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Publié le 17/04/2015
La cuisine chinoise s'exporte

Confection de nouilles étirées dans le village de Shixia au Shaanxi.

 

La Chine est largement représentée dans le monde entier par sa cuisine qui est adaptée aux goûts de ses pays hôtes. Tour d'horizon des dernières tendances.

ANDREW ANCHETA, membre de la rédaction

« On mange ça dans votre pays ? »

Tout étranger dînant en compagnie de Chinois doit s'attendre à une batterie de questions de ce genre de la part de ses compagnons. Vous mangez des nouilles dans votre pays ? Du riz ? Où avez-vous appris à vous servir de baguettes ?

La plupart des Chinois sont surpris d'apprendre que leur culture s'est depuis longtemps infiltrée dans les cuisines occidentales. La cuisine chinoise, apportée dans les valises de l'immigration, s'est largement répandue dans les villes du Royaume-Uni et des États-Unis, et par conséquent tout le monde y apprend dès l'enfance l'art du maniement des baguettes. Depuis les nouilles jusqu'au riz, en passant par les épices et les sauces, la cuisine chinoise s'est diffusée et adaptée aux différents pays où arrivaient des Chinois. On peut probablement dire sans exagérer que le plus important produit d'exportation du pays, bien plus influent que les vêtements ou les produits manufacturés, c'est sa cuisine.

Lorsque Christophe Colomb naviguait vers l'Ouest, il espérait trouver de nouvelles routes pour le commerce des épices avec l'Orient. En d'autres termes, c'est grâce à son goût pour les saveurs asiatiques que l'Europe a découvert l'Amérique.

Autre exemple. La guerre d'indépendance des États-Unis a commencé lorsque trois cents caisses de thé, donc d'origine chinoise, ont été jetées à la mer dans le port de Boston. Le thé, autrefois une boisson exotique, est depuis longtemps un citoyen naturalisé des deux côtés de l'Atlantique, il demeure l'un des rituels les plus appréciés de la haute culture britannique.

La Route des nouilles

Le premier héritage culinaire chinois est bien sûr la nouille, le grand classique des cuisines asiatique, italienne et étudiante. Les Chinois ont presque autant de mots pour les nouilles que les Esquimos pour la neige. On nomme différemment les nouilles faites de farine de blé (mian), d'amidon de fèves (fen) ou de farine de riz (xian) ; et puis les nouilles peuvent être étirées (la), taillées (qie), pressées mécaniquement (jiya), pelées (xiao) ou pétries (rou). Un bol de nouilles froides épicées ne coûte que quelques yuans si vous l'achetez auprès d'un cuisinier à roulettes dans les rues de Beijing, mais vous le payerez quelques centaines de yuans dans l'un des meilleurs restaurants de la ville.

Nombreux sont ceux qui mettent en doute l'affirmation selon laquelle toutes les nouilles conduisent en Chine. Évidemment, une tradition culinaire aussi complexe ne peut pas avoir été mitonnée (pardon pour le jeu de mots) en un lieu unique. Un mythe répandu voudrait que ce fût Marco Polo qui aurait introduit les nouilles et autres pâtes en Italie. Dans ses fameux récits de voyage il racontait que les Chinois « ne vivent principalement que de riz, de sorgho et de millet..., [le blé] n'étant consommé que sous la forme de vermicelles ou de pâtes ». Cependant la thèse selon laquelle Marco Polo aurait rapporté les pâtes avec lui est disputée par les historiens. Les gourmets italiens insistent avec indignation que les pâtes ont été inventées séparément dans leur pays. Si vous voulez voir un Italien bouillir (encore un jeu de mots), suggérez simplement en sa présence que le plat national italien est une copie des nouilles chinoises.

Que les nouilles européennes soient ou non venues de Chine, on n'a en revanche aucun doute sur le lieu de leur première invention. En 2002, des archéologues ont exhumé près de Lajia les nouilles les plus anciennes du monde : un faisceau de millet et de sorgho conservés près d'un bol en terre cuite. D'après la datation, ces nouilles étirées à la main, sont vieilles d'environ 4 000 ans. D'autre part, la première mention écrite parlant de nouilles date de la période des Hans de l'Est (25-220), et elles sont devenues une nourriture courante dès le IIe siècle de notre ère.

Jen Lin-Liu est une journaliste étrangère et critique gastronomique qui a habité pendant plus de 10 ans à Beijing. Son amour pour la nourriture chinoise remonte plus loin que pour la plupart des expats : après avoir appris la cuisine chinoise et travaillé pour divers vendeurs de nouilles, aussi bien dans la rue que dans des restaurants élégants, elle a fini par ouvrir son propre restaurant haut de gamme à Beijing.

Voyageant en Italie, Ms. Lin-Liu n'a pu que remarquer que certains savoirs-faire italiens ressemblaient à ceux qui ont cours en Chine. C'est ce qui l'a décidée à faire un voyage sur la Route de la Soie pour suivre le cheminement des pâtes de Beijing à Rome. Dans son récit de voyage, Sur la Route des nouilles, elle nous confie ses réflexions alors qu'elle suit l'histoire des spaghetti à travers l'Asie centrale et dans le Moyen-Orient. Elle partage également avec nous quelques-unes des recettes à haute teneur en glucide qu'elle a collectées en Asie centrale, au Moyen-Orient et en Europe.

« Aussi américain que la tarte aux pommes »

« J'adore la cuisine chinoise, mon plat favori est le numéro vingt-sept », aurait plaisanté le premier ministre Clement Atlee. Cette blague illustre un problème récurrent : alors que la cuisine chinoise devenait de plus en plus populaire, les consommateurs britanniques et étasuniens ont eu à surmonter la gêne de ne pas savoir prononcer le nom de leurs plats favoris.

L'histoire de la cuisine chinoise en Occident remonte au XIXe siècle. Elle a suivi les pauvres travailleurs migrants qui y arrivaient en grand nombre à cette époque. Les cuisiniers adaptèrent leurs recettes aux ingrédients qu'ils pouvaient trouver localement et aux goûts occidentaux, et c'est comme cela qu'ils ont créé une nouvelle cuisine en mélangent différents styles. La « cuisine chinoise » était la nouvelle star au firmament culinaire. En 2010, le quotidien britannique Daily Mail affirmait que la cuisine chinoise avait « dépassé la cuisine indienne au palmarès des cuisines nationales préférées dans le pays », dépassant même la cuisine britannique traditionnelle, avec ses Fish & Chips. Aux États-Unis il y a plus de restaurants chinois que de franchises McDonald's, Burger King et KFC réunies.

Ce sont ces sino-américanismes qui font le sujet des Fortune Cookie Chronicles (fortune cookie : les prédictions apéritives, très populaires dans les restaurants chinois des USA) rédigées par la journaliste Jennifer Lee du New York Times. Son livre, qui a atteint le 26e rang dans la liste des meilleures ventes du New York Times, raconte comment la nourriture chinoise s'est transformée en arrivant aux États-Unis. Nombre de plats appréciés des Américains, comme le bœuf brocoli, sont nés d'improvisations autour de plats traditionnels chinois revisités avec des ingrédients locaux. D'autres, comme la prédiction apéritive, proviennent de stéréotypes superstitieux sur l'Orient mystérieux. « La cuisine chinoise est désormais aussi américaine que la tarte aux pommes », dit-elle.

Le plat peut-être le plus chinois d'Amérique s'appelle le « Poulet du Général Tso » : un plat de poulet frit gluant à vous boucher l'intestin, adoré des étudiants dans tout le pays. Ce plat éminemment populaire, servi dans 50 000 restaurants aux États-Unis, a fait l'objet d'un documentaire intitulé À la recherche du Général Tso. Le film nous emmène faire une enquête sur la recette de poulet au nom du Général à travers les cuisines et les Chinatowns des États-Unis, en une plongée dans l'histoire de l'immigration chinoise aux USA qui nous fait voir sous un jour nouveau l'exclusion, le racisme et la tolérance.

À un moment du film, les auteurs montrent des photos de la version américaine du plat de poulet à des habitants de Shanghai. Les Chinois de souche sont surpris par ce plat exotique. Plus loin dans le film, ils montrent ces mêmes images au cuisinier Peng, l'inventeur taïwanais de la recette du Général Tso. « Ça a le même nom, mais ce n'est pas la même chose », dit-il avec un soupir. Evidemment, la recette du Général s'est américanisée.

Un cousin perdu de vue

Peut-être ne doit-on pas s'étonner que, comme un cousin longtemps perdu de vue, la cuisine chinoise soit à peine reconnaissable après son long voyage à l'étranger. Quoiqu'il en soit, la cuisine chinoise à l'américaine semble prête à rentrer à la maison. Un nouveau restaurant a ouvert ses portes à Shanghai, et sa spécialité est inattendue : le nouvel établissement se spécialise dans la cuisine chinoise américaine. The Fortune Cookie (c'est son nom) présente fièrement ses spécialités occidentales comme le poulet à l'orange, le chop suey, et le crabe Rangoon. Les plats sont servis dans les récipients en carton à emporter que l'on voit partout aux États-Unis et comprennent, bien entendu, des fortune cookies. Pour les clients chinois, manger au Fortune Cookie est une façon de goûter la vraie cuisine étasunienne. Pour les expats nostalgiques, c'est un goût de chez soi.


Source: le Quotidien du Peuple en ligne



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