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Publié le 25/02/2010
Confiance en soi

Depuis un demi-siècle, la troupe nationale de ballet de Chine se consacre à créer ses propres œuvres.

Zan Jifang

Avec le Détachement rouge des femmes, le Lac des cygnes et quatre autres spectacles emblématiques, le Ballet National de Chine (NBC en anglais) a donné le coup d'envoi de la nouvelle saison en décembre dernier, un grand moment de danse à l'occasion de son 50e anniversaire.

Le Lac des cygnes

Première compagnie de ballet de Chine, la NBC est considérée comme le pionnier de la danse dans l'ensemble du pays. Son développement symbolise la popularisation de cet art. En 50 ans, elle a parcouru un long chemin, passant d'une troupe expérimentale de l'Ecole de danse de Beijing (aujourd'hui Académie de danse de Beijing) à l'une des compagnies les plus importantes sur la scène internationale.

Il n'y a que le premier pas qui coûte  

Le 31 décembre 1959, était fondée l'Ecole de danse de ballet expérimental de Beijing. En 1963, elle fut rebaptisée Ballet National de Chine.

La naissance de la compagnie se rapporte directement à la fondation de l'Ecole de danse de Beijing en 1954, quand le ballet est devenu l'une des disciplines. L'école, qui avait été construite avec l'aide d'experts russes, était connue sous le nom du « berceau de ballet chinois ». Les premiers diplômés en ballet sont devenus les premiers danseurs de la NBC, dont Mme Zhao Ruheng, qui fut nommée par la suite présidente de la compagnie NBC.

Mme Zhao Ruheng

« Nous gardons de beaux souvenirs de cette époque. Le gouvernement central nous a beaucoup soutenus. Nous n'avons pas eu besoin de payer les frais d'études, et la nourriture que l'on nous fournissait était bien meilleure que dans d'autres écoles », dit Zhao.

Les images de ses professeurs sont gravées à jamais dans sa mémoire. « Elles portaient habituellement un tutu blanc et des bas en soie, qui charmaient les jeunes étudiants ».

« Nous avons reçu une formation stricte et très professionnelle », ajoute-t-elle. Outre la danse, les étudiants ont également suivi d'autres cours, tels que le chinois, les mathématiques et les beaux-arts, leur ayant permis de devenir polyvalents. 

« L'enseignement dispensé à l'école était excellent », dit Zhao. La plupart des professeurs, comme le maître de ballet Pyotr Gusev, sont venus de Russie. D'autres enseignants étaient Chinois, ils avaient été formés par des maîtres russes comme O.A.Yealina, première experte russe expatriée en Chine à l'époque. Elle était arrivée avant l'ouverture de l'école.

« Si vous aviez été en Russie pour apprendre le ballet, vous n'auriez pas eu la chance de travailler avec des maîtres de cette trempe. Les experts russes sont les réels fondateurs du ballet chinois », indique Zhao.

Le Lac des cygnes fut le premier ballet appris et exécuté par les étudiants de l'école. En 1958, l'école l'a présenté à un public chinois, Zhao a interprété le rôle d'un cygne.

Aujourd'hui âgé de 66 ans, Zhao attribue le développement rapide de l'école pendant la première période aux conseils directs des dirigeants de l'Etat, notamment l'ancien premier ministre Zhou Enlai.

« La plupart des dirigeants avaient étudié à l'étranger, et chacun avait sa vision de l'art. Ainsi ont-ils encouragé à introduire en Chine les meilleurs arts du monde entier », explique Zhao. D'après cette sexagénaire, ouvrir une école de ballet puis une compagnie nationale était vraiment perspicace, notamment à l'époque où l'économie du pays était en cours de rétablissement.

Une experte russe dirige les danseurs chinois

Les difficultés sont venues subitement. En 1961, les experts russes ont quitté la Chine, portant un coup terrible au ballet chinois. Mais l'enseignement et le développement de la compagnie ne se sont pas arrêtés. Beaucoup d'étudiants formés au ballet à l'étranger sont retournés en Chine pour enseigner et entraîner.     

 « Malgré toutes les difficultés, nous n'avons jamais arrêté de danser », s'exclame Zhao. « Tous ces problèmes nous ont appris à faire face à l'adversité et nous ont enseigné le sens véritable de l'art ».

Après un travail acharné de dix ans, les chorégraphes et danseurs chinois pouvaient créer, préparer et présenter des représentations sans l'aide des experts étrangers. Depuis 1964, la NBC a créé ses propres productions en se basant sur la culture chinoise. La majorité des chorégraphes de la première génération sont passés par la danse traditionnelle chinoise, cela les a aidés dans leurs explorations.

A cette époque, Li Chengxiang, Wang Xixian et Jiang Zuhui ont chorégraphié le Détachement rouge des femmes, avec comme thème la révolution communiste en Chine, marquant la genèse du ballet avec des caractéristiques culturelles chinoises. Pour la première fois, sur la scène du ballet est apparu un groupe de danseuses en uniforme, pistolet à la main. Les spectateurs ont été profondément impressionnés, car ils n'auraient jamais imaginé que les élégantes ballerines pourraient interpréter des femmes soldats. Ce spectacle a également été apprécié du public lors de sa représentation à l'étranger.

Un parcours remarquable

Si le succès du Détachement rouge des femmes a marqué la genèse d'un chef d'œuvre, il a aussi montré la voie du développement du ballet chinois, qui était primordiale pour les cercles de ballet nationaux. Les artistes chinois ont depuis clairement compris qu' interpréter le répertoire mondial, tout en créant des oeuvres incorporant la culture chinoise, constituerait le principe même du développement de leur art. 

« Dès lors, créer des pièces propres à la Chine devenait une mission de la NBC », indique Zhao.

Lever la lanterne rouge

En se basant sur l'expérience du Détachement rouge des femmes, la compagnie continue à créer des pièces typiquement chinoises, telles que le Lever la lanterne rouge (2001) et le Pavillon de Pivoine (2008), permettant à la compagnie de gagner le respect du monde.

En même temps, la compagnie intensifie des échanges avec le reste du monde. Son premier voyage à l'étranger a lieu en 1961, quand les danseurs chinois interprètent le Lac de Cygnes au Myanmar en tant qu'ambassadeurs culturels. Depuis les années 1980, la NBC a donné des représentations dans d'autres pays, y compris les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, où le ballet chinois a été chaleureusement accueilli. En 2008 et 2009, la compagnie a été invitée à se produire au Royal Ballet Britannique et à l'Opéra de Paris, se hissant ainsi aux premiers rangs dans le monde.

Ces succès remarquables sont le fruit d'un entraînement strict et de l'ouverture d'esprit du leadership de la compagnie. En 1972, Zhao fut contrainte de quitter la scène à cause d'une grave blessure de pied. Mais pour autant, elle n'a jamais abandonné sa carrière de danse, et fut nommée en 1993 présidente de la NBC. Ainsi une nouvelle « scène » lui était offerte. « Je ne pourrais plus danser, mais j'ai envie d'aider les autres à mieux le faire », déclare-t-elle.

Pour améliorer le niveau des représentations, la compagnie a effectué plusieurs réformes. « Certaines d'entre elles étaient douloureuses », avoue Zhao. La première mesure fut de maintenir, à tout prix, un jeune groupe d'exécution. Au début des années 90, l'âge moyen des danseurs était de 39 ans, faisant de la NBC «  la plus vieille compagnie de ballet au monde », réel obstacle à son développement ultérieur.

Grâce à la réforme, l'âge moyen se maintient aujourd'hui autour de 20 ans. En même temps, la compagnie a aidé les danseurs de plus de 35 ans à trouver une nouvelle issue, tout en mettant en place un système de rémunération conforme aux règles de l'économie de marché.

L'entraînement strict et professionnel permet de former les artistes de premier rang. Les jeunes danseurs réalisent des progrès rapides en deux ou trois ans après leur incorporation à la compagnie, et beaucoup d'entre eux ont gagné des médailles d'or, d'argent et de bronze lors de compétitions internationales. La compagnie est donc considérée comme une réserve de futurs talents.   

La NBC a également continué à incorporer à son répertoire des ballets étrangers de divers genres pour exploiter au mieux les capacités de ses danseurs. « Nous voulons explorer le potentiel de nos danseurs, et leur montrer jusqu'où ils peuvent arriver », dit Zhao. « De cette façon, nous nous rendons compte que les danseurs chinois peuvent faire aussi bien que leurs collègues étrangers ».

« Parfois, quand nous contactions des troupes ou des chorégraphes étrangers pour introduire leurs oeuvres, ils exprimaient souvent des doutes sur nos capacités, disant que cela était impossible pour les danseurs chinois. Mais quand ils venaient en Chine et voyaient nos représentations, ils étaient toujours impressionnés », dit Zhao.

John Neumeier, directeur artistique du Ballet de Hambourg en Allemagne, a récemment présenté la Dame aux Camélias à Beijing. Il est un témoin du développement rapide du ballet chinois. 

Selon Zhao, en 1999, Neumeier et le ballet allemand se produisaient à Beijing, mais ce n'était pas un voyage agréable pour Neumeier. L'acoustique n'était pas satisfaisante, et les spectateurs chinois n'étaient pas toujours attentifs.

« Mais cette fois, l'attitude des spectateurs lui a laissé une profonde impression, dit Zhao. Neumeier m'a dit qu'il pouvait ressentir que le cœur du public vibrait au rythme de la danse, ce qui l'a profondément touché ».

Grâce à ce type d'échanges avec les artistes étrangers, les compétences des danseurs de la NBC se sont nettement améliorées ; en même temps, le ballet chinois a commencé à sortir du pays pour s'afficher dans le monde.

Popularisation de l'art occidental

Accroître le nombre de ses spectateurs est une autre mission de la NBC. « Nous réfléchissons toujours aux moyens d'attirer les Chinois ordinaires. Le ballet ne devrait pas être élitiste et éloigné du public », insiste Zhao.

Depuis des années, la compagnie se consacre à la propagation du ballet parmi les gens du commun. Les amateurs sont souvent invités à visiter la compagnie pour voir comment les danseurs s'entraînent, et à parler avec les stars qu'ils admirent. La compagnie a aussi l'habitude de faire venir les habitants locaux chez elle et de se produire pour eux, à cela s'ajoute la tenue de conférences et de débats. « Cela porte ses fruits. Notre public est très actif et enthousiaste », apprécie Zhao.

Les écoles secondaires et universités sont aussi une cible pour la compagnie. L'Université de Beijing est d'ailleurs son partenaire à long terme. « Alors que la décoration intérieure du théâtre universitaire n'était pas terminée, nous avions déjà commencé à nous y produire », dit Zhao. Les spectacles de haute qualité ont attiré un grand nombre d'étudiants, aidés par des billets vendus à un prix très bas.  

Hormis les représentations, la compagnie a recours à diverses méthodes de diffusion, allant de télévision à la radio, en passant par les établissements d'enseignement.

La compagnie maintient des relations étroites avec le Centre national des arts du spectacle (précédemment appelé le Grand Théâtre national, NCFPA en anglais) inauguré il y a deux ans, où Zhao travaille maintenant comme directrice de Danse depuis sa retraite de la NBC en 2008.

« Le Centre national fournit une bonne plate-forme pour la présentation des arts de la scène au public chinois. Depuis son ouverture, la NBC s'y est produite 50 fois, interprétant 11 oeuvres et réalisant plus de 10 millions de yuans (1,5 million de USD) au box-office », dit Zhao.

A part la NCFPA, la compagnie possède à Beijing son propre lieu de représentation, appelé Théâtre Tianqiao, un théâtre professionnel de première classe pour l'art de la danse. Chaque année, elle s'y produit aussi souvent que possible, et cherche à maintenir le prix des billets à un niveau acceptable.

Ces dernières années, la vulgarisation et la promotion du ballet deviennent une tâche primordiale de la compagnie. « C'est ce que nous avons appris auprès de nos collègues étrangers. Quand nous nous produisions à l'étranger, les organisateurs présentaient souvent notre troupe aux spectateurs, sans oublier de leur expliquer le contexte culturel de nos spectacles. Cela nous a profondément inspiré », souligne Zhao.

Maintenant, avant chaque représentation du ballet à la NCFPA, Zhao donne souvent une courte conférence pour expliquer les connaissances de base sur le ballet. Pour elle, cela permet au public d'avoir la meilleure expérience et de mieux interagir avec les danseurs.

Malgré son départ de la NBC, Zhao se préoccupe toujours de l'avenir de la compagnie et du ballet en Chine. Elle n'était pas très triste de la quitter il y a deux ans, car elle savait que la compagnie serait portée à un niveau plus élevé sous la direction d'un groupe de dirigeants plus jeunes. Le 31 décembre 2009, quand elle a vu les spectacles en l'honneur du 50e anniversaire de la NBC, ses yeux étaient remplis de larmes.

« Je me sens très fière d'être l'un de ceux qui ont accompagné le développement magique du ballet chinois. A ce moment-là, je me suis soudainement rendue compte qu'il m'était impossible de quitter le ballet et ses merveilleux danseurs », déclare-t-elle, au comble de l'émotion.  

En tant que témoin du développement du ballet chinois au cours des 50 dernières années, Zhao insiste sur le rôle important de la NBC : c'est grâce à cette compagnie que le ballet a commencé à se faire connaître auprès du public chinois, et qu'à l'étranger on sait combien cet art occidental se porte bien dans le pays de Confucius.

« Le ballet est comme une religion pour les danseurs. Chaque succès est obtenu au prix de larmes et de sueur. Puisque nous avons commencé, nous nous arrêterons jamais », conclut-elle.

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