation de la structure économique, l'élargissement du marché intérieur et l'allégement de la dépendance à l'exportation, mais toute décision sur le taux de change doit être prudente et basée sur le développement économique chinois à long terme. Faute de quoi, l'économie chinoise et l'économie mondiale en pâtiraient.
(L'auteur est chercheur adjoint du Bureau de recherches sur l'économie mondiale relevant de l'Institut des Relations internationales contemporaines de Chine)
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