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Publié le 26/06/2015
La coopération sino-américaine pendant la 2nde guerre mondiale

Ryan M. Allen

Soixante-dix ans après la fin de la 2nde guerre mondiale, la psyché des nations touchées par ce conflit en porte encore les stigmates. Pour les Etats-Unis, ce fut probablement le dernier engagement militaire remportant un certain consensus.

La guerre est restée proche dans l'esprit des Américains à travers la culture populaire, que ce soit au cinéma, comme avec le film Il faut sauver le Soldat Ryan, à la télévision, avec des séries comme Band of Brothers : l'Enfer du Pacifique, ou encore avec des jeux vidéo, comme Medal of Honor. Il semble cependant qu'ils aient perdu de vue le rôle de la Chine dans ce conflit.

Le théâtre des opérations de Chine-Birmanie-Inde, parfois surnommé le « théâtre oublié », a rassemblé les Américains et les Chinois dans la lutte contre l'empire du Japon, qui avait envahi l'ensemble de l'Asie orientale et du Pacifique. Certains des premiers engagements comportèrent notamment l'escadrille américaine des Tigres volants, qui était constituée de volontaires américains venant en aide aux forces de l'armée de l'air chinoise. L'importance de ce théâtre d'opérations semble cependant être victime d'un certain désintérêt de la part du public américain. Cette lutte contre l'empire japonais a laissé des séquelles profondes en Chine, qui restent aujourd'hui encore relativement sensibles.

Le Yuezhong Museum of Historical Images (MoHI), à Shenzhen dans la province du Guangdong, espère rappeler aux Américains cette part oubliée de leur histoire, à travers une nouvelle exposition intitulée « Mémoires nationales : les images qui racontent la collaboration sino-américaine pendant la 2nde guerre mondiale ». Le musée espère ainsi constituer un pont entre ces deux nations qui se sont battues côte à côte, et présente de nombreuses photos d'archives de leur coopération en provenance de collections du monde entier.

Une grande partie des pièces exposées était conservée aux Archives nationales des Etats-Unis jusqu'en 2010 et provient de la 164e Compagnie des transmissions photographiques du Corps des transmissions de l'armée américaine. Un groupe de chercheurs chinois et américains a permis de faire connaître ces enregistrements inestimables et les pièces les plus pertinentes ont permis de former l'exposition du MoHI.

Celles-ci furent également présentées à la BookExpo America (BEA), qui s'est tenue à New York entre le 27 et le 29 mai et dont la Chine était cette année l'invitée d'honneur, avec la plus importante délégation étrangère, un emplacement privilégié et le thème principal pour un large groupe d'éditeurs et d'auteurs. Suivant de près la sortie américaine fortement médiatisée du livre du président chinois, La Gouvernance de la Chine, cette exposition du MoHI fut l'objet d'une bonne couverture dans les médias.

L'exposition présente des photographies rares de la 2nde guerre mondiale, dépeignant la coopération entre les deux puissances. On peut y voir les Tigres volants ou encore la liesse chinoise, lors de l'accueil de la marine américaine à Tianjin après la défaite des Japonais. Toutes ces photographies constituent l'exposition permanente au musée de Shenzhen.

Au cours de cette période, la Chine était à une étape complexe de son développement. Le pays était déchiré par la guerre civile et luttait également contre l'invasion japonaise. Les Etats-Unis étaient les alliés officiels du Guomindang mené par Chiang Kai-shek, malgré les nombreux rapports d'une corruption endémique. Les pièces d'exposition du MoHI ne délaissent pas cet aspect de l'histoire et présentent la coopération des forces américaines et chinoises, sans en exclure le leader du Guomindang.

Certaines des photos les plus pertinentes viennent cependant de la coopération avec les communistes, qui étaient à l'époque une force principalement révolutionnaire. L'une de ces photos représente Mao Zedong (1893-1976) marchant avec un groupe d'observation de l'armée américaine à Yan'an, où était basé alors le PCC. Sur une autre photo, on peut voir Zhou Enlai (1898-1976) discutant avec David Barrett (1892-1977), un colonel de l'armée américaine en charge de la mission Dixie.

C'est sous ce nom qu'est connue la prise secrète de contact avec le PCC et l'Armée populaire de libération (APL). Cette mission a été largement oubliée aux Etats-Unis, notamment après que le maccarthysme et la paranoïa atteignirent leur paroxysme pendant la guerre froide. A travers cette exposition, ces souvenirs de la coopération peuvent désormais s'étendre à une nouvelle génération de Chinois et d'Américains.

L'exposition « Mémoires nationales » comporte également de nombreux films sur cette période. Certains d'entre eux sont des courts-métrages de propagande tournés par l'armée américaine pour soutenir l'effort de guerre en Chine. D'autres contiennent plusieurs centaines d'heures d'interviews avec des vétérans, constituant la plus grande collection au monde de témoignages directs sur la guerre dans cette région du monde.

La mission du MoHI est de « collecter les images historiques chinoises dispersées à l'étranger et les matériaux historiques locaux, afin de révéler les souvenirs nationaux et personnels, qui sont passés sous silence dans les récits historiques autorisés ». Le musée porte également une grande considération pour les chercheurs et les universitaires, avec un comité de gestion composé de cinéastes documentaires, de photographes, de journalistes, d'écrivains ou encore de conservateurs de musées. L'un de ses directeurs honoraires est John Easterbrook, un ancien colonel de l'armée américaine et petit-fils du général Joseph Stilwell, en charge des opérations dans la région Chine-Birmanie-Inde pendant une majeure partie de la guerre.

Cette exposition photographique peut servir de rappel puissant sur la coopération passée entre la Chine et les Etats-Unis. Alors que les Américains ont tendance à oublier ce théâtre d'opérations, il semble que l'impact laissé sur la population chinoise soit, elle, indélébile. Avec « Mémoires nationales », les deux parties réussiront peut-être à apprendre de leurs souvenirs respectifs sur cette période trouble de l'histoire. La coopération oubliée de la 2nde guerre mondiale qui y est mise en avant pourrait permettre de faire avancer la compréhension mutuelle et interculturelle, dont ces deux nations ont grandement besoin.

L'auteur est doctorant boursier au Teachers College de la Columbia University.

 

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