Dans l'optique de se développer plus rapidement, certaines entreprises chinoises s'appuient sur les capitaux étrangers. Pour le meilleur, et parfois pour le pire.
Lan Xinzhen
Marque déposée de Hsu Fu Chi
Le 11 juillet 2011, le Groupe Nestlé a annoncé la conclusion d'un partenariat avec le premier producteur chinois de bonbons et de pâtisseries Hsu Fu Chi International Ltd. Après cette acquisition, évaluée à 1,7 milliard de dollars, Nestlé a pris le contrôle de 60 % des actions de la société chinoise.
Il s'agit de la 35e marque chinoise rachetée par une entreprise étrangère depuis 2011. C'est aussi la deuxième fois en 2011 que Nestlé fait des acquisitions en Chine. En avril, Nestlé a acheté 60 % de Yinlu Foods Group, célèbre pour ses conserves alimentaires et ses boissons.
Avec cette prise de participation, la compagnie d'agroalimentaire vise, selon les experts, à acquérir un avantage concurrentiel sur le marché des bonbons et des pâtisseries. Mais cette acquisition a suscité des préoccupations au sein de la population chinoise, inquiète d'une possible disparition de la marque de Hsu Fu Chi dans un proche avenir.
Et ces craintes ne sont pas injustifiées. Bon nombre de célèbres marques locales telles que Dabao, Robuste, Supor, Nanfu et Mini Nurse, une fois rachetées par des multinationales, ont progressivement disparu des rayons.
Lu Renbo, secrétaire général adjoint de la Chambre du commerce électronique de Chine, a déclaré que la plupart des entreprises chinoises n'étaient pas conscientes de la protection de leurs propres marques. Une fois rachetées, leurs marques ont une grande possibilité de disparaitre. Pourquoi ? Car les investisseurs étrangers ne sont attirés que par les canaux de ventes, et non de la valeur des marques chinoises.
Bonne ou mauvaise nouvelle ?
Selon un communiqué de Hsu Fu Chi, en 2010, cette société a enregistré un chiffre d'affaires de 4,31 milliards de yuans (669,25 millions de dollars) et des profits nets de 602,2 millions de yuans (93,51 millions de dollars), respectivement en hausse de 14 et 31 %, devenant le premier confiseur chinois. Alors, pourquoi vendre une entreprise en si bonne santé ?
Aux yeux de certains experts, cette vente est un bon choix. Si les bonbons et les pâtisseries de Hsu Fu Chi sont très réputés, l'entreprise n'a pas diversifié ses produits. Face à une compétition vigoureuse dans ce secteur, afin de maintenir un développement stable, Hsu Fu Chi doit développer de nouveaux produits. Mais la firme est faible en R&D. Il y a plusieurs années, Hsu Fu Chi avait essayé de produire des chocolats plus rentables, mais les résultats n'ont pas été satisfaisants. Nestlé, qui possède une grande force de R&D, constitue donc une opportunité pour Hsu Fu Chi.
Wang Wei, président de l'Association des fusions de la Fédération nationale du commerce, a déclaré que l'influence de la marque de Hsu Fu Chi était inestimable, et qu'il était difficile d'estimer les conséquences de cette acquisition pour le secteur.
En ce qui concerne l'aspect positif, les acquisitions des entreprises étrangères sont favorables à l'accélération de l'intégration sectorielle, et au raccourcissement du processus de développement industriel. Parallèlement, il est probable que les sociétés étrangères monopolisent le marché chinois en affaiblissant les entreprises chinoises.
Les statistiques du ministère du Commerce montrent que parmi les 39 industries chinoises, bon nombre d'entreprises étrangères sont devenues holdings de nombreuses marques chinoises. D'après Wang Wei, les acquisitions des capitaux étrangers sur le marché chinois domineront, dans les deux ou trois prochaines années ou une période plus longue, le marché de capitaux chinois. Si les sociétés étrangères parvenaient à devenir holdings, elles finiront par monopoliser le marché chinois.
Toujours d'après cet expert, un grand nombre d'acquisitions va inévitablement restreindre la croissance et le développement des marques nationales, voire détériorer l'indépendance économique de la Chine, menaçant la sécurité économique nationale, et ralentissant le développement des technologies et l'optimalisation structurelle.
Sans une protection des marques nationales, la Chine va tôt ou tard perdre toutes ses célèbres marques.
Difficile situation pour les marques anciennes
Peng Guangyi, directeur général de Beijing Tea Corporation, se souvient clairement de la prospérité de l'ancienne marque Jinghua. A son apogée, Jinghua détenait une part de marché de 80 % à Beijing avec un chiffre d'affaires de 300 millions de yuans (46,58 millions de dollars).
En 1999, cette marque de thé a été achetée par Unilever. Huit ans plus tard, elle a presque disparu. En 2007, après une négociation avec Unilever, Beijing Tea Corporation a racheté la marque Jinghua, dans l'optique de lui donner une seconde vie.
« Nous voulions profiter des capitaux étrangers pour redresser la marque Jinghua, mais nous avons été déçus », a confié Peng.
Confrontées aux acquisitions des capitaux étrangers, les vieilles marques chinoises hésitent, car le public chinois considère la vente des marques chinoises comme une trahison. Dans ce contexte, le ministère du Commerce est assez prudent lors des approbations.
Selon les critères d'évaluation de la Fédération nationale du commerce, le label « Marque ancienne » est délivré à des entreprises de plus de 50 ans, à caractéristiques chinoises, possédant une haute valeur commerciale et culturelle, et jouissant d'une bonne réputation. Actuellement, on ne dénombre que 1 600 entreprises étiquetées de « marque ancienne ».
Pour s'emparer du marché chinois, de nombreuses entreprises étrangères ciblent ces marques. Faute de bons critères d'évaluation, bon nombre d'entreprises chinoises ont été vendues à bas prix.
Le 9 août 2006, le ministère du Commerce a exigé que toutes les acquisitions concernant les marques anciennes soient soumises à son approbation. Au cours des trois dernières années, près d'un cinquième des acquisitions ont été approuvées.
Disparition des marques anciennes
L'avenir est bien sombre pour la plupart des marques anciennes. Parmi ces 1 600 sociétés, 70 % luttent pour leur survie, 20 % sont au bord de la faillite, et seules 10 % sont capables d'engranger des profits.
En Chine, le manque de capitaux rend la vie dure à ces marques.
« Dans l'optique de résoudre ce problème, bon nombre d'entreprises chinoises se tournent vers le marché boursier », a fait remarquer An Huimin, directeur de la Commission de travail sur les marques anciennes.
Aujourd'hui, 41 de ces entreprises sont cotées en bourse.
Selon An Huimin, bon nombre de ces entreprises devraient moderniser leur gestion. D'une part, elles doivent conserver la tradition, d'autre part, elles doivent absorber les expériences de gestion avancées étrangères, et innover leurs systèmes de gestion ou notions. « Certaines entreprises manquent de sens de l'innovation, du marketing, ou encore de la gestion moderne. Si elles n'agissent pas maintenant, elles disparaitront.
Annexe:
Liste des marques anciennes acquises par des capitaux étrangers
Maxam (cosmétiques): Cette marque occupait une part de marché de 20 % avant l'acquisition. En 1990, sous la direction de Shanghai Jahwa Unis Co. Ltd et de SC Johnson Wax, Maxam a été abandonnée. Quatre ans plus tard, Shanghai Jahwa a racheté la marque pour 500 millions de yuans (77,64 millions de dollars), mais la marque avait été oubliée par les consommateurs.
Zhonghua (dentifrice): En 1994, Unilever a pris le contrôle de l'usine de dentifrice de Shanghai. Désormais, elle n'occupe qu'une très faible part de marché.
Robuste (eau minérale): En 2000, Robuste a été acheté par Danone. Cette marque a quitté le marché.
Mini Nurse (cosmétiques): En 2003, l'Oréal a acheté Mini Nurse. Aujourd'hui, cette marque a presque disparu.
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