Zhang Zhongxiang
Face à la famine qui touche 12 millions de personnes dans toute la Corne de l'Afrique, la communauté internationale s'active pour venir en aide aux sinistrés. Le problème de la sécurité céréalière attire tout particulièrement l'attention du gouvernement chinois.
Une famine qui se propage
L'année dernière, une sécheresse jamais vue depuis 60 ans a frappé l'Ethiopie, Djibouti, le Kenya et la Somalie, suscitant une grave famine. D'après les statistiques des Nations Unies, 12 millions de personnes ont été affectées. Et en Somalie, plus d'un tiers de la population est touchée. De nombreux Somaliens ont fui leur pays dans l'espoir de trouver refuge au Kenya et en Ethiopie.
L'afflux de sinistrés rend la situation compliquée dans les camps de réfugiés. Et l'aide mettant du temps à arriver, la vie des sinistrées est en péril. Et ce sont bien évidemment les enfants les premiers touchés. Le 18 août, Jacques Diouf, Directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture s'est inquiété : « « La famine persiste dans la corne de l'Afrique. Cette situation est inacceptable ».
A vrai dire, si la sécheresse a joué un rôle dans le déclenchement de cette famine, les hommes apparaissent comme les premiers responsables : structure économique, importance accordée à l'agriculture, paix et sécurité. La plupart des pays africains sont des pays agricoles, mais ils favorisent la monoculture au détriment de la production céréalière. Par exemple, le Kenya plante des fleurs, du café et du thé pour l'exportation. En Somalie, c'est la guerre civile qui handicape la production céréalière et l'aide humanitaire. C'est ainsi que le 29 juillet 2011, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté, en guise d'avertissement, la Résolution 2002 « se disant de nouveau gravement préoccupé par la détérioration de la situation humanitaire en Somalie et par les répercussions de la sécheresse et de la famine, condamnant avec force les attaques contre les convois humanitaires et les obstacles dressés sur leur passage par des groupes armés en Somalie qui empêchent l'aide humanitaire d'atteindre certaines zones, et déplorant les attaques répétées contre le personnel humanitaire ». De plus, l'inflation à l'échelle mondiale, qui résulte de la crise économique transférée par les pays développés constitue aussi une cause importante de la famine en Afrique. Cette année, le prix des denrées alimentaires dans la corne de l'Afrique a augmenté de 33 %, dont 84 % pour le maïs, 62 % pour le sucre et 55 % pour le blé, une hausse insupportable pour de nombreux Africains.
Ce n'est ni la première fois ni la dernière fois que la corne de l'Afrique est affectée par la famine. Et cette situation perdurera si les contradictions sous-jacentes ne sont pas résolues. Et parmi elles, le problème de la sécurité céréalière en Afrique.
Problème épineux
Sur 190 millions d'hectares de champs cultivés en Afrique, seulement 5 % sont irrigués. En cause, des installations d'infrastructure agricoles sous-développées. Dans ces conditions, la récole dépend des conditions naturelles. A cela s'ajoutent des techniques agricoles arriérées. Le rendement unitaire en Afrique est inférieur à 50 % de la moyenne mondiale, et le taux d'autosuffisance en céréales est seulement de 70 %. A part le maïs, qui peut répondre aux besoins locaux fondamentaux, 45 % du blé et 80 % du riz dépendent des importations. A chaque mauvaise récole, ou à chaque chute des prix des plantes industrielles qui affecte l'achat des céréales, la famine sévit.
Depuis l'indépendance, les pays africains sont toujours en proie au problème de la sécurité céréalière. Les deux famines qui ont frappé respectivement l'Afrique du nord-est en 1984 et la Somalie en 1992 sont encore dans toutes les têtes. La hausse des prix de céréales à l'échelle mondiale depuis ces dernières années désavantage encore un peu plus le continent. Selon des statistiques, l'indice des prix céréaliers mondiaux a augmenté de 24 % en 2007 par rapport à 2006, et de 53 % pendant le premier trimestre en 2008 par rapport à la période correspondante de 2007. De là résulte une crise céréalière qui affecte plus de 40 pays africains, sur 54 au total. Le prix exorbitant des céréales est aussi à l'origine des émeutes dans plusieurs pays comme le Cameroun, le Burkina Faso, le Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Mozambique.
La croissance démographique extrêmement rapide en Afrique constitue également une cause importante de la pénurie céréalière. De 141 millions de personnes en 1900, la population est passée à 278 millions en 1960, avant de dépasser le milliard en 2010. En 110 ans, le nombre d'habitants a septuplé, un phénomène inédit à l'échelle mondiale. Il est évident que la production céréalière accuse un retard par rapport à la croissance démographique. D'après un rapport de la FAO, en 1990, 169 millions de personnes manquaient de nourriture au sud du Sahara, contre 212 millions à l'heure actuelle.
L'Afrique se trouve dans une situation désavantageuse dans le processus de la mondialisation économique, à cause de son faible niveau d'agriculture, de sa petite exploitation agricole, de l'arriération de ses infrastructures, et de ses produits agricoles peu compétitifs sur le marché international. Dans les pays développés, l'agriculture est très développée et bien soutenue par les gouvernements. Les lourdes pertes agricoles engendrent la désaffection des fermiers africains pour la culture des céréales. Ils se contentent donc de cultiver pour leur propre consommation, et ne souhaitent pas accroître la production. Pire encore, les Etats-Unis et certains pays européens se sont octroyés 30 millions d'hectares de champs, soit la moitié de la superficie de la France, où ils plantent des cultures oléagineuses ou exploitent de nouvelles énergies.
La sécurité alimentaire en Afrique est un problème qui doit être résolu par les efforts conjoints des pays africains concernés ainsi que de la communauté internationale.
Solutions
Actuellement, la priorité, c'est le secours. Il faut agir vite et prendre des mesures efficaces pour éviter davantage de décès. La communauté internationale doit travailler de concert. Sur les 2,4 milliards de dollars réclamés par l'ONU pour secourir la corne de l'Afrique, seulement 1,1 milliard sont assurés à l'heure actuelle. Le 25 août, l'Union africaine a tenu une réunion à Addis-Abeba dans l'espoir de collecter 500 millions de dollars destinés à atténuer la famine. Face à la grave pénurie alimentaire qui continue à sévir, les pays développés doivent passer à l'action vite et venir en aide sans retard aux pays sinistrés.
En tant que pays émergent ayant le sens des responsabilités, la Chine a une profonde amitié traditionnelle avec l'Afrique, et lui fournit son aide en temps opportun. Lors de ses entretiens avec son homologue éthiopien le 15 août 2011, le premier ministre chinois Wen Jiabao a déclaré : « Pour aider les pays africains comme l'Ethiopie à lutter contre la grave sécheresse, le gouvernement chinois décide de fournir sa deuxième aide céréalière urgente estimée à 353,2 millions de yuans, suite à sa première aide évaluée à 90 millions de yuans ».
Pour résoudre cette crise alimentaire, il faut également voir loin. Les pays africains doivent accroître leurs investissements dans l'agriculture, améliorer leurs infrastructure agricoles, s'efforcer de lancer des travaux hydrauliques, pour que leur agriculture ne dépende plus des aléas de la météo. Bien sûr, ceci n'a rien de facile, car la condition préalable est le développement de l'économie et la stabilité de la situation politique. Les pays africains ont déjà pris conscience de l'importance de l'agriculture et de son statut fondamental. Le Sommet de l'Union africaine a entamé une discussion sur le thème du développement agricole, aboutissant à un consensus en la matière.
La Chine consacre des efforts inlassables à stimuler l'essor de l'agriculture africaine. Depuis les années 1960, la Chine a lancé plus de 40 projets de coopération agricole dans une trentaine de pays africains. Elle a mis en place des fermes et des stations de généralisation des techniques agricoles, aidant des pays à développer la production du riz, du maïs, des légumes, du thé et de la canne. Beaucoup de projets continuent à jouer un certain rôle aujourd'hui. Ces dernières années, le gouvernement attache plus d'importance à la sécurité céréalière en Afrique et ne cesse d'accroître ses investissements dans la coopération agricole avec l'Afrique. Lors du Sommet de Beijing du Forum sur la coopération sino-africaine en 2006, le gouvernement chinois a acté l'envoi de 100 agronomes supérieurs en Afrique d'ici à 3 ans, avec la mise en place de 10 centres-pilotes des techniques agricoles. Et au cours de la quatrième réunion ministérielle du Forum sur la coopération sino-africaine en 2009, le gouvernement chinois a également assuré que le nombre des centres-pilotes des techniques agricoles construits par la Chine en Afrique passerait de 10 à 20 d'ici trois ans, avec l'envoi de 50 équipes d'experts agricoles, qui vont former 2 000 agronomes africains.
(L'auteur est chercheur à l'Institut des études internationales de Shanghai, et vice-directeur du Centre de recherche sur l'Asie de l'Ouest et l'Afrique)
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