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Publié le 27/11/2007
Comme sur les photos

Lisa Carducci

Lorsque j'étais enfant, je rêvais de voir les pyramides d'Égypte ; toutefois je n'ai pas encore réalisé ce rêve. Depuis que je vis en Chine, je rêve de voir le Taklamakan, et c'est aujourd'hui que ce désir est devenu réalité. Comme j'étais à l'orée, pourrais-je dire, du deuxième plus grand désert du monde, j'ai demandé aux autorités locales qui m'accompagnaient chez Liu Hexin que je devais interviewer s'il n'y aurait pas un endroit, pas trop loin, d'où je pourrais contempler le désert absolu, c'est-à-dire une partie où je ne verrais que du sable sans aucune végétation. Ce fut l'affaire d'un instant d'organiser cette randonnée. À environ une demi-heure de voiture, je pouvais déjà apercevoir des dunes qui semblaient des montagnes à l'horizon. La voiture ne pouvait aller plus loin ; nous avons poursuivi à pied pour mon plus grand plaisir.

Au début, nous passions entre des herbes espacées hautes d'un mètre ; puis nous avons commencé à voir des ronces dans lesquelles ma jupe s'est accrochée. À un endroit il y avait un filet d'eau : on aurait dit un ruisseau qui essayait de naître. Un des hommes y a placé un tronc d'arbre mort et un gros bloc de sable durci pour que je puisse traverser facilement.

Puis nous sommes parvenus au pied des dunes, où j'ai pris quelques photos, plusieurs même, me disant que c'était une occasion unique et qui sans doute ne se représenterait jamais. J'ai remercié mes accompagnateurs de m'avoir amenée non pas au bord mais, au-delà de mon espérance, dans le désert. Surpris, Liu Hexin m'a demandé : « Vous ne voulez pas monter ? » À la fois étonnée et ravie de cette offre, j'ai tout de suite enlevé mes chaussures.

Il y avait trois dunes d'avant en arrière. J'ai grimpé la première rapidement, pieds nus dans le sable chaud. Le vent de surface me bombardait les chevilles de sable ; il me semblait recevoir un jet d'eau froide. Au sommet de la première dune, j'ai pris une photo de sa crête parfaitement taillée, et j'ai remarqué que le vent brouillait le sommet de la dune la plus éloignée. Il fallait faire vite car une tempête se levait.

J'ai escaladé plus rapidement encore la deuxième dune. Il manquait quelques mètres avant le sommet quand le vent m'a fait projetée par terre. Pendant qu'on prenait ma photo, j'étais déjà à moitié ensablée et je me demandais si je retrouverais mes chaussures laissées en bas sur le sable. Le vent était devenu féroce et je n'ai pu monter davantage. La dune maîtresse n'était plus qu'un nuage de sable informe qui semblait me dire : « Va-t-en d'ici, intruse! » Je n'ai pas pu photographier la marâtre qui me chassait; mon appareil rempli de poussière de sable ne fonctionnait plus!

La descente fut assez facile ; le talon enfoncé dans le sable, on se croirait dans un escalier mobile qu'une légère glissade accélère. Mes chaussures m'attendaient sagement ; je n'ai même pas eu à les vider. En bas de la pente, tout était d'un calme parfait.

Je n'en croyais pas mes yeux : non seulement j'avais « vu » le Taklamakan, mais j'y étais entrée. Cependant, j'avais l'impression d'avoir violé un lieu sacré, faute sanctionnée par le désastre qui me privait de mon appareil photo et de mon enregistreuse.

Oh! Grand Taklamakan, toi dont le nom signifie « Qui y entre n'en sort pas vivant », tu n'as pas pris ma vie mais me pardonneras-tu mon intrusion?

 



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