Bien qu'aucune information chiffrée sur les capitaux spéculatifs n'ait été officiellement publiée, l'inquiétude quant à leurs conséquences sur l'économie chinoise grandit, si bien que le gouvernement ne compte pas relâcher pas ses efforts.
Lan Xinzhen
Pour tout un chacun, bourse, immobilier et marchandises en vrac sont trois secteurs très lucratifs en Chine. Mais le 12 novembre dernier, les cours ont connu une chute brutale, baissant de 3 186 à 2 838 points en cinq jours. Puis de légères fluctuations jusqu'à aujourd'hui. Selon le spécialiste financier WIND, plus de 250 milliards de yuans se sont volatilisés au mois de novembre, dont une majorité d'investisseurs institutionnels étrangers qualifiés (IIEQ).
Les marchandises en vrac sur les marchés à terme ont également connu une chute considérable. Le zinc et l'aluminium ont perdu plus de 10 % pendant deux semaines. Fait rassurant, l'immobilier, secteur régulé par le gouvernement central au cours des deux dernières années, n'a pas été envahi par les spéculateurs.
Pour certains, les hausses boursières de ces six derniers mois sont liées à la spéculation, et la récente chute est donc la conséquence des mesures prises par le gouvernement contre ces capitaux. « A l'heure actuelle, l'afflux de capitaux spéculatifs sur le territoire est impossible », a souligné Deng Xianhong, sous-directeur de l'Administration d'Etat des devises étrangères.
« En Chine, les devises étrangères sont placées sous le contrôle de l'Etat. On donne le feu vert à l'entrée des fonds internationaux à des fins commerciales dont l'origine est claire. Notre ennemi, ce sont les capitaux dont les opérations enfreignent les lois chinoises ou manquent de transparence », a-t-il ajouté.
Des mesures sévères
Finie l'époque de la prévention, les mesures plus rigides récemment publiées par le gouvernement chinois démontrent sa ferme volonté de porter un rude coup aux fonds spéculatifs.
Le 9 novembre, l'Administration d'Etat des devises étrangères a rendu publique la Notification sur les questions liées au renforcement du contrôle des opérations en devises étrangères. Cette nouvelle publication met l'accent sur le rôle des institutions bancaires, en première ligne dans cette lutte. Le 15 novembre, le Ministère chinois du Logement et de la Construction urbaine et rurale et l'Administration d'Etat des devises étrangères ont conjointement publié une notification destinée à réguler davantage les achats immobiliers par des institutions et individus étrangers.
Le 29 novembre, le marché à terme de Shanghai (Shanghai Futures Exchange) a décidé à la clôture d'augmenter la caution des contrats à terme sur le cuivre, l'aluminium et le zinc de 5 % à 10 %, celle sur les câbles, l'or et l'armature ondulée de 7 % à 12 %, et celle sur le kassaï de 11 % à 13 %. De plus, la mesure réduisant de moitié le montant des formalités six mois après la signature de contrats à terme a été suspendue, et le standard des formalités pour les contrats à terme sur le kassaï est passé de 1/10 000 à 1,5/10 000 du montant du marché.
L'afflux de ces capitaux spéculatifs aurait de nombreuses causes, notamment le pari sur la revalorisation du RMB, la confiance dans la relance chinoise, et la spéculation sur le manque de supervision dans certains secteurs. Les fonds spéculatifs ne dorment pas dans les banques, ils cherchent à tout prix la bonne affaire.
Supervision à long terme
Si l'Administration d'Etat des devises étrangères estime faible la proportion de capitaux spéculatifs sur le territoire, les départements de supervision financière ne relâcheront pas pour autant leur vigilance. En outre, face à la situation actuelle de flux de capitaux internationaux, les pays émergents, dont la Chine, ne peuvent baisser leur garde.
Selon les statistiques publiées le 30 novembre par l'Administration d'Etat des devises étrangères, la balance favorable entre la vente et l'achat des devises étrangères dans les banques de détail a atteint 57,6 milliards de dollars au mois d'octobre, deux fois plus que le mois précédent. De plus, 125,3 milliards de dollars en devises étrangères ont été vendus à ces banques le même mois, un record en 2010.
« Cette considérable augmentation est en partie liée à l'afflux de capitaux spéculatifs », a indiqué Wen Bin, chercheur à l'Institut de finance internationale relevant de la Banque de Chine.
« Cette hausse est aussi la conséquence d'une balance commerciale favorable et des investissements directs. En effet, les capitaux oisifs, qui affluent à travers les canaux traditionnels comme le règlement anticipé des échanges ou le paiement différé en devises étrangères, engendrent une hausse des achats de devises par les banques concernées auprès des particuliers, et une baisse des ventes de devises par ces mêmes banques. Par ailleurs, d'autres capitaux affluent à travers des canaux non-traditionnels », a-t-il expliqué.
En général, la balance entre l'achat et la vente de devises étrangères d'un pays reflète dans l'ensemble la balance entre ses importations et ses exportations. La balance commerciale favorable de la Chine est de 27,1 milliards de dollars au mois d'octobre, moins de la moitié de l'excédent des ventes de devises étrangères par les particuliers aux banques désignées par rapport aux achats dans le sens inverse, ce qui montre une accélération de l'afflux des capitaux spéculatifs vers la Chine.
D'après les statistiques publiées le 26 novembre par la Banque populaire de Chine, les fonds exceptionnels destinés à la conversion des devises étrangères (FOPE) ont connu une augmentation de 519 milliards de yuans par rapport au mois précédent, un record depuis les 30 derniers mois. Toujours dans le même mois, la balance favorable commerciale de la Chine est de 27,1 milliards de dollars, tandis que le montant total des investissements directs étrangers est de 7,66 milliards. De là, on peut conclure à l'existence plus ou moins visible des capitaux spéculatifs.
En fait, depuis le troisième trimestre, le FOPE a enregistré une augmentation très rapide, de 170,95, 243 et 289,56 milliards de yuans respectivement en juillet, août et septembre.
Les conseils des experts
Pour le sous-directeur de la Faculté d'économie de l'Université de Fudan (Shanghai), les simples mesures de lutte ne seront pas la solution radicale. Il faut agir dans deux sens inverses : boucher et déboucher, afin de limiter l'influence négative des capitaux spéculatifs sur l'économie chinoise.
« S'agissant du bouchage, il faut renforcer le contrôle sur les devises étrangères et sur les capitaux, assurer la circulation de l'information et l'harmonie des politiques entre les départements concernés, en particulier l'Administration d'Etat des devises étrangères, le Ministère du Commerce, la Commission de supervision bancaire de Chine et la Commission de contrôle boursier de Chine, et adopter immédiatement des sanctions en cas de problèmes. Par ailleurs, on peut limiter de manière ciblée le nombre de transactions, afin de décourager les spéculateurs », a dit Sun Lijian. Quant au débouchage, on peut diriger les capitaux spéculatifs vers certains investissements financiers, pour non seulement faciliter la supervision et le contrôle, mais également servir l'économie réelle.
Lors du Forum consacré aux nouvelles industries financières et stratégiques organisé le premier décembre à Beijing, le grand économiste Gu Shengzu a proposé d'orienter les capitaux spéculatifs vers le développement des industries nouvelles.
« Malgré une fluidité excessive, la structure du marché chinois est gravement déséquilibrée pour le moment ; les capitaux spéculatifs ont pénétré le marché boursier, le marche immobilier et le secteur des produits agricoles. Ainsi, il est important de guider les capitaux étrangers vers l'économie réelle », a affirmé Gu.
Beijing Information
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