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Publié le 14/06/2007
Quand Oscar ouvre ses bras aux films chinois

Les cinéastes chinois pourraient être bien inspirés par la béatitude dont jouit le film Agents Troubles (The Departed), adaptation de leur propre Trilogie des Affaires Infernales (The Infernal Affairs Trilogy), laquelle n'a en revanche jamais été même nominée pour une cérémonie comme les Oscars.

Wei Yingjie

Martin Scorsese, heureux et béat.

Le 26 février, un joli sourire s'affichait sur les lèvres de Martin Scorsese. Jusqu'ici privé d'Oscar malgré une carrière brillante, le grand cinéaste a finalement remporté dimanche soir la statuette du meilleur réalisateur pour son chef-d'œuvre de copier-coller Agents troubles, également sacré dans trois autres catégories (meilleurs film, adaptation et montage) lors de la 79e cérémonie des Oscars, à Los Angeles.

Est-ce que cela signifie pour autant que cette Trinité cinématographique surpasse l'originale Trilogie des Affaires Infernales, née du cinéma de Hongkong ? La réponse doit être absolument négative ! Malgré la belle interprétation de Leonardo DiCaprio, Matt Damon et Jack Nicholson, le scénario en lui même n'est autre qu'une copie astucieuse de l'intrigue, dépourvue du récit philosophique et des références religieuses de l'original (le titre chinois Wu Jian Dao renvoie dans le bouddhisme au niveau le plus bas de l'enfer, un endroit de souffrance perpétuelle).

Indépendamment des intrigues absorbantes, la quintessence des Affaires Infernales en trois épisodes repose sur une exploration et une description de la nature humaine bien contradictoire : chacun d'entre nous possède une double face : bonne et mauvaise ; la limite entre le bien et le mal - dans le film - est subtile et nuancée.

Cependant, dans le film Agents Troubles, le trait tiré sur la douleur humaine infinie, admirablement traitée dans son original, va de pair avec l'absence de suspens, et la victoire de cette œuvre « grandiose » peut être considérée comme un hommage indirectement rendu à la Trilogie des Affaires Infernales.

Pour être franc, cette dernière représente, par sa qualité de tournage et de production, le point culminant des films commerciaux venus de Chine. Malheureusement, à force de chercher à plaire aux spectateurs occidentaux, les cinéastes chinois ont abandonné toute confiance en leur propre identité culturelle.

La Malédiction des Fleurs Dorées, le dernier opus de Zhang Yimou - une prophétie auto-réalisatrice ?

Certes, les Oscars se veulent basés sur des normes artistiques ; mais son noyau esthétique demeure occidental. Pour le monde cinématographique de notre pays, ce concept mérite d'être rappelé plutôt que de soulever l'indignation.

Ce qui est ridicule, en revanche, c'est que certains longs métrages considérés comme des « chefs-d'œuvre nationaux » - prenons la Malédiction des Fleurs Dorées, le dernier opus de Zhang Yimou - cherchent seulement à s'attirer la complaisance des membres de l'Academy of Motion Picture Arts and Science. Résultat prévisible : en lice pour les meilleurs costumes, cette œuvre grandiose du leader de notre cinquième génération de cinéastes s'empêtre dans la prophétie de son propre titre lors de la proclamation solennelle des lauréats. Certes, suivre le courant culturel prédominant est irréprochable, mais un minimum de niveau moral est tout aussi nécessaire, faute de quoi on risque de déplaire et au public chinois et aux spectateurs étrangers.

À l'échelle mondiale, la domination incontestable du modèle hollywoodien ne pousse pas nécessairement à se résigner au second rang. Les artistes chinois ont intérêt à s'interroger sur les raisons de l'échec de la Trilogie des Affaires Infernales, sur la victoire de son adaptation américaine et sur la valeur des critères du grand écran en général.

Les films de Hollywood sont-ils vraiment les meilleurs films dans ce monde et au-delà ? La réponse semble être oui, lorsque Martin Scorsese, en réalisant une meilleure adaptation, a réussi à satisfaire l'audience américaine. Ouverture vers les cultures des autres et fidélité à ses propre racines valent d'être analysées et servent de repère.

Peut-être est-il temps pour les professionnels chinois de se prêter à quelques modifications, sous peine de rester à jamais des personnages d'un autre temps, vêtus d'or mais sans cerveau, auxquels me renvoient toujours leurs films somptueux.

(Oriental Morning Post du 28 février 2007, traduit par Yang Jiaqing)



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