Alors que l'inflation et la hausse des prix des logements érodent lentement mais surement les revenus des citoyens moyens, les résidents des grandes villes chinoises nourrissent l'espoir qu'une réduction plus importante de l'impôt sur le revenu des particuliers soit envisagée par les législateurs du pays.
Le Comité permanent de l'Assemblée populaire nationale de Chine a examiné la semaine dernière un projet d'amendement à la loi personnelle de l'impôt sur le revenu, un projet de loi qui aura œuvré à réduire l'écart des revenus et de compenser l'effet de la hausse des coûts de la vie.
Le projet propose notamment de rehausser le seuil minimal de l'impôt sur le revenu des particuliers de 2000 yuans actuellement (307 dollars) à 3000 yuans par mois, et de réduire le nombre de tranches d'imposition de neuf à sept.
Le projet d'amendement n'a cependant pas reçu l'approbation alors que beaucoup de citadins ont appelé à des réductions plus importantes de leur charge fiscale.
Wu Bangguo, président du Comité permanent de l'APN, a fait savoir que l'amendement avait été rendu public afin de solliciter l'avis du public et d'être soumis à un vote au parlement après de nouvelles révisions.
Un sondage réalisé par ifeng.com auprès de 282 000 internautes a révélé que 98,1 % des participants appuyaient la hausse du seuil d'imposition, estimant que le fardeau fiscal des contribuables à faible et à moyen revenu étaient à la fois trop lourd et déraisonnable.
"Le coût de la vie urbaine augmente rapidement", a déclaré Ding Li, un résident à Guangzhou, capitale de la province du Guangdong, véritable plaque tournante de la production du sud de la Chine. "Relever le seuil pourrait directement réduire le fardeau qui pèse sur les citoyens défavorisés et de classe moyenne."
85,6 % des répondants ont en revanche déclaré qu'un seuil d'imposition de 3000 yuans était inacceptable et ont suggéré qu'il soit rehaussé à 5 000 yuans.
De nombreux participants ont même avancé l'idée que ce seuil devrait s'aligner sur les prix des logements locaux, alors que l'indice de prix à la consommation, principal indicateur de l'inflation, a augmenté de 5,4 % en glissement annuel au mois de mars dernier, atteignant un sommet de 32 mois.
Cai Yingtong, qui travaille dans une multinationale de Shanghai, estime pour sa part que si l'augmentation du seuil pourrait être bénéfique aux gens des régions les moins développées, en aucun cas elle ne conviendrait à la ville de Shanghai, le centre financier et commercial du pays.
Ce jeune homme de 26-ans gagne bien sa vie puisqu'il touche un salaire avant taxes de 14 000 yuans par mois; un salaire envié par bien des jeunes hommes de son âge dans la plupart des autres régions du pays.
Actuellement, Cai est imposé par l'État sur son revenu à hauteur de 700 yuans par mois, soit plus de la moitié de son loyer. Mais Cai dépense également entre 2 000 et 3 000 yuans pour vivre chaque mois; ils doit ainsi faire face à un fardeau économique menaçant son plan d'acheter un appartement en ville où les prix des logements avoisinent en moyenne les 23 000 yuans le mètre carré.
Le projet d'amendement a par ailleurs été salué par beaucoup comme un pas en avant dans la réforme nationale de l'impôt sur le revenu personnel.
La Chine a pour la première fois entrepris la collecte d'impôts auprès des particuliers en 1980; le seuil était alors fixé à 800 yuans. Ce seuil a doublé en 2006 et s'est de nouveau rehaussé en 2008 atteignant alors les 2000 yuans. La Chine utilise actuellement un système de notation progressif à neuf barèmes; le projet devrait notamment permettre d'éliminer les taux d'imposition de 15 % et de 40 %.
En vertu de ce nouveau projet, le taux d'imposition minimum de 5 % sera dorénavant appliqué à tous ceux dont les salaires mensuels seront compris entre 3000 et 4500 yuans. Quant au taux d'imposition maximal de 45 % qui s'appliquait à ceux dont le revenu mensuel dépassait les 102 000 yuans, il s'appliquera à compter d'aujourd'hui à tous ceux dont le salaire mensuel excède les 80 000 yuans.
Ce nouveau système de taxation devrait ainsi permettre de réduire la charge fiscale des personnes gagnant moins de 20 000 yuans par mois, lorsqu'il augmentera en revanche celle des personnes fortunées, ont révélé les experts.
Cette initiative a été fustigée par les cols blancs déclarant qu'un salaire mensuel de 20 000 yuans ne pouvait plus être considéré comme un revenu élevé dans des villes telles que Beijing, Shanghai et Shenzhen, où les prix des logement sont particulièrement élevés. A titre d'exemple, les prix des appartements neufs le long du quatrième périphérique de la capitale avoisinent les 35 000 yuans le mètre carré.
Pour ces penseurs, le gouvernement devrait réduire d'avantage les impôts dans le but d'élargir le groupe de citoyens de classe moyenne, a indiqué Guo Shiping, chercheur au sein de l'École d'économie de l'université de Shenzhen.
L'appel a été lancé alors que les recettes fiscales de la Chine se sont accrues de 22,6 % en 2010 et de 32,4 % lors du premier trimestre de 2011, soit deux à trois fois le taux de croissance du produit intérieur brut national.
Le ministre des Finances Xie Xuren estime que l'amendement devrait ainsi permettre de réduire les recettes fiscales personnelles d'environ 120 milliards de yuans par rapport au chiffre de l'an dernier.
La réduction aura un impact très limité sur les recettes fiscales de la Chine, ont pour leur part indiqué les économistes de la société UBS Securities. En 2010, l'impôt sur le revenu a permis de collecter 483,7 milliards de yuans, à peine 6,6 % des recettes fiscales du pays, nous montrent les données.
De nombreux experts ont également suggéré de fixer le taux d'imposition en fonction des revenus des familles, plutôt qu'en fonction des revenus personnels, cela permettrait selon eux de mieux refléter les charges familiales. Ils ont en outre appelé à un contrôle plus strict des salariés percevant des revenus multiples ou élevés.
Cependant, Li Tiegang, vice-doyen de l'École d'économie au sein de l'Université du Shandong, a déclaré que le régime fiscal basé sur les revenus de la famille serait non seulement coûteux mais également difficile à mettre en place, "car la Chine ne dispose pour le moment d'aucune plate-forme permettant la collecte de données concernant les revenus familiaux" a-t-il expliqué.
"Le projet d'amendement constitue donc une première étape dans la bonne direction", a déclaré M.Li. "Mais il ne demande par la suite qu'à être mieux adapté et amélioré".
Source: China Daily
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