Modifier la taille du texte

Modifier la taille du texte

Imprimer cet article

Commenter cet article

BEIJING INFORMATION
CULTURE Vidéos ÉDUCATION ET SCIENCES Panorama du Tibet VOYAGE E-MAIL
CULTURE
Publié le 11/09/2014
Les pousses de bambou, idéales en toutes saisons

Li Moyang

La cuisine de Hangzhou change avec les saisons, à l'image des paysages du lac Xihu qui varient tout au long de l'année. Au printemps, ce sont les saules pleureurs que l'on admire en écoutant le chant des loriots ; en été, c'est la chaleur rafraichissante et le parfum des lotus ; en automne, rien n'est plus beau que la lune qui se reflète dans l'eau paisible alors qu'en hiver, quand un filet de neige vient de recouvrir le paysage, il faut aller en admirer la beauté au petit matin sur le pont. La cuisine de Hangzhou est identique, tant elle est liée aux saisons, à tel point qu'on peut la décrire en quelques mots : à chaque instant sa spécialité.

La plus grande minutie est en effet appliquée pour que les ingrédients saisonniers soient mis en valeur sur table. Parmi eux, il y en a un qu'on ne peut pas ne pas présenter avec la plus grande solennité, c'est la pousse de bambou. On peut les déguster tout au long de l'année, même si elles se présentent sous des formes différentes, prenant des saveurs uniques, et bien sûr, des modes de préparation qui rappellent les changements de saisons sur le lac Xihu.

Au printemps, c'est le bouillon de pousses de bambou au porc mariné : telle l'eau printanière recouverte d'une fine pellicule de glace, ce met aiguise les sens après un long hiver. L'empereur Taizong de la dynastie Tang invitait à l'époque ses ministres pour un festin de pousses de bambou fraîches. Cet ingrédient remarquable s'accommode avec de la viande salée ou fraîche dans un bouillon et crée une impression de mystère quand on le déguste. Trois saveurs s'y mélangent : dans le palais, c'est d'abord celles de la charcuterie, avant que les pousses de bambou ne fassent leur effet et qu'enfin, la texture des lamelles de porc dans la bouche ne donne cette impression de subtile chorégraphie. Et tout cela dans la plus grande harmonie, sans qu'une saveur prenne le dessus sur l'autre. Ces saveurs qui s'enchaînent rappellent d'ailleurs une randonnée en montagne, quand du pied au flanc, du flanc au sommet, les paysages défilent au gré de la progression.

Si un met doit intégrer harmonieusement tous les ingrédients, il doit pouvoir aussi faire ressortir leur potentiel de saveurs, même les plus cachées. Il en est ainsi du bouillon de pousses de bambou fraîches au lard, qui associe la charcuterie, comme le jambon fumé, le canard fumé ou le jambon, et le lard maigre.

Arrive l'été et les pousses de bambou perdent de leur fraîcheur et de leur délicatesse. Il n'empêche, c'est toujours un ingrédient de choix pour préparer le bouillon de pousses de bambou aux crevettes et aux légumes secs. Consommé partout, dans les campagnes comme dans les cantines d'entreprises, il permet de mieux supporter les chaleurs de l'été. Tel un coucher de soleil sur le lac Xihu ou le parfum des fleurs de lotus dans l'air. A midi ou le soir en rentrant du travail, alors que l'ondée estivale a imprégné les fraises de Chine parfumant l'eau-de-vie que les femmes vont servir à des hommes détendus et souriants, ces derniers pourront goûter le bouillon de pousses de bambou aux crevettes et légumes frais pour qu'ils se rafraîchissent. Même si les pousses de bambou n'occupent plus la vedette, le bouillon serait cependant fade sans leur présence.

Quand il n'y a plus de pousses de bambou fraîches, on peut alors se tourner vers les pousses de bambou séchées par le soleil. Elles s'accommodent avec tous les légumes estivaux, comme la courge éponge et la calebasse. Zhou Zuoren, un célèbre écrivain originaire du Zhejiang, disait que « l'été, pour le repas, il y avait un bol de consommé à la calebasse, à la fois simple et frais ».

A l'arrivée de l'automne, alors que les pousses de bambou disparaissent progressivement du paysage, les femmes vont-elles laisser les tables devenir des lieux de désolation ? Les enfants qui rentrent de l'école soulèvent le couvercle des marmites sans se faire voir. Ils peuvent humer le fumet d'un ragoût de canard, avec son lard et sa pointe d'herbes médicinales. Et si on remue un peu, on trouvera les pousses de bambou séchées imbibées de soleil.

Une fois les pousses de bambou d'été coupées, on les cuit en les aspergeant de sel puis une fois froides, il suffit de les mettre en conserves. Ainsi, en automne, quand les pousses de bambou se font rares, on sort les conserves, par exemple pour préparer un bouillon de canard. Les tranches de pousses de bambou salées sont lavées puis directement jetées dans la marmite. Le mélange des saveurs, celles, originelles, du bambou et celles du salage, permet de relever la saveur des autres ingrédients, comme le jambon. Les pousses de bambou ne font que rajouter de la couleur, un peu comme un acteur jouant un second rôle dans un film d'Hollywood : dans l'ombre de la vedette, il reste quand même indispensable.

L'automne passe et l'hiver apporte des pousses de bambou fraîches à son tour. Les pousses d'hiver apparaissent comme si elles allaient sauver le monde : en fait, elles sauvent les mets de la fadeur hivernale qui menace. On peut les servir comme plat principal ou pour agrémenter des mets. On peut par exemple se faire servir un plat de pousses de bambou braisées, mais il vaut encore mieux choisir de les accommoder avec du porc ou du canard à la sauce soja. On coupe le porc et les pousses dans les mêmes proportions, on les mélange avant de les jeter dans la marmite. Quand un parfum agréable envahit la cuisine, c'est prêt ! La clé de la réussite, c'est la sauce soja. Le Zhejiang recèle de fabriques de sauce soja et il est facile de mettre la main sur une sauce de qualité, dont la couleur tend vers le rouge, d'une grande pureté au goût, et qui ne laissera pas qu'une impression de salé.

Ce mélange de salé et de fraîcheur est présent partout dans la cuisine de Hangzhou. Les pousses de bambou possèdent cette versatilité qui leur permet d'agrémenter les plats en toute saison. Elles titillent les papilles gustatives sans heurter les autres saveurs et le goût.

C'est l'essence même de la cuisine de Hangzhou. En toute saison, en toute occasion, quand on déguste légumes et plats délicats, c'est un peu comme le lac Xihu et ses multiples paysages qui nous émerveillent.

 

Beijing Information



Beijing Information
24 Baiwanzhuang, 100037 Beijing République populaire de Chine
Edition française: Tél: 68996274 Fax: 68326628