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Publié le 02/06/2010
La broderie Miao face au commerce

Jin Duoyou

Le Musée des ethnies et des folklores du Guizhou, à Guiyang, chef lieu de la province, expose actuellement plusieurs chefs-d'œuvre des robes nuptiales traditionnelles de l'ethnie Miao. Leur ancienne propriétaire, Zhang Xiuying, une dame qui faisait du commerce de broderies Miao dans les années 1980, est brusquement tombée malade, et est décédée peu après.

Un mot d'ordre s'était alors répandu dans la population Miao : il faut punir les gens qui vendent l'héritage de nos ancêtres. Néanmoins, pendant vingt ans, face aux intérêts économiques, la volonté de punir les coupables diminuait, et de nombreux commerçants, comme Zhang Xiuying, faisaient le tour des villages Miao à la recherche de broderies. Ces dernières années, les ventes ont explosé, si bien que les vêtements Miao n'habillent plus les femmes, mais sont exposées chez les marchands et les collectionneurs. Quelle est la valeur réelle de cet art ? Sa commercialisation est-elle favorable à sa protection et à son développement ? La protection est-elle efficace ?

Les emblèmes des vêtements Miao

Quand on parle de la broderie, la plupart des gens pense tout d'abord aux « Quatre célèbres broderies » : celles de Su (Jiangsu), de Xiang (Hunan), de Shu (Sichuan) et de Yue (Guangdong). Mais Zeng Li, conservateur du Musée des ethnies et des folklores du Guizhou, n'est pas d'accord. « La broderie Miao n'est pas très connue, car on ne communique pas beaucoup. Mais en réalité, elle n'a rien à envier aux « Quatre célèbres broderies ».

On dénombre actuellement 20 techniques de fabrication de broderie, dont certaines sont spécifiques à l'art Miao. Une technique baptisée « Shuangzhensuo », créée pendant la dynastie Han, a été conservée exclusivement dans la broderie Miao, un art subtile et unique. Les femmes de cette ethnie utilisaient des fils de soie plus fins que des cheveux, chaque vêtement requérant ainsi plusieurs mois de travail.

Les « Quatre célèbres broderies » sont ornées d'images animales ou végétales comme des fleurs, des oiseaux, des poissons, des insectes, des pandas, ou encore des tigres. « La broderie de Miao préfère les motifs du ciel, de la terre, des ancêtres, de l'humanité, de la vie, des totems… En contemplant cette broderie, on peut y découvrir la conception Miao de la vie et du cosmos » a précisé Zeng Li.

L'ethnie Miao n'a pas d'écriture, la transmission de son histoire s'appuie donc sur l'oralité et la broderie, cette dernière fournissant la partie iconographique.

Les images et les techniques de la broderie sont très strictes. Au sein des villages traditionnels Miao, les images brodées sur les vêtements renseignent sur les ancêtres, le mariage, ou encore la position sociale de la personne.

Commercialisation, une pièce à deux faces

Pendant longtemps, les vêtements Miao étaient donc d'une importance capitale. Mais depuis, tout a changé… Aujourd'hui, sur le marché Panjiayuan de Beijing, au Temple Chenghuang et à Xintiandi à Shanghai, dans l'ancienne cité de Lijiang, à Yangshuo dans le Guangxi, de nombreuses boutiques vendent des broderies Miao. Au fur et à mesure que sa valeur a augmenté, cette art ancestral est devenu une marchandise. Au cours des deux dernières décennies, le prix d'une petite broderie artisanale est passé de quelques yuans à plusieurs dizaines de milliers de yuans. Bon nombre de revendeurs ont quitté leurs villages pour de grands appartements en centre-ville.

Dans une certaine mesure, la demande du marché stimule l'enthousiasme des femmes Miao. Certaines, qui avaient abandonné leur art, rejoignent leurs métiers à tisser. Néanmoins, la commercialisation engendre également quelques fâcheuses conséquences. « J'ai déjà vu des dragons ou des tigres sur des broderies Miao. C'est ridicule ! Ces animaux appartiennent à la culture Han, le phénix n'existe pas dans la tradition des Miao », rappelle Zeng Li. Afin de s'enrichir rapidement, des femmes Miao s'adaptent au goût des acheteurs, abandonnant les images et les techniques traditionnelles. Le délai de fabrication est raccourci de plusieurs mois à quelques jours. Zeng Li est préoccupé par la situation : « ces produits destinés aux marchés touristiques sont de mauvaise qualité, et n'ont plus de sens culturel. Mais le plus grave, c'est que l'ancien état d'esprit du travail, qui respectait les ancêtres et les dieux, est désormais perdu. »

Autre conséquence de la commercialisation, l'industrialisation de la production. Par rapport aux broderies artisanales, les produits usinés sont plus élégants, mais leur valeur est très peu élevée. « J'apprécie fortement la broderie Miao, pour son côté culturel et spirituel, bien loin de la production en série, qui ne conserve que le plus superficiel », a exprimé Zeng Li.

Protection de la broderie Miao

Cependant, malgré ces impacts, l'ancien art traditionnel perdure dans les villages Miao, quoique son avenir demeure incertain. D'après Yang Xiaohui, membre de la Commission de la protection des patrimoines culturels immatériels de la province du Guizhou, bien que les Miao préfèrent des vêtements modernes dans leur vie quotidienne, ils enfilent nécessairement des costumes traditionnels lors des occasions importantes telles que les festivals, les assemblées ainsi que les mariages. « L'avenir de la broderie Miao n'est ni optimiste ni pessimiste. Si des mesures ne sont pas prises immédiatement, elle disparaîtra bientôt », prédit M.Yang.

En octobre 2008, le Bureau provincial de la culture du Guizhou a mis en place une « base de données de la broderie de l'ethnie Miao ». Utilisant des technologies modernes, elle permet de voir des images 3D des vêtements Miao. De plus, les matériaux, la fonction, les techniques, et les styles artistiques ont été soigneusement répertoriés. Ce travail s'achèvera d'ici à la fin 2011. Luo Xinmin, directeur de l'Institut de recherche de la culture et de l'art du Guizhou, a indiqué que cette base de données était une grande innovation en matière de protection des patrimoines culturels immatériels du pays.

Mais la protection de ce patrimoine culturel n'a pas attendu les initiatives gouvernementales. Zeng Li et son père, Zeng Xianyang, sont d'ardents défenseurs de l'art Miao. Zeng Xianyang a consacré les 30 dernières années de sa vie à la recherche et à la collecte de broderies Miao. Après son décès, sa fille a pris la relève, et s'efforce depuis de faire rayonner la culture Miao. Actuellement, un dixième de sa collection personnelle est exposé dans le musée de Guiyang. Zeng Li espère à terme ouvrir un musée à Beijing.

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