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Publié le 17/07/2014
Le cinéma chinois face à des vents contraires

Le secteur chinois du cinéma ne s'est jamais aussi bien porté avec des recettes de 13 milliards de yuans au cours du premier semestre 2014. Un chiffre qui dépasse celui de l'année 2011 dans son ensemble. C'est cependant l'arbre qui cache la forêt car le secteur doit faire face à la domination des films d'Hollywood, à l'emprise tentaculaire de l'internet et au manque d'intérêt du grand public pour les films dits artistiques.

Les films chinois à la traîne derrière Hollywood

Suite à la croissance rapide des recettes en 2013, les films nationaux ont poursuivi leur offensive en établissant un nouveau record pendant la Fête du Printemps de l'année du cheval : 200 millions de yuans par jour, soit au total 1,4 milliard de yuans pendant les sept jours de vacances, avec la projection des trois films : « The Monkey King », « Dad, Where Are We Going ? » et « The Man From Macau ».

En raison de l'insuffisance des productions de qualité, l'embellie du Made in China n'a été que de courte durée. Ainsi, pendant les congés du 1er mai, quand un grand nombre de films nationaux sont projetés, les entrées ont connu une baisse surprenante. En juin, les recettes sur les productions hollywoodiennes avaient rattrapé rapidement celles des créations nationales. Au premier semestre 2014, sur 31 films dont les recettes dépassent 100 millions de yuans, seuls 14 sont chinois. Par ailleurs, au classement des dix meilleures entrées, seuls quatre films sont chinois, et trois d'entre eux ont été projetés pendant la Fête du Printemps, donc sans la moindre concurrence hollywoodienne.

D'après les statistiques d'EBOT, à la date du 22 juin, l'écart des entrées entre films nationaux et films importés était encore faible à 62,5 contre 62,9. Il est cependant passé de 72 contre 64, avec la projection en salles de « Transformer 4 ». Résultat : au premier semestre 2014, les productions hollywoodiennes ont fini par l'emporter sur les films chinois, raflant 53 % des entrées, alors que le Made in China n'a pas réussi à maintenir son avance comme en 2013.

Un analyste d'EBOT explique que le nombre de grands écrans en Chine augmente de 40 % par an et dépasse maintenant la barre des 20 000, mais que les recettes pour les films chinois n'arrivent pas à maintenir un rythme similaire. On peut en conclure que pour garantir le rythme de croissance du box-office, il ne suffit pas de miser sur le nombre des films projetés, encore faut-il mettre l'accent sur leur qualité et leur réputation.

Internet crée une nouvelle donne dans le cinéma chinois

La Journée de la femme le 8 mars 2014 a vu contre toute attente une hausse des entrées. Les sites nuomi.com, 163.com et taobao.com ont incité le public à se rendre dans les salles obscures, alors qu'Alibaba.com a même lancé Yulebao, une plate-forme permettant aux usagers de s'adonner à leur passion en investissant une centaine de yuans.

Au cours du premier semestre 2014, les opérateurs de l'internet ont accru leur offensive sur le marché du septième art, notamment dans la vente de billets et la production. En collaboration avec le fameux cinéaste Zhang Yimou, letv.com a réalisé « Coming Home » et 1688.com a acheté ChinaVision. D'autres sociétés de la Toile telles que Tencent, Baidu et 360 se lancent aussi dans l'industrie du film et de la télévision.

Comment évaluer la présence massive de la Toile dans le grand écran ? D'après Yang Ping, secrétaire général de l'Association des cinéastes de la province du Fujian, l'internet ne s'oppose pas au grand écran. « Par rapport au cinéma traditionnel, le portable et l'ordinateur permettent aux spectateurs d'avoir une impression différente. De plus, le grand écran est au service non seulement du divertissement, mais aussi des relations sociales », ajoute-il.

L'internet fournit selon lui un cadre qui permet d'accroître le temps de présence des films sur le marché ainsi que leur espace de diffusion, favorisant ainsi la diversification cinématographique. « Par exemple, des films purement artistiques à faible budget manquent de canaux de diffusion, alors les plates-formes sur internet comblent cette lacune. A force d'être diffusées sur internet, certaines bonnes œuvres pourront certainement se faire remarquer et attirer l'attention du public », continue M. Yang.

Des initiés estiment que l'influence de la Toile sur l'industrie du film est subversive. A l'occasion du Festival international du film de Shanghai qui a pris fin récemment, M. Yu Dong, PDG du Groupe Bona Film, estime que face à la pénétration massive de l'internet, l'industrie du film doit prendre un virage et devra se restructurer.

Les films d'art peuvent devenir rentables

Les films d'art ont été durant cette période faste les parents pauvres du box-office. Mais cette tendance s'est renversée pendant le premier semestre de cette année : « Coming Home » a établi un nouveau record dans la catégorie des films dits artistiques, alors que « Black Coal, Thin Ice » a réalisé des recettes de plus de 100 millions de yuans, tout en raflant l'Ours d'or lors du Festival international du film de Berlin. Les succès de ces deux films d'art étonnent les cinéastes chinois. Une question se pose : la réussite de ces films signifie-t-elle que les films artistiques tireront leur épingle du jeu dans un marché chinois prospère ?

 

Une enquête dans plusieurs cinémas de Fuzhou, chef-lieu de la province du Fujian, montre que les films artistiques n'ont pas le vent en poupe, le moin s'en faut. Dans un contexte où le divertissement joue un rôle primordial, la plupart des spectateurs prennent en effet leurs distances vis-à-vis de ce genre.

Pour Song Li, à la tête de Very Cinemas, les succès de « Coming Home » et « Black Coal, Thin Ice » ne sont que des cas exceptionnels. A l'heure actuelle, les films d'art sont pour la plupart des productions à faible budget, réalisés par de petites sociétés. Leurs recettes sont en majeure partie inférieures à 10 millions de yuans.

Cependant, certains initiés estiment qu'avec la croissance rapide du nombre d'écrans et de salles numériques, les films artistiques pourront être accessibles à un public plus large, trouvant ainsi plus d'opportunités sur le marché en raison de la diversification du goût. Les succès de « Coming Home » et « Black Coal, Thin Ice » prouvent que les œuvres purement artistiques sont capables de faire recette tout en conservant leur dignité, mais à condition de s'appuyer sur des stratégies appropriées.

« Mais ces stratégies sont plurielles et diversifiées, pour mieux correspondre à l'aspect composite des films d'art, lesquels se distinguent nettement des films commerciaux. Il faut donc que les cinéastes qui s'y connaissent dans le marketing et qui restent fidèles à l'art s'occupent de tous les maillons de chaîne de production », explique Yang Shuting, analyste senior d'EBOT.

« On dit que les personnes âgées n'aiment pas aller au cinéma, mais le succès de « Coming Home » montre qu'elles y vont à condition qu'il y ait des films qui les intéressent », conclut M. Yan Xiaoming, vice-président permanent de la Fondation du film de Chine.

 

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