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Publié le 06/05/2011
Emmanuel Lincot: la Chine à la lumière de l'histoire culturelle

Une Chaire de Chinois à l'Institut Catholique

La Chaire des Etudes Chinoises contemporaines a été fondée il y a deux ans dans un contexte universitaire particulier, celui d'une faculté crée initialement par des Jésuites, qui constituent les premiers sinologues du monde occidental.

« Je suis pour ma part un laïc mais, en tant que Directeur, je ne peux ignorer cette tradition. C'est pour cette raison que nous avons décidé d'orienter nos recherches vers les phénomènes minoritaires. Dans toutes leurs acceptions : religieuses, ethniques, intellectuelles, artistiques. Ce choix part d'une observation générale : la mondialisation engendre des revendications identitaires de plus en plus fortes. C'est aussi vrai en Europe qu'en Chine ou ailleurs », explique Emmanuel Lincot.

La Chaire est encore une structure modeste, mais son corps professoral maintient de nombreux contacts avec les universités chinoises, conformément à la politique élitiste que défend depuis toujours l'Institut Catholique de Paris : pas de partenariats sans une réciprocité réelle en termes d'échanges de professeurs et d'étudiants. « Nous n'apparaissons pas, par exemple, dans le classement des universités dit de Shanghai. Nous n'y sommes pas indifférents mais nous savons aussi que les universitaires français et étrangers reconnaissent notre institution pour sa réputation, ses formations d'excellence. C'est la raison pour laquelle nous tenons à collaborer avec les meilleurs des intellectuels Chinois. L'historienne Duanmu Mei, présidente de la Société chinoise d'études de l'histoire de France, est de ceux là », explique-t-il.

Monde Chinois : une revue de référence

Emmanuel Lincot partage les fonctions de rédacteur en chef de la revue avec Barthélémy Courmont, basé au Canada. Cette répartition du travail permet plus d'efficacité et de pluralité. Monde Chinois privilégie les relations transversales par des thématiques encore peu souvent abordées. Le dernier numéro portait par exemple sur les relations entre la Chine et le Moyen Orient. « Nous souhaiterions, à terme, créer une version chinoise », nous révèle Emmanuel Lincot, qui évoque par ailleurs ses bonnes relations avec les équipes de Perspectives Chinoises, revue du Centre d'Etudes Français sur la Chine contemporaine, et n'exclut aucune forme de collaboration.

L'histoire culturelle, axe de recherche inédit

Si Chen Yinke (Yinque) (陈寅恪1890-1969) constitue un précédent dans l'historiographie chinoise, d'une manière générale, l'histoire culturelle en tant que méthode d'analyse dans le contexte de la réalité historique chinoise relève d'une démarche totalement neuve. Par exemple, la culture chinoise à la veille de la seconde guerre mondiale ne se résume pas à Lu Xun, Pan Tianshou ou Mei Lanfang. Elle intègre les formations de jazz de Shanghai, l'architecture coloniale de Wuhan, Les Anges du Boulevard, et les caricatures de Feng Zikai… « Production, diffusion, réception : l'histoire culturelle, dans le choix de ses objets, privilégie l'étude de la technique, de ses adaptations, abolit le clivage entre culture élitiste et culture populaire. C'est une histoire de la circulation entre chacun de ces pôles », précise Emmanuel Lincot, enthousiaste à l'idée d'échanger davantage avec des historiens chinois, soit en les invitant à Paris, soit en leur rendant visite à Pékin. 

Une ou plusieurs sinologies françaises ?

La sinologie française compte plusieurs courants. Le désaccord le plus emblématique oppose François Julien à Jean-François Billeter. Pour ce dernier, l'altérité chinoise est une idéologie fabriquée par le système impérial, et entretenue par les intellectuels, des Jésuites à François Jullien. « Cette pluralité témoigne aussi de la vivacité de cette discipline », explique le Directeur de la Chaire des Etudes chinoises contemporaines, rappelant que dans les sciences sociales françaises, deux écoles s'opposent : celle des philosophes, Marcel Granet ou Georges Dumézil, héritiers de Marcel Mauss, et celle des historiens, avec notamment Edouard Chavannes, dont se réclament Paul Demièville et Jacques Gernet. « La controverse entre Jullien et Billeter s'inscrit dans cette réalité culturelle que l'on ne peut ignorer. Leurs approches me semblent à la fois fécondes et, quoi que l'on en dise, complémentaires », analyse Emmanuel Lincot.

Les arts, révélateurs de l'identité chinoise

L'histoire culturelle considère que ce ne sont pas seulement la littérature ou les œuvres de pensée qui permettent de juger de la situation d'une société, mais aussi les arts, les pratiques artistiques qui s'y développent. Fidèle à ce principe, Emmanuel Lincot s'attache à développer des relations privilégiées avec les artistes, dont le célèbre peintre chinois Li Tianbing, avec qui il a mené une réflexion très riche sur l'art du portrait : « C'est un artiste qui a du talent et dont le thème de prédilection est la mémoire. Celle de son enfance et de la Chine en général, qui commence, pour lui, avec les premières années des réformes initiées par Deng Xiaoping ».

Peintre Li Tianbing

Pour Emmanuel Lincot, les artistes sont des interlocuteurs essentiels, car ils nous permettent, pour paraphraser le peintre Paul Klee, « de rendre visible ce qui ne l'est pas ».  

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Quelques ouvrages d'Emmanuel Lincot :

Peinture et pouvoir en Chine (1979-2009) : une histoire culturelle, Paris, You Feng, 2010

La figure de l'artiste et le statut de son œuvre en Chine contemporaine –Mélanges II, Paris, You Feng, 2009

Regard sur la Chine, Paris, You Feng, 2008

 

 

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