Wu Yanfei
Le printemps verdit les monts Minshan. Autour du village Luobozhai, les champs en terrasse sont parsemés de cerisiers qui portent des fleurs blanches. Dans cette région à 2 000 mètres d'altitude, ces arbres fleurissent plus tard que dans la plaine. Les conditions y sont favorables pour les cerisiers. Grâce à une grande campagne de médiatisation, les cerises locales se vendent bien à travers tout le pays. Désormais, les fermiers locaux préfèrent les fruits aux céréales, plus rentables. Au fil du temps, la tristesse et l'angoisse causées par le séisme se dissipent progressivement et font place au souci de la reconstruction, dont l'orientation déterminera la structure économique, le mode de développement et l'image de cette région.
Connu sous le nom de « premier village de l'ethnie Qiang », le village Luobozhai donne la priorité au développement du tourisme et de l'agriculture typiquement locale. Auparavant, les touristes étaient principalement des amateurs de sport, et la faible capacité d'accueil a limité l'envergure du tourisme local. Mais aujourd'hui, le nouveau village construit suite au séisme du 12 mai 2008 permet d'accueillir de nombreux touristes.
Wang Baoquan est planteur de cerises. Après le tremblement de terre, il a construit une nouvelle maison avec l'aide de l'Etat. Les trois chambres supplémentaires à l'étage permettent d'accueillir des touristes Wang est confiant quant au développement de sa maison d'hôtes, qui devient pour lui une seconde source de revenus. « Pendant la saison touristique, au printemps, en été et à l'automne, les groupes de voyageurs se succèdent sans interruption. Parfois, pas moins de deux cents bus arrivent au village en une seule journée », explique Ma Qianguo, secrétaire du comité du Parti à Luobozhai.
Pour les femmes, c'est la broderie de l'ethnie Qiang qui constitue leur principale source de revenus. Une paire de chaussures brodées peut se vendre à plus de 600 yuans. En dépit de ce prix exorbitant, ces produits artisanaux sont toujours très bien accueillis sur le marché, et des commandes sont même passées de Taiwan.
D'après Ma Qianguo, la reconstruction reste fidèle à l'image originale. Dans le nouveau village, l'extérieur est demeuré identique, avec les murs en terre, et des têtes de moutons suspendues, et des broderies accrochées ça et là.. Mais à l'intérieur des maisons, c'est le moderne qui règne. Les nouvelles maisons, antisismiques, sont en béton armé, et ont toutes l'eau courante, avantage très prisé des jeunes, tandis que les personnes âgées sont très attachées à leurs maisons traditionnelles à trois étages. Dans ces dernières, l'étable était au rez-de-chaussée, le premier étage était destiné à l'habitation et le deuxième étage au séchage des céréales. Certaines tiennent à retourner dans l'ancien village. « Dans ce cas, leur volonté est respectée », assure Ma Qianguo.
Pour l'instant, la faible capacité d'accueil reste toujours un casse-tête. « On est capable de recevoir quelques voyageurs, mais pas un groupe de plusieurs dizaines de personnes », explique Ma. Il indique que la reconstruction doit être bien programmée et se dérouler progressivement et calmement, notamment dans le village de l'ethnie Qiang qui a une longue histoire et une culture singulière.
Les grands esprits se rencontrent toujours. Luo Qiang, secrétaire du comité du Parti pour la ville de Guangyuan, rejette également le modèle qui met l'accent sur les résultats rapides, et souhaite bien prendre le temps qu'il faut. Face à une économie locale sous-développée, il espère développer des secteurs d'activité à bas carbone pour contribuer à la montée en gamme du tissu industriel de la ville. « Lors de ma visite d'inspection dans une ville côtière de l'est du pays, le responsable de la mairie m'a dit que ces dernières années, les autorités locales avaient dépensé au total 15 milliards de yuans dans la dépollution. J'étais très choqué. La richesse accumulée grâce à la croissance économique avait ainsi été réduite à néant. Nous devrions en tirer des leçons, et éviter de suivre l'ancien modèle du 'traitement après pollution' », explique Luo.
La ville de Guangyuan, une ancienne zone révolutionnaire, possède des avantages naturels pour le développement des secteurs bas carbones. Sa production agricole représente un grand pourcentage du PIB, et sa couverture forestière s'élève à 52,6 %. Comme elle est encore au premier stade de l'industrialisation, la restructuration industrielle et l'adaptation à une économie bas carbone lui sont plus faciles et moins onéreuses, notamment grâce à ses énergies naturelles abondantes telles que le gaz naturel, la géothermie, l'éolien et l'hydraulique. C'est ainsi que la ville de Guangyuan a décidé de faire des nouveaux matériaux, des nouvelles énergies et techniques ses pôles de croissance économique.
Guangyuan a été assez fortement frappée par le séisme. Offrir de nouveaux logements aux sans-abris est donc devenue une tâche prioritaire dans la reconstruction. La municipalité a fait rebâtir des maisons en acier léger et en bois, capables de résister à de violents tremblements de terre. De plus, ces nouvelles maisons ont un coût de revient moins élevé que les maisons traditionnelles et sont aussi plus économes en énergies : deux milliards de yuans ont donc été économisés.
En profitant de ses ressources naturelles abondantes, la ville de Guangyuan encourage les entreprises à utiliser autant que possible le gaz naturel à la place du charbon. Dans la région rurale, le gaz des marais a été généralisé avec la construction de grandes et moyennes installations d'épuration. Cette mesure permet à la ville de réduire ses émissions de dioxyde de carbone de 400 000 tonnes par an. Aujourd'hui, la part d'énergies propres dans sa consommation totale s'élève à 17%, supérieure à la moyenne nationale. De plus, Guangyuan travaille en collaboration avec l'Université des Mines de Chine afin d'obtenir des soutiens techniques pour le développement de son industrie bas carbone.
Après trois ans de reconstruction, l'économie de Guangyuan s'est vite redressée, tout en maintenant la bonne qualité de son environnement, ce qui la fait figurer parmi les « dix premières villes qui contribuent à la cause du bas carbone ». Selon Ma Hua, maire-adjoint de la ville, malgré les différents défis à relever dans la pratique, explorer les possibilités du développement bas carbone revêt une portée considérable à long terme, et servira de référence aux régions centrales et occidentales, et à l'ensemble du pays.
Beijing Information
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