Mei Xinyu
(L'auteur est chercheur adjoint à l'Institut de recherches sur la coopération commerciale et économique internationale relevant du ministère du Commerce)
Mei Xinyu interviewé par qq.com
La dispute sur le plafond de la dette nationale américaine, qui a duré plusieurs mois et a déjà influé sur la situation générale du marché financier global, frappera probablement les départements liés à l'économie réelle, ainsi que la structure même des puissances politiques et économiques internationales. Bien que les protagonistes soient finalement parvenus à un accord avant la date butoir, le 2 août, les indices de presque tous les marchés boursiers du monde, dont Shanghai, Shenzhen, New York, Londres, Hongkong et Tokyo, ont connu de fortes chutes, démontrant l'influence de la dispute.
Au cours de cette bataille financière, « la défaillance de la dette nationale américaine », phénomène surprenant pour le commun des mortels, a été exposée devant tous les créanciers du monde, sans parler de l'idée républicaine de différer le paiement des intérêts de la dette. La Chine, le plus grand créancier étranger des Etats-Unis, observe la situation avec le plus grand intérêt. Mais, au fait, pourquoi la dispute a-t-elle pris une si grande ampleur ?
Rêve et réalité
La dette nationale américaine, qui prend ses sources dans les dettes de guerre émises par le Congrès lors de la Guerre d'indépendance américaine (1775-1783), a une histoire plus longue que le gouvernement fédéral américain. Elle s'élevait à 75 millions de dollars dès 1789. Après la fondation des Etats-Unis, le principe de l'équilibre budgétaire a été préconisé par le troisième président Thomas Jefferson, et demeure aujourd'hui encore le pilier de la théorie financière américaine. Influencées par la grande crise de 1929, les finances américaines sont passées du statut de « frais de maintien pour les pouvoirs publics » à celui de levier de contrôle macro-économique de l'Etat, et le budget est peu à peu devenu déficitaire. Malgré la longue existence du budget déficitaire, des propositions comme l'équilibre budgétaire et la réduction des impôts, ont toujours été prônée dans la société américaine. Mais, dans le même temps, ces propositions deviennent facilement des outils d'action politique. En cas de crise, les départements administratifs emploieront des moyens financiers pour stimuler l'économie, aux prix de l'aggravation de la situation financière ou de l'augmentation des impôts, avec les conséquences que l'on sait.
Lors de la crise des subprimes en 2008, la politique monétaire américaine s'étant embourbée dans le « piège du taux d'intérêt zéro », la politique financière était presque devenue le seul outil de lutte contre la crise ; comparés à la réduction des impôts, les investissements jouaient un rôle plus important dans la stimulation de l'économie. Cependant, le montant de l'emprunt atteint des sommets, la politique financière de lutte contre la crise a inévitablement aggravé la situation financière. En outre, les Etats-Unis ont été fondés alors que les habitants de la colonie britannique en Amérique du Nord luttaient contre les impôts. Par ailleurs, les impôts bas caractérisent l'idéologie américaine. Aussi, les américains sont déçus de voir Obama voler au secours d'une industrie financière amorale, et augmenter les impôts.
Le 15 avril 2009, la date limite de déclaration d'impôt sur le revenu aux Etats-Unis, des protestations ont eu lieu dans certaines villes, dont Washington, Chicago et Boston, en faveur d'une réduction des impôts. Les manifestants ont notamment jeté des caisses de thé sur la Maison Blanche, imitant les habitants de la colonie britannique de l'époque. C'est ainsi qu'est né le Tea Party, trouble-fête du paysage politique américain depuis deux ans. En plus, Rick Perry, gouverneur du Texas, a appelé à lutter contre la politique fiscale du gouvernement actuel.
Suite aux élections de mi-mandat, les républicains sont majoritaires au Capitol Hill, embarrassant toujours davantage le gouvernement Obama, au moment où la dette approche de la limite légale (14 billions de dollars). Reposant depuis plusieurs années sur le « règlement des anciens emprunts par les nouveaux emprunts », les finances américaines sont considérées par beaucoup comme une escroquerie de type pyramidal.
Du fait que le dollar joue un rôle dominant dans l'actuel système monétaire international, et que le marché des dettes en dollars, le plus grand dans le monde, est crucial pour le taux d'intérêt de base du marché financier international, un défaut de paiement américain frapperait non seulement le marché financier international, le système monétaire international et l'économie américaine, mais provoquerait aussi un grand bouleversement politique aux Etats-Unis. En effet, les plus nombreux détenteurs de la dette nationale américaine sont ces habitants, et non les créanciers d'outre-mer.
Au regard du tollé dans l'opinion internationale et du désastre qui a balayé presque toutes les places boursières dans le monde entre les 4 et 5 août, la dispute sur le plafond de la dette américaine a bien érodé la confiance des actionnaires.
Situation embarrassante
En fait, cette perte de confiance s'avère tout à fait justifiée. Les Etats-Unis laissent leurs propres intérêts supplanter les intérêts publics de la communauté internationale et les obligations internationales. L'élévation du plafond de la dette pourrait assurer le paiement de la dette à temps, le fonctionnement normal des organismes gouvernementaux, le paiement des salaires des militaires, et des remboursements de la sécurité sociale. Tout cela est lié aux intérêts clé des Etats-Unis. Mais les politiciens de Washington n'hésitent pas à prendre en otage ces intérêts pour satisfaire leurs intérêts politiques personnels.
Mais le pire, c'est que la solution votée par le Congrès n'en est pas une ! La situation des finances américaines demeurera inchangée ; les Etats-Unis et leur économie affronteront une longue période d'incertitudes. Certes, démocrates et républicains ont conclu un accord sur un plan de réduction des dépenses à dix ans et sur l'élévation du plafond de la dette. Toutefois, les problèmes du déficit et de la dette continuent de s'aggraver.
Un équilibre budgétaire parfait ne constitue pas un idéal pour les Etats-Unis, qui pourrait se contenter de réduire sa dette. Cependant, si la dette nationale continue d'augmenter plus vite que la croissance, le pays sombrera à coup sur dans le défaut de paiement.
La vitesse d'élévation du plafond de la dette dépasse-t-elle la croissance économique ? La réponse est positive, mais les Etats-Unis affrontent un dilemme pour réprimer la tendance de développement du risque.
A court et moyen termes, la chute des dépenses entraînera la stagnation, voir le recul, du redressement économique. D'après l'analyse du FMI (Fonds monétaire international) sur les Perspectives pour l'économie mondiale publiées au mois d'octobre, le réajustement financier restreindra dans une courte période la croissance économique. Deux ans après la diminution du déficit budgétaire, qui représente 1 % du PIB, les besoins à l'intérieur du pays (consommations et investissements) connaîtront une réduction de 1 %, tandis que le taux de chômage augmentera de 0,3 %. De plus, l'exportation nette augmentera, et fera perdre 0,5 % au PIB.
Si Barack Obama s'engage immédiatement dans la réduction des dépenses gouvernementales, les conséquences de cette action le désavantageront lors des prochaines échéances électorales, car les effets ne se feront ressentir que dans plusieurs années.
A long terme, il est nécessaire que le gouvernement américain contrôle la vitesse d'augmentation des dépenses. Le plan de réduction à dix ans voté est-il réalisable ? Au regard de l'histoire, il y a peu de chances que cela se produise. D'autant plus que le point clé de la réduction concerne les projets militaires, cheval de bataille du Parti républicain.
Avec l'ébranlement de la confiance envers les Etats-Unis, les acteurs du marché doivent rechercher de nouvelles puissances susceptibles de stimuler l'économie mondiale. Face à la stagnation des pays occidentaux, les économies émergentes et les pays en développement ont connu une belle croissance au cours des dernières années, et représentent davantage de parts de marché.
Le président de la Banque mondiale, Robert B. Zoellick, a indiqué l'année dernière que la crise économique globale était en train de changer les relations des puissances mondiales, en ce qui concerne le marché monétaire, la politique monétaire, les relations commerciales et les rôles des pays en développement.
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