Jin Duoyou
Depuis le mois de novembre de l'année dernière, une sécheresse d'une ampleur jamais observée depuis un demi-siècle a assailli le centre et le nord de la Chine. Sa durée qui semblait interminable, sa magnitude et l'ampleur des dégâts font de cette catastrophe naturelle l'une des plus importantes de l'histoire chinoise. Si la sécheresse se poursuit à ce rythme, des retombées sur la production de blé seront à craindre pour la moisson estivale. Responsable d'un pays en développement peuplé par 1,3 milliard de personnes, le gouvernement chinois accorde depuis toujours une grande importance à l'autosuffisance alimentaire. Plusieurs journalistes de Beijing Information ont récemment effectué un reportage dans la province du Henan, dont la production de blé occupe le premier rang national.
La première destination de notre visite est le district de Hua rattaché à la ville d'Anyang (province du Henan). Situé au nord-est de la région, le district de Hua bordant l'ancien passage du fleuve Jaune se distingue par son orientation agricole depuis des lustres. La superficie de ses terres cultivées atteint 2,5 millions de mus (15 mus équivalant à un hectare), ce qui lui a valu le surnom de « grenier du nord du Henan ». Sa production céréalière et sa fourniture des denrées à usage commercial sont toutes deux au premier rang provincial, sacrant le district six années consécutives du titre de « modèle avancé national de production des vivres ».
Grâce à une importante installation hydraulique mise en service au mois de mars de 2008, les eaux du fleuve Jaune peuvent irriguer une part des champs de blé du district de Hua via la rivière Dagong. En sortant du centre ville, on distingue nettement dans les champs bon nombre d'agriculteurs qui cultivent et arrosent leurs terres frappées par une grave sécheresse. Si la plupart des pousses de blé ont déjà reverdi, certaines traces jaunâtres subsistent.
Li Quandong, âgé de 58 ans, est un paysan du village de Jiagu rattaché au district de Hua. « Auparavant, avec les chutes de neige hivernales, nous n'avions pas besoin d'arroser les champs, néanmoins cette année la sécheresse nous contraint à les irriguer maintes fois. » A 50 mètres de ses champs, un puits à pompage mécanique est mis en service. Les paysans du cru utilisent ce procédé pour extraire de l'eau et irriguent les terres par les canaux souterrains.
En 2005, presque tous les champs du lieu ont été équipés de canaux souterrains qui dérivent les eaux vers des champs distants de plusieurs dizaines voire centaines de mètres. Ce nouveau mode d'adduction a non seulement économisé les ressources aquatiques, mais encore a allégé le fardeau des cultivateurs. Lors de la sécheresse, l'irrigation souterraine a pour avantage de raisonnablement et efficacement mobiliser de précieuses ressources en eau.
Lorsqu'il observe ses champs irrigués, Li Quandong reste optimiste quant aux résultats de la prochaine récolte estivale. « Le rendement de mes terres se situe encore à une tonne par mu, si nous parvenons à vaincre les maladies et les ravages causés par les parasites, une bonne récolte est à prévoir » a-t-il précisé.
Irrigation. (Shi Gang) |
Au village de Jiagu, l'ingénieur agronome Zhang Xinling distribue aux agriculteurs le « Guide de l'agriculture rationnelle ». Selon elle, « certains paysans considèrent les engrais comme un rempart contre la sécheresse pour leurs pousses de blé, néanmoins l'épandage excessif pourrait venir à bout des cultures. Notre tâche est de transmettre des méthodes rationnelles aux agriculteurs. » Le district de Hua abrite pas moins de 46 ingénieurs agronomes, à l'image de Zhang Xinling, dispersés dans 23 bourgs.
Mme Zhang s'est montré rassurante. « Selon l'expérience, malgré l'apparition de pousses jaunâtres, un arrosage conséquent effectué au moment opportun pourra garantir la production. »
Jusqu'au 14 février, tous les champs de blé (1,72 millions de mus) ont été arrosés intégralement.
Malgré la prise de mesures efficaces pour protéger les pousses de blé, le district de Hua n'est pas épargné par d'autres fardeaux dans sa lutte contre la sécheresse. Au cours des dernières années, un recours excessif à la nappe phréatique a considérablement réduit le niveau de cette dernière, ce qui lègue une nouvelle menace écologique à l'avenir.
Par rapport au district de Hua localisé dans la plaine, la ville montagneuse de Linzhou est confrontée à une sécheresse plus dramatique.
A la jonction des trois provinces du Henan, du Shanxi et du Hebei, Linzhou est accablée par une pénurie d'eau (à des fins agricoles et potables) qui tourmente depuis des temps immémoriaux le gouvernement et les locaux. Du mois d'octobre de 2008 au mois de janvier 2009, les précipitations moyennes de cette ville n'ont pas dépassé 4,3 millimètres. Une faible pluviométrie et des températures caniculaires provoquent ici une grave sécheresse. Face à cette épée de Damoclès, l'ancienne installation hydraulique, le canal du Drapeau rouge (Hongqiqu) a accompli des exploits et a allégé le fardeau de Linzhou lié à l'aridité.
Le canal d'irrigation Hongqi. (Shi Gang) |
Le Hongqiqu fut bâti par les habitants du district de Lin (actuellement la ville de Linzhou) dans les années 1960. Sa construction prit 10 ans. Ce système d'irrigation creusé dans les falaises abruptes et les sentiers escarpés du mont Taihang visait à acheminer les eaux de la rivière Zhang vers le district de Lin. Pour son édification 1 250 sommets ont été creusés, 152 tunnels ont été percés tandis que 152 ponts et aqueducs ont été érigés. Ce chef œuvre baptisé « rivière céleste artificielle » et « Grande Muraille contemporaine » est considéré comme l'incarnation de l'esprit de la nation chinoise. Aujourd'hui cet ancien système d'irrigation a regagné ses galons.
« Sans le canal du Drapeau rouge, nous ne récolterons rien cette année », a indiqué une paysanne du village de Shenjiagang, appartenant au bourg de Yaocun. Ses champs d'une superficie totale de trois mus qui ont été arrosés sont assez spongieux. Suivant l'itinéraire d'irrigation du Hongqiqu, les 1 200 mus de terres cultivées du village de Shenjiagang sont complètement hydratés par les eaux du canal. Ce qui est d'autant plus remarquable est le coût modique de l'eau dans cette localité, 0.05 yuan par m³. Dans ce cas de figure, le coût d'irrigation d'un mu revient à huit yuans, ce qui permet de réduire la charge pécuniaire des agriculteurs.
Afin de garantir le niveau des eaux du canal du Drapeau rouge, le gouvernement local a acquis des eaux de la province du Shanxi située en amont du fleuve Jaune et a rendues opérationnelles les réserves de 20 millions de m³ dans le réservoir de Nangudong. Actuellement, le débit du Hongqigu a augmenté d'1,5 m³/s à 4 m³/s. Jusqu'à la seconde quinzaine du mois de février, 386 000 mus parmi les 449 000 mus de champs irrigables ont été arrosés, dont 290 000 sont hydratés par les eaux du Canal du Drapeau rouge.
Par rapport aux régions favorisées suivant l'itinéraire de la « rivière céleste artificielle », il existe des régions montagneuses qui ne peuvent que compter sur les faveurs de la pluviométrie. La superficie des champs de blé arides et des champs gravement arides atteignent respectivement 60 000 mus et 50 000 mus. Ces zones desséchées se concentrent dans les régions délaissées par le tracé du Canal du Drapeau rouge.
Au mois de février, la pluie est tombée à deux reprises dans le nord de la Chine, cette humidité a atténué la sécheresse, a réduit de 25 millions de mus la quantité de champs arides, ce qui a permis de gagner un temps précieux pour pérenniser les pousses de blé. Selon les informations du Centre météorologique national, des précipitations seront prévues pour les troisièmes et quatrièmes semaines du mois de février en Chine septentrionale. Pour les agriculteurs chinois qui abattent un travail de fourmi dans les champs, cela est un bon présage. Cependant afin de parer à cette sécheresse historique, il faudra éliminer la chape de plomb qui pèse sur l'agriculture chinoise.
Beijing Information
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