Cheng Baozhi
En raison du réchauffement climatique et de la fonte des glaces, l'exploitation du Pôle Nord est devenue un sujet important pour de nombreux pays. Fortes opportunités économiques dans les domaines de la navigation commerciale, de l'exploration du pétrole et du gaz, de l'extraction minérale, de la pêche et du tourisme… les pays souverains, les organisations internationales ainsi que les multinationales s'intéressent de plus en plus à cette terre de glace, qui a d'ores et déjà des liens économiques et géopolitiques de plus en plus étroits avec le reste du monde. L'exploitation de cette région doit être durable, et profiter à tous les hommes. Alors qu'une nouvelle guerre froide s'annonce pour le contrôle des voies maritimes et des ressources naturelles, l'amélioration du mécanisme administratif de la région devient une grande nécessité.
La situation actuelle au Pôle Nord
Face aux défis liés à l'exploitation de la région, les organisations internationales, les organisations des aborigènes, les ONG environnementales, les multinationales ainsi que les gouvernements locaux jouent un rôle de plus en plus important. Néanmoins, les états souverains y tiennent toujours le premier rôle. Des documents juridiques et institutionnels ont déjà été élaborés pour réglementer l'exploitation de l'Arctique, tels que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), le Conseil de l'Arctique, le Conseil euro-arctique de la mer de Barents ainsi que le Guide de navigation dans les eaux arctiques couvertes de glace rédigé par l'Organisation maritime internationale.
Cependant, ces documents comportent encore de nombreux défauts. D'abord, les dispositions générales de la CNUDM n'arrivent pas à résoudre les problèmes spéciaux de la région arctique dont les recherches scientifiques, l'exploitation des ressources, l'ouverture des voies maritimes, la pêche, la protection environnementale ainsi que l'utilisation militaire. Pire encore, la définition concernant le plateau continental au-delà de 200 milles marins risque d'aggraver la dispute au Pôle Nord. Puis, la CCNUCC ne s'adapte pas à la situation spéciale de la région, où l'environnement écologique est si fragile et sensible. Une fois abîmée, l'environnement arctique ne sera jamais restauré. La région a besoin de mesures de protection et de prévention beaucoup plus strictes. Ensuite, à défaut de la signature des Etats-Unis, les conventions internationales, telles que la CNUDM, le Protocole de Kyoto ainsi que la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, voient leur universalité et autorité affaiblies. Sans un statut juridique, les documents rédigés par l'Organisation maritime internationale et le Conseil de l'Arctique sont trop flexibles pour porter leurs fruits. Enfin, les institutions existantes comme le Conseil de l'Arctique se préoccupent principalement des questions de recherches scientifiques, de protection environnementale et de développement durable. Aucun mécanisme n'est dédié aux questions politiques et militaires. Quant aux sujets environnementaux et climatiques transrégionaux et aux questions de navigation et d'énergie de portée globale, ils dépassent la compétence des institutions actuelles.
En résumé, le Pôle Nord a besoin d'un mécanisme politique et juridique dominant, mécanisme qui promeut le développement général de la région et qui est capable de coordonner les parties prenantes en matière des ressources et des voies maritimes.
La tendance de l'administration du Pôle Nord
En ce qui concerne l'administration du Pôle Nord, les pays de l'Arctique sont sans doute les principaux porteurs des droits, devoirs et responsabilités. Conformément au Traité du Svalbard et à la CNUDM, les pays non arctiques ont également un droit de participation. Cependant, certains pays riverains tendent à monopoliser les affaires de la région et à exclure la participation des autres.
Afin d'empêcher les autres pays de « convoiter » l'Arctique, les cinq pays riverains, dont la Russie, le Canada, les Etats-Unis, le Danemark et la Norvège ont renforcé leur coordination et leur convergence. Par exemple, sur la conférence des ministres des Affaires étrangères de ces cinq pays, un engagement a été pris pour résoudre de façon pacifique les querelles de bornage conformément au droit international. En matière de coopération économique, ils pourraient trouver une solution, telle que la proposition concernant le plateau continental extérieur. En avril 2010, la Norvège et la Russie sont parvenues à un traité bilatéral sur la délimitation de la frontière maritime commune en mer de Barents et dans l'Océan arctique, traité soulignant l'importance de la coopération et le droit de la mer international. En mai 2011 à l'occasion de la 7e session de la Conférence des ministres des Affaires étrangères du Conseil de l'Arctique, les pays membres ont signé le traité de coopération dans la recherche et le sauvetage maritime et aérien en Arctique, premier document juridique obligatoire depuis la fondation du Conseil. Fruit des consultations préalables entre les Etats-Unis, la Russie et d'autres pays arctiques, le traité souligne que les pays espérant devenir observateurs du Conseil de l'Arctique doivent d'abord reconnaître la souveraineté et la juridiction des pays membres dans l'Arctique. Les droits des observateurs sont limités à la recherche scientifique et au financement pour certains programmes. Ainsi, afin de participer à l'exploitation du Pôle Nord, les pays non arctiques paieront de plus au niveau politique.
Cependant, l'émergence des questions transrégionales telles que le transport maritime dans l'Arctique, l'exploitation des ressources et la protection de l'environnement nécessite le renforcement de la coopération entre les pays arctiques et le reste du monde. La monopolisation doit être renversée. Il n'est pas question que les pays non arctiques soient uniquement utilisateurs des voies maritimes et consommateurs de ressources, et qu'ils soient exclus du processus de décision. L'Union européenne, la Chine, l'Inde, le Japon et la Corée du Sud convoitent le Pôle Nord. Bien que les pays arctiques ne souhaitent pas partager leur domination, le besoin de coopération est réel et accru. Avec l'amélioration du mécanisme institutionnel de la région, les pays non arctiques jouiront d'un droit de parole et de décision de plus en plus renforcé.
« Je ne veux pas de toi, mais j'ai besoin de toi », voilà la relation contradictoire entre les pays arctiques et non arctiques.
La Chine et l'administration du Pôle Nord
La Chine soutient depuis toujours les lois et règlements actuellement en vigueur sur la région Arctique, mais affirme que cet ordre juridique ne permet pas la résolution des querelles régionales et que les circonstances réelles doivent être mieux prises en compte. Elle est préoccupée par les disputes des pays riverains sur la délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins, et appelle les parties prenantes à résoudre le problème le plus tôt possible à travers les négociations multilatérales, tout en respectant la CNUDM et les données scientifiques. Faute de quoi, la coopération internationale sera entravée. Sur ce sujet, il faut non seulement prendre en compte les relations entre les pays riverains, mais également prêter attention à la signification que revêt le Pôle Nord pour l'ensemble de l'humanité. Le mieux est de trouver un point d'équilibre entre les intérêts régionaux et internationaux. La Chine propose de rédiger, sur la base du droit international actuel, de nouveaux règlements juridiques encore plus adaptés afin de garantir la sécurité du transport et la protection environnementale dans l'Arctique.
Suite à la publication du XIIe plan quinquennal relatif à la recherche polaire, la Chine renforce ses échanges avec les chercheurs polaires de premier rang mondial, afin de promouvoir ses recherches scientifiques dans la région arctique. Elle souhaite également participer à l'exploitation environnementale, touristique et des ressources de la région, en développant la coopération avec les pays nordiques dont la Norvège, la Suède et l'Islande. Dans le processus institutionnel de la région, la Chine reste fidèle aux intérêts et préoccupations communs de l'homme, et s'efforce de faire entendre sa voix.
En qualité de puissance émergente et d'initiatrice d'un monde harmonieux, la Chine devrait élaborer un programme stratégique pour le développement à moyen et long termes de l'Arctique, qui respecte l'équilibre entre les intérêts nationaux et les intérêts communs. Ainsi, elle apportera sa contribution à l'amélioration des mécanismes de réglementation et de coopération internationaux au Pôle Nord, et à l'exploitation pacifique de la région.
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