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ÉCONOMIE
Publié le 21/06/2007
Ils veulent toucher le fonds

La multiplication des petits investisseurs en quête d'argent facile met la pression sur les gestionnaires de fonds.

Tan Wei

Les opérations de gestion de fonds ont débuté en Chine en mars 1998, avec l'approbation par la Commission de Contrôle boursier de Chine (CCBC), de deux fonds fermés : Kaiyuan et Jintai. Depuis, le système chinois des fonds est devenu, après huit ans de déambulations, plus prospère que quiconque aurait pu l'annoncer à sa naissance. Portées par un marché des changes dynamique, les sociétés d'investissement se sont muées en bien précieux. De plus en plus d'investisseurs affirment que placer dans un fonds est la plus haute priorité dans la gestion de leur fortune.

Selon la Banque populaire de Chine (BPC, banque centrale), à la fin du premier trimestre de 2007, on dénombrait en Chine continentale 319 fonds, gérant un total de 822,5 milliards de yuans. Le même rapport faisait état d'une richesse générée par ces mêmes fonds de 1,12 billion de yuans. Pourtant, face à un marché à la hausse qui ne cesse de franchir ses propres records, les gestionnaires de fonds ne se sentent pas toujours à l'aise. Plus l'afflux de capital entrant est important, plus le risque de voir tout cet argent subitement repartir existe. De petits investisseurs peu au fait des mécanismes du marché pourrait rendre ce dernier plus instable.

Course de fonds

Prenons cette agence de la Banque industrielle et commerciale de Chine (ICBC), sur Goulou Waidajie, à Beijing, un 13 mai au matin. À 10h30 seulement, soit une heure et demie après l'ouverture des portes, le compteur électrique annonce une file d'attente de 276 clients. Tous, ou presque, sont là pour des histoires de fonds ; au grand dam des quelques-uns qui souhaitent seulement épargner.

Un gestionnaire de fonds et ses investisseurs.
Zhuang Jin

« J'ai placé dans un fonds de CITIC Securities à la fin de 2005, raconte Wang Qiming. Lorsque le rendement pour l'an passé a été publié, j'ai découvert que j'avais gagné 300 000 yuans, soit un retour de 80 % ! » Wang s'est ensuite précipité à la ICBC, qui distribue de nombreux fonds, afin de savoir lequel était le plus rentable.

De telles histoires ont immanquablement attiré les foules. Faire la queue devant un guichet de banque est rapidement devenu un passe-temps favori. Aujourd'hui, on vous saluera en demandant : « As-tu acheté des fonds ? » Anticipant une telle folie, la CCBC a publié des règlements obligeant les nouveaux fonds à répartir équitablement les titres pour favoriser l'accès de tous au marché.

Mais à mesure que le marché des fonds explose, les banques reçoivent de moins en moins de dépôts. La BPC rapporte ainsi qu'en avril 2007 les dépôts des particuliers ont diminué de 167,4 milliards de yuans, alors qu'ils continuaient à augmenter l'an passé. Or, dans le même temps, les emprunts ont bondi de 63 milliards, pour se porter à 123,6 milliards, près du double, sur le seul mois d'avril.

« Les dépôts dans la plupart de nos agences diminuent comme peau de chagrin, confirme Wei Yi, de la Banque agricole de Chine. La pression d'une pénurie de dépôts se fait sentir. Cependant, les gens mettent de plus en plus d'argent dans les fonds. »

Pression !

« Le marché haussier l'an dernier a largement poussé la course aux fonds, apportant un revenu considérable aux opérateurs », explique Wang Changjiang, chasseur de têtes pour Beijing Topjobway. Selon lui, le salaire moyen d'un gestionnaire de fonds de qualité a été multiplié par trois en quelques années.

« L'accroissement du revenu est proportionnel à celui de la pression », tempère Wang Jian, 40 ans, manager chez China Asset Management Co. « L'âge moyen sur le secteur est d'environ 35 ans, je fais déjà figure de doyen. Pour un gestionnaire de fond, le plus important c'est l'expérience : avec le temps on apprend à trouver de meilleures solutions. »

Li Xuli, 30 ans, chez Huayin Fund Management, ne le voit pas de cet œil : « La base, c'est la recherche. L'investissement est recherche ! » Pour lui, la durée ou l'expérience importent peu ; un bon gestionnaire doit être capable de comprendre les subtilités liées aux changements macro-économiques et de la structure industrielle.

Les investisseurs placent tous dans des fonds dans l'espoir de gagner de l'argent. Que le marché soit à la hausse ou à la baisse, le rôle du manager de fonds est de maximiser le profit des investisseurs. « Je rêve même de courbes la nuit », confie Li, avant de poursuivre : « Lorsque les gens achètent des actions, ils se fichent bien de savoir sur quel marché elles sont émises. Tout ce qui compte c'est la performance de l'entreprise. Si Microsoft était cotée à la Bourse de New York au lieu d'être au Nasdaq, elle serait aussi rentable ! »

Wang Jian ajoute que les forts rendements des fonds l'an dernier ont stimulé l'intérêt des petits investisseurs, qui imaginent tous faire fortune. « S'ils croient que le marché va subir des transformations, la première chose qu'ils vont faire sera de liquider leurs titres, s'inquiète-t-il. En plus de ces spéculateurs, les citoyens les plus âgés placent toute leur richesse dans des fonds, convaincus - à tort - qu'ils fonctionnent comme un compte d'épargne à haut rendement. Tous ces gens n'ont pas conscience du risque ; ils veulent simplement plus d'argent. Avec le système actuel de sécurité sociale, loin d'être exemplaire, ces mouvements risquent d'avoir un impact très négatif, tant sur le marché des titres que pour la stabilité sociale. »

Le Harvest Strategy Growth Fund, par exemple, a réduit ses actions de 50 à 28 milliards de titres en raison de ses mauvaises performances. La valeur du portefeuille avait chuté à 1,1 yuan, bien en-dessous des standards sur le marché. La société reste confiante, mais pas les investisseurs : beaucoup ont liquidé leurs participations, estimant avoir été trompés par la performance remarquable d'un autre fonds du groupe, le Harvest Growth.

« L'émission de nouveaux fonds apporte beaucoup de capitaux mais aussi d'investisseurs, conclut Li Xuli. Les gestionnaires acquièrent des parts même dans les sociétés surévaluées, de peur de passer à côté d'une nouvelle hausse. Mais les investisseurs sont myopes : ils regardent uniquement le rendement à court terme, et se retirent dès que le fonds est en-dessous de leurs attentes. » Mais l'inquiétude de Li reste sans écho dans l'attitude des petits acheteurs au quotidien.



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