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CHINE - EUROPE
Publié le 24/06/2010
Philippe Bizot, militant de la pantomime

Jin Duoyou

Sur la vaste scène sombre et tranquille d'un théâtre pékinois, un rayon de lumière s'attarde sur un homme mince, dont le visage est peint en blanc. Avec ses expressions exagérées et sa gestuelle élégante, il a proposé aux spectateurs des scènes et des tableaux à la fois poétiques et réalistes. Pendant toute la performance, sa bouche est restée close. On n'entend que les applaudissements des adultes et les élats de rire des enfants. Cet homme, Philippe Bizot, est le plus célèbre maître de la pantomime.

« L'art est ma vie »

Philippe Bizot est né à Bordeaux. C'est à huit ans qu'il découvre émerveillé son premier maître, le mime Marceau. Depuis, Bizot a décidé de se consacrer à cet art de silence. Et cette décision importante orientera toute sa vie, puisqu'il la consacrera intégralement à la pantomime.

En tant que mime, sa carrière est propice. Après un entraînement rigoureux, Bizot a aiguisé sa passion pour le travail gestuel dans les cafés-théâtres de Bordeaux. « C'était impressionnant parce que c'était le tout début. J'étais engagé pour trois jours et j'ai joué pendant six mois, tellement il y avait de monde. Personne ne me connaissait, mais on m'a connu très vite. » a évoqué M. Bizot.

Philippe Bizot a rapidement rencontré son second mentor, à l'âge de 18 ans, Jean-Louis Barrault, qui l'aide à perfectionner son art de silence. Ce mime connu est réputé pour son rôle au cinéma dans « Les enfants du paradis », film des années 1940. A Bizot qui lui demandait de devenir son professeur, Barrault a refusé : « tu n'as plus besoin d'enseignant ». « Bien que Jean-Louis Barrault ne m'ait jamais appris les techniques de pantomime, son talent a toujours constitué un idéal pour moi. Dans son art, la pantomime est poétique », a raconté M.Bizot.

Et Barrault avait vu juste. Deux années plus tard, le Prix International de Pantomime de la Ville de Paris était décerné à Philippe Bizot, jeune mime de 20 ans. « C'était un atout pour démarrer puisque j'ai pu voyager et commencer à travailler à l'étranger, rencontrer d'autres comédiens, d'autres acteurs, d'autres cultures, donc c'était bénéfique. »

Dans son spectacle, Bizot passe en revue avec une gestuelle poétique les grandes étapes d'une vie : les garçons farceurs dans la salle de classe, le jeune qui adore le rock, les premières amours, etc... Et si on lui demande comment il a su capter ces instants à la fois ordinaires et magiques, Bizot répond : « Je regarde les gens toute la journée. Il va se passer quelque chose, forcément, qui va m'intéresser. Donc, après, je le note, je le garde, et éventuellement, un jour, je le ressers comme ça ».

D'après l'artiste, ses spectacles doivent être uniques, et universels à la fois. « Je raconte des histoires et transmets des émotions. Je suis une éponge. Le moment que j'aime le plus, c'est quand la transformation se fait. Quand je commence à ressembleer à mon affiche. Maquillé de blanc, je suis homme, femme, oiseau, chien, je suis miroir. Les gens projettent sur moi leurs propres émotions. Aussi bien en Afrique qu'en France, n'importe quel rôle, l'émotion, la douleur, la joie, c'est universel. »

Militant de la pantomime

Pendant sa longue carrière de plus de trente ans, Philippe Bizot n'a habité que très rarement sa maison de Bordeaux. Il a parcouru presque toute la terre, le Pakistan, la Chine, l'Inde, le Japon, le Bolivie, l'Afrique… Néanmoins, ce type de représentations ne représente qu'une petite part de sa vie. Il consacre beaucoup de son temps aux spectacles caritatifs et à la création d'ateliers de pantomime. Dans ce sens, ce maître qui s'adonne à la diffusion de la pantomime est plus militant qu'acteur.

Au cours de son périple, Philippe Bizot s'est produit dans les hopitaux psychiatriques, pour des enfants mourants, a animé des ateliers au Congo, a enseigné la pantomime à de jeunes autistes, trisomiques, sourds, ou malvoyants, il a participé à des missions humanitaires au Togo, a rencontré les enfants-chiens du Mexique, a mis en scène les misères infligées aux femmes en Bolivie.

En tant que mime célèbre, Bizot se sent investi d'une responsabilité sociale. « J'estime que c'est mon devoir d'aller jouer pour ces personnes qui ne vont jamais au théâtre. Et j'apprends énormément de ces gens-là, puisque comme ils n'ont pas d'habitude du théâtre, ça m'oblige à jouer encore mieux, pour qu'ils puissent comprendre tout. Je fais ça pour le plaisir, mais aussi pour le travail. »

Aux yeux de Bizot, la pantomime est un art transnational. « Il existe partout des gens handicapés, j'espère partager avec eux la joie, le colère, la peine et le plaisir ». L'idéal artistique de Bizot ? Le 'sans frontières'. « Pour le sens externe, la pantomime, interprétée par le corps est un art compréhensible par tout le monde. Pour le sens interne, la pantomime est la clé de l'interrupteur des émotions humaines, en permettant aux aveugles de voir, aux personnes sourdes d'écouter. »

Depuis trente ans, Bizot n'a cessé de créer des ateliers dans toutes les villes qu'il a parcourues, afin d'apprendre bénévolement aux jeunes les techniques de base. « J'espère faire des cours et jouer pour tous les gens qui s'intéressent à la pantomime. Pour partager avec de plus en plus de personnes mon art, le théâtre ne suffit pas ».

Des liens étroits avec la Chine

M.Bizot est tombé amoureux de la Chine très jeune. « Je m'intéresse à la Chine depuis l'enfance, car c'est un pays mythique avec une très vieille civilisation. C'est un continent qui me fait rêver, une culture qui me fait rêver, une littérature que j'aime beaucoup, une peinture que j'apprécie, une calligraphie que j'adore… »

En 1984, lors de sa première visite en Chine, le pantomime français a l'occasion de se rendre à l'opéra de Beijing. « A cette époque, je voulais absolument y aller. J'ai passé beaucoup de temps à regarder le travail des acteurs chinois. »

Depuis les années 1980, Bizot est revenu une douzaine fois en Chine. En 2005, il a coopéré avec le groupe artisique de Kunqu de Shanghai. C'était une initiative totalement inédite. « C'est la collision des deux cultures, leur mélange est parfait. »

Ces dernières années, Bizot œuvre à fonder sa propre compagnie. « J'ai formé suffisamment d'artistes dans tous les pays depuis 30 ans pour pouvoir monter une compagnie pluriculturelle avec les meilleurs mimes du monde ». Philippe Bizot est bien conscient que seul, il ne pourra faire parler de cet art du silence.

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