Yang Jiaqing
Spécialiste d'histoire culturelle et d'art chinois, Emmanuel Lincot dirige la Chaire des Etudes chinoises contemporaines de l'Institut catholique de Paris. Il se rend régulièrement en Chine et en Asie centrale, et s'intéresse tout particulièrement au statut de l'artiste dans la société chinoise. Beijing Information a rencontré ce fin connaisseur de la Chine.
Un parcours orienté vers l'Est
En 1989, Emmanuel Lincot commence à apprendre le chinois aux Amitiés franco-chinoises. La Chine prendra vite le pas dans ses choix d'études, et il abordera, d'abord sous un angle diplomatique, puis culturel les particularités du pays par deux séries de travaux, sur le conflit indochinois et sur l'image de la Chine à travers les récits des voyageurs français. Mais c'est en étant nommé Coopérant à l'Université de Wuhan, en 1995, comme Lecteur de français puis à l'Ambassade de France en tant que documentaliste qu'il va acquérir une connaissance pratique de la Chine et de ses langages.
« Je dis délibérément langages et au pluriel, car ma première initiation à la Chine s'est faite aux côtés d'artistes peintres Chinois dont le langage, celui de l'art, allait bien au-delà de simples propos échangés. De ces rencontres, une revue est née : Avant-garde chinoise (Zhongguo Xianfeng yishu). J'ai été le premier occidental à éditer une telle revue en Chine », confie-t-il avec fierté au journaliste de Beijing Information.
Revenu en France avec un grand nombre de matériaux, Emmanuel Lincot rédige une thèse sous la direction de François Jullien. « Singulière a été notre rencontre. Je suis historien. François Jullien est philosophe. Il m'a ouvert à d'autres continents de la pensée. Celle que livrent les textes de la Chine ancienne notamment. Aujourd'hui, j'apprécie tout particulièrement l'approche d'une Yolaine Escande pour sa compréhension des arts chinois de l'époque impériale, celle de Peng De en Chine ou de Wu Hung à Chicago pour leur analyse des arts chinois contemporains », poursuit-il.
Le génie de l'Asie
A l'adolescence, le spécialiste de l'Orient avait séjourné aux Etats-Unis en profitant des activités de son père ingénieur, avant de se rendre en URSS, pays auquel sa grand-mère vouait un véritable culte. Mais c'est la Syrie et l'Union soviétique qui ont été les sources d'inspiration première de ses voyages et de sa découverte de l'Est.
« Cet Est, je me mets au défi de vouloir le connaître vers l'âge de dix sept ans. Par le biais de ses orientalistes diplomates et poètes tout d'abord. S'y ajoutent successivement les témoignages oculaires de mon grand-père maternel Résistant, croisant sur la route des Camps de prisonniers situés dans la région de Munich (Allemagne) des Asiates de l'armée soviétique. De mon père ensuite, me rappelant qu'écolier au petit séminaire des Frères des Ecoles Chrétiennes, des missionnaires, dans un silence de mort, lisaient à la promotion les communiqués des soldats se battant à Dien Bien Phu (Vietnam) », explique-t-il.
Emmanuel Lincot connaît de nombreuses langues. Sa curiosité pour l'Orient l'a motivé à étudier deux langues anciennes (sumérien et akkadien) et cinq langues modernes (chinois, russe, ouzbek, arabe, albanais). Cet Est qu'il s'efforce d'explorer par les langues et le passé commence avec la mémoire des adultes, avec la mémoire de ses grands-parents.
Dans les années 1990, Emmanuel Lincot découvre le dur métier d'archéologue, en entreprenant une initiation à l'assyriologie par le travail de terrain, sur un chantier riche de vestiges datant du III° millénaire avant notre ère.
|