Relations sino-américaines : « contact » ou « endiguement » ? |
Ma Xiaolin
Wang Yi (droite) et John Kerry Les « faucons » de Washington encouragent récemment l'administration américaine à tirer un trait sur plus de 40 années ininterrompues de stratégie de « contact » avec la Chine et considèrent à nouveau adopter la politique de l' « endiguement » et de l' « encerclement » pour faire face aux défis stratégiques d'une Chine de plus en plus puissante. L'enjeu est maintenant de savoir si les relations entre Beijing et Washington vont progresser, régresser ou rester à l'état actuel. Dans un article paru le 3 août sur son site d'internet, la revue bimensuelle américaine The National Interest faisait savoir qu'à partir des années 1970, deux hypothèses de « contact » avec la Chine ont prévalu, à savoir d'un côté que la croissance économique conduirait forcément à la libéralisation politique, et de l'autre, que permettre l'intégration de la Chine dans l'ordre international pourrait prévenir tout défi à cet ordre. Ces deux hypothèses n'ont pas été validées. Selon cet article, les Etats-Unis se sont aperçus que la réalisation de ces deux hypothèses était non seulement de plus en plus éloignée, mais aussi que la probabilité de conflits sino-américains était de plus en plus grande. Un nombre croissant de spécialistes américains appellent le gouvernement à abandonner une stratégie de « contact » fragile pour lui substituer une stratégie de l' « endiguement » plus poussée. Quand on considère rétrospectivement les frictions sino-américaines récentes, deux éléments cruciaux jouent un rôle de catalyseur : la querelle sur le dossier de la mer de Chine méridionale et les soi-disant cyberattaques d'envergure de la Chine à l'encontre des Etats-Unis. A cela s'ajoute que l'économie de la Chine se place au deuxième rang mondial, juste derrière les Etats-Unis. Elle donne une impulsion aux pays BRICS et a promu la stratégie « Une ceinture, une route », préparé sans difficulté l'édification de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, et intégré l'Inde et le Pakistan, deux pays disposant de l'arme nucléaire, à l'Organisation de coopération de Shanghai, etc. Il est évident que ce n'est pas le défi posé par la Chine à l'ordre international qui suscite l'ire d'une partie des « faucons », mais plutôt une mentalité gravement perturbée. Tout d'abord, le différend en mer de Chine méridionale est un faux problème entre la Chine et les Etats-Unis. Il suffit que Washington feuillette les traités internationaux signés par les Etats-Unis au XIXème siècle pour savoir que les Philippines n'ont pas de souveraineté sur la mer de Chine méridionale. En 1946, quatre navires américains ont aidé la Chine à recouvrer la souveraineté de cette zone. Par conséquent, Washington ne doit pas faire pression sur la Chine sur ce dossier. La défense de la souveraineté de la Chine en mer de Chine méridionale n'entrave pas la liberté de navigation et ne porte pas atteinte aux intérêts fondamentaux des Etats-Unis. De ce fait, même si le différend a entraîné la brouille entre Washington et Beijing, la Chine n'en est pas responsable. De plus, le cyberespace subit les attaques arbitraires des hackers et de même, les pays lancent des opérations d'attaque et des programmes de défense. Les Etats-Unis contrôlent internet à sa source, ont établi Centre de commandement pour la guerre électronique et élaborent une cyberstratégie visant la Chine, un pays classée au 62e rang mondial au niveau de la capacité de son internet et cible principale des cyberattaques américaines. Le scandale du programme de surveillance PRISM montre que les Etats-Unis n'ont jamais cessé de convoiter et d'usurper les informations de la Chine sans jamais procéder à un mea culpa. Les Etats-Unis ont des visées hégémoniques sur internet et agissent à leur guise. Les calomnies dont la Chine fait l'objet paraissent donc ridicules. La croissance économique et la montée en puissance de la Chine sont le résultat de la voie du développement pacifique que le pays a adoptée. C'est aussi la manifestation du changement global des forces politiques et économiques. Bien sûr, la contribution des Etats-Unis et des pays développés a été indispensable. Qui plus est, elle est applaudie par la plupart des pays. Le déclin de la puissance américaine et les difficultés qu'éprouvent Washington ne sont pas dus à la Chine, mais à la crise économique qui s'est propagée depuis Wall Street et à la guerre en Afghanistan et en Iraq. En fait, les groupes de réflexion qui prônent l'antagonisme entre la Chine et les Etats-Unis n'ont jamais pu se débarrasser de leur mentalité et de leur façon d'agir habituelles. Jugeant la Chine à l'aune de leur propre comportement, ils s'imaginent qu'une Chine puissante remplacera les Etats-Unis et leur disputera le statut de leader mondial. Or, ceux qui connaissent l'histoire de la civilisation chinoise et le caractère national des Chinois savent bien que la Chine n'a pas l'hégémonie dans son ADN et dans son histoire. Même avec la Chine nouvelle sous la direction du Parti communiste, il suffit de constater l'attitude de tous les dirigeants, de Mao Zedong qui répéta son opposition à l'hégémonisme, à Deng Xiaoping qui déclara que la Chine ne prétendrait jamais à l'hégémonie, ou encore la troisième génération de dirigeants chinois qui se sont efforcés de rechercher le développement pacifique, pour voir que les propriétés des relations sino-américaines ne sont ni structurelles ni conflictuelles. Il est évident qu'il n'est nul besoin d'effectuer un recul vers l'ère de l' « endiguement ». En regardant l'échiquier sur lequel évoluent les grandes puissances mondiales, on voit clairement que les actions de la Chine n'ont pas dépassé le cadre légal historique de la défense de sa souveraineté et de son intégrité territoriale et qu'aucun scénario de modification de la structure géopolitique n'a été mis en œuvre dans la région Asie-Pacifique. Au contraire, les conflits violents dans lesquels les Etats-Unis et les pays occidentaux se sont engagés ne concernent pas cette région. La plupart des stratèges et dirigeants occidentaux ont une opinion positive relativement stable et à long terme sur les intentions de développement et la façon d'agir de la Chine. En d'autres termes, ils croient que la Chine n'est pas un fauteur de trouble mais un partenaire raisonnable et digne de confiance. Les hommes politiques chinois et américains se sont toujours efforcés de préserver la configuration d'ensemble des relations bilatérales ; ils ont fait preuve de prudence pour contrôler les risques et les frictions, en évitant de tomber dans le piège de l'antagonisme tendu par les « faucons ». Les bons résultats obtenus suite aux pourparlers qui ont eu lieu le 5 août entre John Kerry, secrétaire d'Etat américain, et Wang Yi, ministre chinois des Affaires étrangères lors du Forum de l'ASEAN, sont l'expression de cette volonté commune. Les propos de Wang Yi, disant que « la partie américaine soutient une Chine puissante et prospère, elle est prête à la voir se développer un peu plus », révèlent que Washington n'a pas altéré son jugement et sa politique d'ensemble à l'égard de la Chine. On a toutes les raisons de croire que la visite de Xi Jinping aux Etats-Unis, prévue fin septembre, consolidera et élargira la base de la confiance stratégique mutuelle entre les deux pays. Beijing veut ainsi dire au monde que l' « endiguement » de la Chine n'est que l'illusion de certains.
L'auteur est président du www.blshe.com.
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