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Publié le 27/08/2015
La Chine met la patate

Yuan Yuan

Frites, chips, sur le grill ou au curry, on peut accommoder la pomme de terre de toutes les manières possibles.

Zhang Aiguo, un cuisinier de Beijing, propose plus d'un millier de plats à base de simples pommes de terre. Lors du Congrès mondial de la pomme de terre en 2015, qui s'est déroulé à Beijing du 28 au 30 juin, il a proposé plus d'une centaine de préparations et de plats à base de ce féculent, notamment des raviolis chinois, des pains à la vapeur, des pizzas, des nouilles et même des cookies.

Un petit légume sans prétention

Ce spécialiste de la pomme de terre travaille depuis 10 ans dans un restaurant du complexe résidentiel Rose Garden Villa à Beijing. Originaire d'un village du Shandong, dans l'est du pays, son amour pour le féculent est à mettre sur le compte de son intérêt pour la cuisine végétarienne. « Je n'ai jamais aimé la viande. La pomme de terre est un aliment de choix pour les végétariens en raison de ses qualités nutritionnelles et de ses possibilités. Les gens font de plus en plus attention à leur santé et à la saveur des aliments. J'espère que davantage de consommateurs pourront connaître et aimer la pomme de terre », explique Zhang Aiguo.

Quand on mentionne la pomme de terre en Chine, on pense inévitablement aux pommes de terre aigres et épicées, des pommes de terre coupées en filaments longs et fins que l'on frit avec du vinaigre et des piments rouges. On pense aussi à un plat à base de bœuf et de pommes de terre bouillies ou alors aux « Trois fraîcheurs », un mélange de pommes de terre, d'aubergines et de poivrons frits en sauce.

Zhang Aiguo décline ces plats selon sa fantaisie. Par exemple, pour les pommes de terre aigres et épicées, il se sert aussi des pommes de terre à chair colorée, des violettes et des rouges, pour ajouter de la saveur. « Il existe en général quatre couleurs de pommes de terre, le violet, le rouge, le jaune et le blanc. Les gens utilisent principalement les jaunes et les blanches. Les violettes contiennent cependant beaucoup d'anthocyanine, ce qui est bénéfique à la santé », explique-t-il.

Lors du congrès, les visiteurs ont pu goûter gratuitement un jus de pommes de terre à chair violette, mais aussi une glace à la pomme de terre.

Sun Xiqiang, cuisinier au restaurant Pearl Spring de Jinan, chef-lieu de la province du Shandong, est aussi spécialisé dans la pomme de terre. « Les pommes de terre n'ont l'air de rien comme ça, mais tout le monde les aime, peu importe le statut social. Toute soirée se doit de proposer une assiette de filaments de pommes de terre », remarque-t-il. Il est cuisinier depuis dix ans mais reste fidèle à la pomme de terre. « Elle s'adapte à beaucoup d'autres ingrédients », explique ce passionné qui a introduit le banquet de pommes de terre dans le Shandong et a contribué à l'organisation du festival de la pomme de terre à Jinan l'année dernière.

Une fortune bâtie sur la pomme de terre

Si Zhang Aiguo peut se livrer à toutes ses expériences, c'est parce que son patron, Liang Xisen, qui est aussi le promoteur du complexe résidentiel, est aussi un passionné de la pomme de terre.

Liang Xisen est un milliardaire, la 66ème fortune de Chine à en croire le classement de la Hurun Rich List en 2005. Il a commencé ses affaires dans la pomme de terre en 2001. « Ma fille aime les frites. Un jour, j'étais au KFC avec elle et j'ai demandé à la serveuse quel était la variété de pomme de terre qu'ils utilisaient. Elle m'a répondu que c'était des pommes de terre importées, car les pommes de terre chinoises ne répondaient pas à leurs critères », explique-t-il.

Surpris de l'apprendre, il se renseigna et découvrit que même si la Chine cultive des pommes de terre sur 80 millions de mu (plus de 5,3 millions d'hectares), la superficie la plus large au monde, le rendement reste bas, moins d'une tonne par mu, soit trois fois moins que dans les pays développées. « La Chine n'avait pas réussi à produire des graines de pommes de terre non porteuse de virus. La plupart des plantations introduisent des technologies internationales, qui nécessitent de plus gros investissements et des cycles de croissance plus longs. De nombreuses sociétés rencontraient donc des difficultés en termes de rotation des capitaux », dit Liang Xisen.

Liang Xisen décida de risquer des fonds qu'il devait investir dans la promotion immobilière et créa Xisen Potato Industry Co. Ltd à Beijing. « Seule la création d'un centre de haute technologie pour la sélection et la production mécanisée peut garantir des graines de haute qualité », souligne-t-il. Il a investi plus de 3 milliards de yuans (484 millions de dollars) dans ce projet en 2001, une décision qu'il ne regrette pas. En février 2015, la Chine a annoncé que la culture de la pomme de terre serait encouragée pour que le tubercule devienne un produit alimentaire de base.

Liang Xisen a construit un centre international de la pomme de terre de 12 mille mètres carrés ainsi qu'un musée de la pomme de terre et un centre de sélection à Yanqing, dans la banlieue nord de Beijing. Grâce aux nouvelles graines développées dans ses laboratoires, le rendement a pu être multiplié par 4 ou 5.

Il a aussi encouragé les agriculteurs de son village du Shandong. En 2010, lors de la première compétition de plantation de pommes de terre organisée par Shandong TV, Xue Jifa, un agriculteur de la province, a récolté près de 6 tonnes d'un seul mu, six fois plus que le niveau de 2001. « Je n'ai utilisé que les graines de M. Liang et je suis sûr que ce champ va continuer à donner un meilleur rendement à l'avenir », avait-il déclaré. Il a reçu une voiture en guise de récompense.

La région autonome de Mongolie intérieure, dans le nord de la Chine, est un autre centre important de production de pommes de terre. La société Linkage Potato, avec ses cinq fermes et ses 70 mille mu (4667 ha) de plantations, répond aux normes les plus exigeantes.

En mars dernier, elle a créé à Wudan, dans le district de Chifeng, une société à capitaux mixtes avec Farm Frites, une entreprise néerlandaise spécialisée dans la transformation des pommes de terre. « Nous allons établir une nouvelle ligne de production cet automne pour accroître la production de flocons de pommes de terre de 3 mille à 15 mille tonnes », explique Yan Hongxin, le vice-directeur de Linkage. « La nouvelle ligne de production aura une capacité de production annuelle de frites de 70 mille tonnes, pour une consommation de 140 mille tonnes de pommes de terre. La frite sera commercialisée d'ici à 2017 et nous continuerons notre expansion ».

Malgré toutes ces améliorations, l'optimisme n'est guère de mise. Joost Miltenburg, le directeur de Kiremko, une entreprise néerlandaise qui produit des équipements pour la transformation alimentaire, fait savoir que deux kilos de pommes de terre européenne permettent de produire un kilo de frites, alors que les pommes de terre chinoises ne parviennent pas à un tel rendement en raison de leur faible qualité.

Par ailleurs, et plus grave encore, la pomme de terre ne parvient pas à s'imposer dans les habitudes alimentaires des Chinois, qui la considèrent comme un plat d'accompagnement et non pas comme un aliment de base, comme le riz ou la farine de blé. Selon le ministère de l'Agriculture, les Chinois consomment annuellement en moyenne 41,2 kilos de pommes de terre, loin derrière les Européens ou les Américains. « Nombreux sont ceux qui ont l'habitude du riz et de la farine de blé, et pensent que les pains à la vapeur ou les nouilles à base de farine de pomme de terre et de blé ne sont pas aussi bons que ceux uniquement à base de farine de blé. Mais ce n'est pas vrai, c'est même le contraire. Les gens devraient essayer », dit un Zhang Aiguo convaincu. Il a passé des années à concevoir des plats à base de pommes de terre et il lui faut parfois des mois, voire une année, pour trouver la combinaison parfaite entre farine de pomme de terre et de blé.

Cette année en juin, des pains à la vapeur faits avec des flocons de pommes de terre ont été commercialisés dans plus de 200 supermarchés de la capitale chinoise, une initiative qui va probablement convaincre davantage de consommateurs. « De plus en plus de gens viennent maintenant au restaurant juste pour les plats de pommes de terre, et ils adorent », se réjouit Zhang Aiguo.

Lors du congrès, Han Changfu, le ministre de l'Agriculture, s'est montré optimiste. « La Chine produit 95 millions de tonnes de pommes de terre par an, un quart de la production mondiale, et se donne pour objectif de faire passer ce chiffre à 130 millions d'ici à 2020. En Chine, la pomme de terre n'est désormais plus un secteur pour les zones sous-développées, mais au contraire, elle souligne les initiatives pour une agriculture moderne dans le pays et vient enrichir l'alimentation des consommateurs », a-t-il déclaré.

Le dernier mot revient à David A. Thompson, président du Congrès mondial de la pomme de terre. « La pomme de terre est plus résistante au froid et à la sécheresse que le blé et le riz. La pomme de terre doit permettre à la Chine d'améliorer ses plans pour une agriculture durable ».

 

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