L'économie chinoise change de terrain en passant d'une stratégie orientée sur les exportations vers un modèle de croissance reposant sur la consommation intérieure.
Lan Xinzhen
L'économie chinoise a connu une croissance robuste de 9,6 % au troisième trimestre de cette année, maintenant son dynamisme, bien que ce résultat soit inférieur de 0,7 point de pourcentage à celui de la période précédente, selon l'annonce du Bureau national des statistiques (BNS) le 21 octobre. La croissance a été largement poussée par la consommation intérieure au lieu des marchés étrangers.
L'économie chinoise a crû de 10,6 % au cours des trois premiers trimestres de l'année, rendant réalisable l'objectif du gouvernement de 8 % de croissance du PIB en 2010.
Croissance normale
Depuis le pic de croissance du PIB de 12,1 % au dernier trimestre 2009, le développement économique chinois s'est ralenti de manière stable. En glissement annuel, le premier trimestre 2010 enregistrait une croissance de 11,9 %, suivie par 10,3 % au deuxième trimestre et 9,6 % au troisième.
Li Huiyong, macroéconomiste en chef de Shenyin et Wanguo Securities Co. Ltd., explique qu'après un temps de réadaptation, l'économie chinoise est retournée à son statut d'avant la crise.
Le ralentissement résulte en réalité des mesures gouvernementales de contrôle économique. La Chine a profité de la crise pour délaisser sa capacité de production obsolète et relancer la réforme du taux de change du yuan. Ces réajustements conçus pour modifier le modèle de développement et le mode de croissance ont provoqué un ralentissement de l'investissement qui a à son tour calmé la croissance industrielle.
M. Li souligne que le colossal stimulus de 4 000 milliards de yuans (430 milliards d'euros) injecté dans le marché pour contrer la crise financière en 2008 s'achèvera à la fin de l'année. D'ici là, l'économie chinoise continuera à s'attarder sur le côté gauche d'une reprise en forme de U en raison d'un ralentissement de la reprise économique mondiale et d'incertitudes sur le marché immobilier national. La croissance du PIB devrait atteindre son point le plus bas au quatrième trimestre de l'année ou au premier trimestre de l'année prochaine, pour rebondir vigoureusement au trimestre suivant.
L'atterrissage en douceur de l'économie chinoise après la crise était une bonne nouvelle non seulement pour le pays, mais également pour le marché international. Le gouvernement ne ménage pas ses efforts pour éviter la surchauffe du secteur immobilier et de l'industrie lourde.
Peng Wensheng, économiste en chef de China International Capital Corp., affirme que la Chine ne changera pas l'orientation de ses politiques de contrôle macroéconomique. Les efforts antérieurs visant à améliorer la qualité de la croissance seront maintenus et continueront à influencer positivement la réforme structurelle. Cependant, face à un environnement interne fluctuant et une base de comparaison élevée l'an dernier, la croissance du PIB devrait retomber légèrement.
« Il est impossible d'avoir à la fois une croissance économique rapide et un réajustement structurel. Parfois, il faut sacrifier la vitesse au profit de la qualité », déclare-t-il.
Selon lui, le gouvernement fait preuve de sagesse en encourageant l'investissement privé et en soutenant les industries émergentes et stratégiques, tout en contrôlant le marché immobilier et les industries en surcapacité. Les politiques de réforme structurelle assurent que l'économie chinoise ne connaisse pas de chute inattendue, mais plutôt un ralentissement et rebond progressifs.
La forte demande du marché
Au cours des trois derniers trimestres, le total des ventes au détail en Chine s'élevait à 11 100 milliards de yuans (1 190 milliards d'euros), soit une hausse de 18,3 % par rapport à la même période en 2009. Un rapport du Centre national d'information économique (CNIE) affirme que l'augmentation des revenus des résidents urbains et ruraux jette une base solide pour l'expansion de la consommation. Dès cette année, la pension des travailleurs retraités a été augmentée de 10 %, et certaines provinces et villes ont relevé le niveau de revenu minimal garanti. Au total, 23 provinces et municipalités ont augmenté le salaire minimum de 20 % en moyenne. En outre, la pénurie d'ouvriers migrants qualifiés a contraint les employeurs à réévaluer sensiblement leurs offres salariales.
Les politiques du gouvernement chinois pour stimuler la consommation individuelle, comme la vente d'appareils ménagers dans les zones rurales et les subventions à l'achat d'automobiles à nouvelles énergies ou économes en énergie continuent de faire effet.
En parallèle, les autorités s'efforcent d'améliorer le système de sécurité sociale pour encourager les dépenses de consommation.
Cette année, la couverture du nouveau système d'assurance-vieillesse a été élargie à 23 % de l'ensemble des zones rurales. L'allocation d'assurance maladie de base pour les citadins et dans les coopératives rurales a été portée à 120 yuans (13 euros), contre 60 yuans en 2009.
La consommation intérieure aurait pu être encore plus forte sans le concours de plusieurs facteurs. Par exemple, les mesures récentes de contrôle du marché immobilier ont entrainé une chute du nombre de transactions, tirant vers le bas les ventes de meubles, appareils ménagers et matériel de décoration. La hausse des prix de l'eau, de l'électricité et du gaz a également entamé le pouvoir d'achat de la population. Pire encore, le taux d'intérêt réel négatif a diminué la valeur de l'épargne et de la richesse des résidents, les rendant plus réticents à dépenser.
« De manière générale, la consommation intérieure maintiendra une croissance stable et relativement rapide », affirme le rapport du CNIE.
L'arrivée de l'inflation
Un problème majeur planant sur l'économie chinoise durant les trois premiers trimestres de l'année a été l'évolution des prix. En juillet, l'indice des prix à la consommation (IPC) en glissement annuel a dépassé le plafond de 3 % fixé par le gouvernement au début de l'année. En août, la hausse annuelle atteignait 3,5 %, puis 3,6 % en septembre, selon les données du BNS.
La tendance de l'IPC est largement attribuable à la flambée des prix des aliments et notamment des légumes, analyse Yuan Gangming, chercheur senior au Centre d'étude sur l'économie chinoise et mondiale, relevant de l'Université Tsinghua, à Beijing.
Les données de la Commission nationale pour le développement et la réforme montrent que les prix de détail des céréales dans trente-six grandes et moyennes villes ont connu une augmentation modeste en septembre, avec les prix du porc, des œufs, du bœuf, du poulet et de l'huile alimentaire à la hausse.
Après un pic entre juillet et septembre, les prix à la consommation devraient s'assagir au quatrième trimestre, déclare Zhang Yongjun, chercheur au Centre chinois pour les échanges économiques internationaux. Mais le rythme de baisse pourrait ne pas être aussi rapide que prévu, prévient-il.
Parallèlement, l'excès de liquidités alimente les pressions inflationnistes. Les nouveaux prêts libellés en renminbi se sont élevés au niveau vertigineux de 6 300 milliards de yuans (677 milliards d'euros) au cours des trois premiers trimestres, et le montant du seul mois de septembre a augmenté de 595,5 milliards de yuans (64 milliards d'euros), a révélé la banque centrale.
En réponse aux inquiétudes, cette dernière a annoncé le 19 octobre son intention de relever, à partir du 20 octobre, le taux d'intérêt e base pour les dépôts et les crédits d'un an de 0,25 point de pourcentage, pour la première fois depuis décembre 2007.
Le commerce extérieur a représenté 2 150 milliards de dollars (1 545 milliards d'euros) entre janvier et septembre, une augmentation de 37,9 % par rapport à l'année dernière. Sur ce total, les exportations ont grimpé de 34 % en glissement annuel à 1 134 milliards de dollars (813 milliards d'euros), en comparaison avec 35,2 % pour le premier semestre.
Mais une moindre dépendance envers les exportations peut être une bonne nouvelle pour l'économie chinoise. Tandis que l'économie mondiale s'essouffle, la stagnation menace sur le plan commercial, selon un rapport du CNIE.
Et après l'éclatement de la crise de la dette européenne, de nombreux pays ont commencé à réduire leurs dépenses fiscales. En outre, le protectionnisme commercial ne se cache plus en Occident, laissant planer un nuage sombre sur les perspectives d'exportation chinoises, indique le document.
Les politiques nationales ont également pesé sur la compétitivité des exportateurs chinois. Le ministère des Finances et de l'Administration fiscale d'État ont ordonné l'annulation des allégements de taxes à l'exportation sur un total de 406 articles, dont l'acier, les métaux non ferreux et les produits pharmaceutiques, à compter du 15 juillet dernier. Auparavant, ces produits bénéficiaient de réductions allant de 5 à 17 %.
Les recettes budgétaires de la Chine s'élevaient à 6 300 milliards de yuans (677 milliards d'euros) pour les trois premiers trimestres, soit une augmentation de 22,4 % par rapport à la même période de l'année dernière. Sur ce total, les recettes fiscales ont grimpé de 24,2 % pour atteindre 5 600 milliards de yuans (601 milliards d'euros), et les recettes non fiscales ont enregistré une hausse de 9,6 %, s'établissant à 708,21 milliards de yuans (76 milliards d'euros).
La viabilité du budget
Les dépenses budgétaires du pays se sont cumulées à 5 450 milliards de yuans (585 milliards d'euros), 20,6 % de plus qu'un an plus tôt.
L'excédent budgétaire était de 853,46 milliards de yuans (91,78 milliards d'euros) pour la période de janvier à septembre, prouvant qu'une crise de la dette est presque impossible en Chine. Cela ajoute également à l'optimisme sur les perspectives de croissance, puisque le gouvernement se trouve dans une situation saine lui permettant de stimuler l'économie.
Plusieurs facteurs sont à l'origine du bond des recettes fiscales observé jusqu'à présent cette année. Tout d'abord, l'économie s'est rétablie assez rapidement, apportant une impulsion robuste aux droits de douane, TVA sur produits importés et taxes sur les achats de véhicules. Deuxièmement, les prix des produits ont augmenté, amenant davantage de revenus fiscaux. Troisièmement, l'augmentation des recettes fiscales a été modeste l'an dernier à seulement 5,4 % durant les trois premiers trimestres de 2009, fournissant une base de comparaison relativement faible pour cette année.
Les recettes financières se sont élevées de 22,4 % au troisième trimestre, contre 34 % au premier trimestre et 22,7 % au deuxième trimestre. Dans un contexte d'urbanisation rapide, la Chine connaîtra une forte poussée de dépenses en matière de conservation de l'énergie, de réduction de ses émissions, d'emploi et de sécurité sociale, et l'on peut s'attendre à ce que cela fasse pression sur la viabilité budgétaire du pays.
Beijing Information
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