On pourrait qualifier de « polars artistiques » les nombreux romans que vous avez écrits. Chaque aventure de Pénélope est une invitation à l'Histoire de l'art. Mais où s'arrête l'Histoire et où commence la fiction ?
Quand j'écris ces romans, et en particulier dans la série des aventures de Pénélope, je lis beaucoup de livres d'histoire, d'histoire de l'art, et ensuite, je les oublie. J'essaie d'imaginer un mystère, d'être avec mon personnage, dans une intrigue, dans une énigme. Après, je donne des éléments historiques, je fais entrer mon lecteur dans le lieu où l'intrigue se passe, par exemple le Château de Versailles. Et à la fin du livre, je donne mes sources, j'indique ce qui est la vérité et ce qui est la fiction. Il y a toujours ce mélange dans mes romans : une part de vérité qui vient de mes recherches, de mes lectures, et une part d'imagination, qui est le plaisir de faire vivre Pénélope dans une situation incroyable, avec des intrigues vraiment policières.
Dans Intrigue à Versailles, votre héroïne affronte la mafia chinoise et une société secrète. Vous vous êtes donc documenté sur la Chine…
Oui. J'ai imaginé la Chine que je ne connaissais pas. J'ai imaginé qu'il y avait une société secrète chinoise issue de cette famille spirituelle qu'étaient les jansénistes, et que Louis XIV a persécutés. A côté de Versailles, il y a une petite abbaye qui s'appelle Port-Royal. Louis XIV l'a rasée, les jansénistes ont été dispersés, et j'ai imaginé que certains avaient trouvé refuge - c'est complètement imaginé, c'est une fiction - en Chine, où leurs pires ennemis, les jésuites, étaient en train d'échouer dans leur tentative de conversion de l'Empereur et du pays. Alors que, les jansénistes, qui se seraient cachés, continueraient à exercer une influence secrète en Chine et en France. C'est une pure fiction, mais je trouvais ça très amusant de faire un lien entre la spiritualité chinoise et la spiritualité de Port-Royal.
Dans votre dernier roman, vous mettez en scène le fanatisme d'un coiffeur pour l'écrivain Chateaubriand. Le portrait en cheveux a vraiment existé !
C'est un personnage qui a vraiment existé, Adolphe Pâques, qui a créé ce tableau incroyable, qui se trouve au Musée de Saint-Malo. Il s'agit de la chambre natale de Chateaubriand, composée des cheveux du vieil écrivain collés sur du verre. C'est en le découvrant que j'ai eu envie d'écrire ce roman. Je me suis dit qu'il y avait une histoire de fou derrière ce tableau !
C'est le roman de la fascination qu'éprouve un jeune homme pour le plus grand écrivain de son époque. Devenu son coiffeur, il le voit chaque jour, et devient une sorte de confident, d'ami. Cette fascination va aller jusqu'à la folie, et va se transformer en haine. Plus il va admirer ses oeuvres, plus il va détester l'homme.
C'est un roman sur le paradoxe, la complexité de la fascination littéraire. Je suis parti de faits réels, pour raconter une histoire un peu universelle. C'est Chateaubriand, mais ça peut être n'importe quel grand écrivain, même un Chinois.
Ce coiffeur a écrit lui-même un roman du même nom que le votre ?
Ce n'est pas un roman, mais un petit livre de souvenirs, qui m'a un peu déçu. Il parle beaucoup de son travail de coiffeur, et peu de Chateaubriand. J'ai cherché ce livre, je l'ai lu, et me suis dit : « Bon, tout est encore possible, il n'a pas épuisé le sujet ! ». Il nous raconte sa vie à lui, et je me suis intéressé seulement à l'épisode important, son épisode littéraire, sa vie avec Chateaubriand.
Vous avez activement soutenu Patrimoine Sans Frontière. Pouvez-vous nous parler de cette ONG et de ses activités ?
J'y ai participé pendant 15 ans, j'étais le vice-président. Mais on a décidé avec la présidente qu'il fallait changer les équipes. D'ailleurs, l'un des fondateurs, Frédéric Edelmann, journaliste au Monde, a beaucoup travaillé en Chine. On travaille pour défendre le patrimoine oublié. L'UNESCO s'intéresse aux grands monuments, les grands temples de l'Egypte, les sites exceptionnels du monde ; nous, on allait au contraire vers des petits villages dans des pays en guerre, en Albanie, en Bosnie, dans des endroits où personne ne va, pour essayer de sauver des éléments de patrimoine qui sont importants pour les populations locales. Notre but n'était pas de faire une liste du plus beau patrimoine de l'humanité, mais d'essayer de sauver, avec les gens qui habitent là, des éléments qui sont de leur histoire, qu'ils veulent transmettre à la génération future.
Votre livre, Le coiffeur de Chateaubriand, a-t-il été traduit vers le chinois ?
Ce serait mon rêve d'être traduit en chinois. Je pense que le personnage du vieil écrivain Chateaubriand, à la fin de sa vie, peut parler à des lecteurs chinois : le vieux sage que tout le monde admire, mais qu'on a peut-être aussi envie de détester quand on est un jeune homme passionné par la littérature, par les livres… Cette histoire qui se passe à Paris à l'époque romantique, on pourrait l'imaginer dans la Chine du 19e siècle, peut-être même dans la Chine d'aujourd'hui !
Beijing Information
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