Le vice-président américain Joe Biden. (Xinhua) |
La 45e Conférence de Munich sur la sécurité, tenue du 6 au 8 février, restera gravée dans les esprits au cours des prochaines années vu la volonté du nouveau gouvernement américain d'améliorer les relations avec la Russie et l'Europe et le « nouveau ton » qu'elle a fixé pour sa politique extérieure, qui pourraient avoir de profondes répercussions à l'échelle mondiale.
« Je viens en Europe au nom d'un nouveau gouvernement déterminé à instaurer un ton nouveau, non seulement à Washington, mais aussi dans les relations de l'Amérique avec le reste du monde. Ce nouveau ton, ancré dans des partenariats forts pour relever ensemble des défis, n'est pas un luxe. C'est une nécessité », a indiqué le vice-président américain Joe Biden dans une allocution très attendue samedi dernier.
A l'occasion de la première révélation outre-Atlantique de la politique étrangère et sécuritaire de l'administration du président Obama, M. Biden a illustré deux points primordiaux de ce « nouveau ton », premièrement développer de nouvelles relations transatlantiques, et par ailleurs, améliorer les relations Washington-Moscou par le biais d'une coopération renforcée.
Une nouvelle page s'ouvre pour les relations transatlantiques
Prenant quelques distances avec la propension du gouvernement de G. W. Bush à l'unilatéralisme avec ses alliés européens, M. Biden a indiqué que l'heure est venue d'ouvrir une nouvelle page dans les relations transatlantiques. Il a promis que Washington écoutera ses partenaires et les consultera.
La déclaration unilatérale de la guerre en Irak par Bush avait causé un désaccord entre l'UE et les Etats-Unis, et Biden est venu mettre un terme à celui-ci en affirmant : « Vu les idéaux que nous partageons et la recherche de partenaires que nous effectuons dans un monde plus complexe, le lien qui soude les Américains et les Européens sera toujours important avant d'aborder les relations avec d'autres pays. »
La nouvelle démarche de Washington a suscité des réactions positives en Europe. Gert Weisskirchen, porte-parole du Parti socio-démocrate en matière de politique étrangère au Parlement allemand, a indiqué dimanche qu'il est temps que les Américains indiquent qu'ils sont disposés à écouter attentivement les opinions des Européens et affichent leur disponibilité à travailler conjointement avec les alliés européens pour aborder les menaces communes par le biais d'actions communes.
Les leaders européens ont attaché une grande importance et ont placé de nombreux espoirs sur le premier voyage de M. Biden à l'étranger depuis sa prestation de serment en janvier, demandant aux dirigeants des trois plus grands pays de l'Union européenne (UE) -- la chancelière allemande Angela Merkel, le président français Nicolas Sarkozy et le secrétaire britannique aux Affaires étrangères David Miliband -- de le rencontrer.
Au moins, les Européens ont eu ce qu'ils voulaient entendre -- les promesses de collaboration de l'autre côté de l'Atlantique.
Toutefois, Biden a été le premier à laisser entendre qu'une nouvelle relation transatlantique implique que les Européens seront amenés à contribuer plus.
« L'Amérique fera davantage de choses, mais l'Amérique demandera également davantage à ses partenaires », a-t-il déclaré. Et il a immédiatement demandé une aide européenne en acceptant les détenus du camp de détention de Guantanamo, que les Etats-Unis ont l'intention de fermer d'ici à l'année prochaine et en envoyant davantage de renforts et une aide supplémentaire en Afghanistan.
Le gouvernement américain, qui envisage d'envoyer au moins 30 000 troupes supplémentaires en Afghanistan, souhaite aussi que l'Allemagne et d'autres pays européens consolident leur participation à la mission de maintien de la paix dirigée par l'OTAN. Mais la France et l'Allemagne se montrent réticentes à cette demande. Le gouvernement allemand est particulièrement prudent sur la question étant donné que le pays organise des élections législatives en septembre 2009.
Le ministre allemand de la Défense, Franz-Josef Jung, a déclaré dimanche aux Américains que davantage d'efforts seront déployés pour la reconstruction et la formation en Afghanistan, estimant: « Nous ne gagnerons pas uniquement à l'aide des moyens militaires ».
En réaction à la réticence de certains pays européens à fournir des renforts en Afghanistan, le secrétaire général de l'OTAN Jaap de Hoop Scheffer a indiqué samedi que ce n'était pas le bon équilibre au sein de l'OTAN, estimant que les nouvelles relations transatlantiques ne demandent pas seulement un leadership commun, mais aussi un partage des responsabilités conjointes.
« Si l'Europe veut une voix plus forte, elle doit faire plus », a- t-il déclaré.
Accueil favorable en Russie du « signal fort » de Washington pour de meilleures relations bilatérales
Les relations entre Washington et Moscou se sont dégradées ces dernières années en raison des divergences sur l'élargissement de l'OTAN vers l'Est et le plan de déploiement d'un système anti-missile en Europe de l'Est.
M. Biden a indiqué samedi que les Etats-Unis espèrent diminuer la tension qui règne dans les relations de son pays avec la Russie, et relancer la coopération dans la non-prolifération, le désarmement et le contrôle des armes nucléaires. Il a aussi déclaré que les deux parties peuvent conserver leurs divergences tout en travaillant ensemble.
Au cours d'une rencontre avec le vice-Premier ministre russe Sergueï Ivanov dimanche, le premier contact entre les hauts dirigeants depuis l'investiture d'Obama, M. Biden a réitéré cette position au haut fonctionnaire russe.
M. Ivanov a déclaré que son pays accueille favorablement « le signal fort » de Washington pour promouvoir les relations bilatérales et était prêt à coopérer avec les Etats-Unis dans tous les domaines. Il a parallèlement demandé la confiance mutuelle dans la coopération.
Pour M. Ivanov, le plus important est que M. Obama travaillera avec la Russie dans l'avenir. Il a souligné que Moscou observera avant d'agir.
D'après des analystes, derrière les promesses de M. Biden, il semble que les Etats-Unis ne veulent faire aucune concession sur certains dossiers clés.
M. Biden a déclaré que les Etats-Unis continueront à développer des défenses anti-missile afin de « contrecarrer l'aptitude croissante de l'Iran » en la matière.
« Nous procéderons à cela en consultation avec nos alliés de l'OTAN et la Russie », a-t-il ajouté.
Le vice-président américain a aussi souligné que les Etats-Unis ne reconnaîtraient pas l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, deux régions séparatistes géorgiennes, dont l'indépendance a été reconnue par la Russie. Washington ne reconnaîtra pas non plus une « sphère d'influence », faisant allusion à la traditionnelle influence dominante de la Russie sur les anciennes républiques soviétiques.
A propos de la volonté des anciennes républiques soviétiques d'adhérer à l'OTAN, il a affirmé qu'elles ont le droit de « prendre leur propres décisions et de choisir leurs propres alliances ».
Appel au multilatéralisme
Les participants de la conférence de Munich, qui étaient au nombre de 350, partagent l'avis que face à la crise financière, au changement climatique et à d'autres défis, aucun pays ne peut régler ses problèmes de manière autarcique, estimant que la coopération multilatérale est plus que jamais nécessaire pour relever les défis.
« Nous pensons que les alliances et organisations internationales n'ont pas amoindri la puissance de notre pays, elles aident à faire progresser notre sécurité collective, nos intérêts économiques et nos valeurs », a indiqué M. Biden.
« L'Amérique nécessite le monde tout comme j'estime que le monde nécessite l'Amérique », a-t-il dit.
Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a insisté samedi sur un multilatéralisme efficace pour faire face aux menaces à la sécurité mondiale.
« Pour répondre aux menaces actuelles à la sécurité mondiale, la Stratégie européenne de sécurité requiert un multilatéralisme efficace pour avancer sur notre chemin », a indiqué M. Barroso.
Le président français Nicolas Sarkozy et le haut représentant de l'UE pour la politique étrangère et la sécurité commune (PESC) Javier Solana ont tous deux appelé l'UE et les Etats-Unis à prendre au sérieux la proposition du président russe Dmitri Medvedev de modifier l'arrangement de sécurité en Europe, avec une participation multilatérale.
Les analystes estiment que le sommet du G20 sur la crise financière, prévu en avril à Londres, pourrait être un test pour mesurer l'impact de la collaboration multilatérale sur la résolution du problème.
Beijing Information
|