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Publié le 19/11/2014
Cours du pétrole et guerre économique

Lan Xinzhen

Le cours en dollars du pétrole est en chute libre depuis le mois de juin. Le prix du baril de Brent est passé de 107,73 dollars - son cours le plus élevé pour 2014 - à moins de 80 dollars en octobre. Aux Etats-Unis, les médias et les institutions ont expliqué que cette baisse était due à un fort déséquilibre de l'offre par rapport à la demande. Celle-ci viendrait, d'une part, de l'intensification significative et continue de la production de pétrole par les membres de l'OPEP, et d'autre part, d'une baisse de la demande causée par le ralentissement de la croissance économique mondiale. Une analyse plus approfondie montre cependant que ces phénomènes ne peuvent tout expliquer et que les causes sont plus à chercher du côté des Etats-Unis. Plusieurs raisons laissent à penser qu'il pourrait en fait s'agir d'une guerre économique.

Tout d'abord, la baisse de la demande en pétrole brut ne correspond pas à la réalité. La Chine et les Etats-Unis font partie des principaux consommateurs en pétrole dans le monde. En se penchant sur la situation des affaires d'Exxon Mobil, la plus grande entreprise pétrolière américaine, on observe que les ventes de produits pétroliers sur le marché américain avoisinent les 2 650 barils par jour, un chiffre qui représente une augmentation de 5 % par rapport à la moyenne des 2 525 barils par jour de l'année 2013. Et sur les 3 premiers trimestres de cette année, le volume de ventes de nouvelles voitures aux Etats-Unis a connu une augmentation de 6 % par rapport à la même période l'année dernière. Non seulement le volume des ventes et la demande en produits pétroliers n'ont pas diminué, mais ils ont même sensiblement augmenté. Selon les chiffres de l'Administration générale des douanes de Chine, les importations de pétrole brut atteignaient 23,75 millions de tonnes en juillet, marquant une augmentation de 2 % de l'indice-chaîne ; 25,19 tonnes en août (+ 6,1 %) ; et 27,57 tonnes en septembre (+ 9,5 %). Alors que ces quelques mois étaient marqués par la chute du cours du pétrole, la demande chinoise était, elle, en constante augmentation.

En résume, cette croissance de la consommation en produits pétroliers en Chine et aux Etats-Unis montrent qu'on ne peut imputer la baisse du cours du pétrole à une chute de la demande.

Deuxièmement, le début de la chute du cours du pétrole au mois de juin coïncide avec un événement passé largement inaperçu au sein de la communauté internationale. Le 21 juin, le Département du commerce américain assouplissait les restrictions sur les exportations nationales de pétrole brut non raffiné. Cela, pour la première fois en quarante ans.

A la suite du premier choc pétrolier, les Etats-Unis avaient promulgué en 1973 l'interdiction d'exporter du pétrole, sauf au Canada. Quelle influence peut donc avoir aujourd'hui la reprise des exportations de pétrole brut ? Le 21 juin de cette année, l'Institut d'études politiques américain ASPEN a publié un rapport s'intitulant « La suppression de l'interdiction sur les exportations de pétrole brut et ses conséquences pour les Etats-Unis ». Celui-ci avance que, dans le cadre d'une telle éventualité, le prix de l'essence à l'intérieur de pays ne connaîtrait pas de hausse, et que le cours du pétrole à l'international enregistrerait une baisse modérée. Un rapport publié la veille par le Government Accountability Office (GAO) du gouvernement fédéral américain indiquait que la reprise des exportations américaines entraînerait une hausse de la production nationale en pétrole brut, une hausse de l'offre mondiale et, par conséquent, une baisse des prix sur le marché international.

Enfin, la chute des prix du pétrole survint à la suite de la signature entre la Chine et la Russie d'un contrat de 400 milliards de dollars, concernant l'approvisionnement de gaz naturel. Ceci ne peut être le fruit du hasard. Le cours du pétrole est un sujet relativement sensible sur le plan géopolitique, particulièrement pour un pays dépendant largement de ses exportations énergétiques comme la Russie. Les événements en Ukraine auraient dû entraîner une forte hausse des prix du pétrole. Or, si l'analyse des variations du cours du Brent montre, qu'au début de la crise ukrainienne, les prix du brut étaient effectivement en hausse, ceux-ci ont commencé à chuter dès l'annonce faite par les Etats-Unis de la reprise de leurs exportations en pétrole.

La synthèse de ces trois points montre que les Etats-Unis sont la cause principale de la baisse du prix du pétrole sur le marché international. La demande internationale n'a pas foncièrement évolué, mais les Etats-Unis ont augmenté leur volume d'exportation, ce qui a entraîné une surcapacité de l'offre par rapport à la demande

La seule explication rationnelle sur les véritables raisons qui poussent les Etats-Unis à agir de la sorte est à chercher dans son opposition à la Russie. La crise en Ukraine a entraîné les relations russo-américaines dans une résurgence de guerre froide. A l'époque de son opposition à l'URSS, les Etats-Unis avaient déjà pratiqué la baisse du cours du pétrole pour amener l'économie soviétique au bord de l'effondrement. La possibilité que cette méthode soit à nouveau utilisée ne peut donc être écartée.

Au cours de ces dernières années, la stratégie d'indépendance énergétique et les grands succès rencontrés dans l'exploitation du gaz de schiste a permis aux Etats-Unis d'inverser la tendance au déclin de son autosuffisance énergétique, et celle-ci dépasse aujourd'hui les 80 %. Sur le plan intérieur, l'assouplissement des restrictions sur les exportations de pétrole devrait accroître le volume de production, réduire le prix de l'essence et bénéficier aux consommateurs. Mais en mettant la pression sur le cours international du pétrole, cette mesure mettra aussi probablement la pression sur l'économie russe. Pour les Etats-Unis, il n'y a aucune raison de ne pas utiliser cette méthode, qui nuit aux autres mais sert ses propres intérêts. Il est difficile d'évaluer le volume d'exportation de pétrole brut des Etats-Unis au cours de ces derniers mois. Cependant, l'American Petroleum Institute (API) estime que le stock de brut des Etats-Unis aurait diminué de plus de 10 millions de barils pour le seul mois de juillet, correspondant à une augmentation du volume d'approvisionnement en Europe de 10 %. L'influence des Etats-Unis sur le cours du pétrole apparaît donc comme évidente.

La signature de l'accord d'approvisionnement en énergie entre la Chine et la Russie devrait permettre à cette dernière de se maintenir, mais les conséquences d'une baisse du cours du pétrole sont difficilement estimables. Les exportations d'énergie ont toujours été un pilier dans l'économie russe et l'influence du cours du pétrole est prédominante. Le pétrole et le gaz naturel constituent 67 % de ses exportations et 50 % des revenus de son budget fédéral. C'est la source la plus importante de ses revenus en devises étrangères et de ses ressources budgétaires. Certaines agences estiment, qu'une baisse du prix du baril de 100 à 80 dollars entraînerait une baisse du PIB russe d'environ 2 %. Sous l'influence de la baisse du cours du pétrole, le rouble russe a d'ores et déjà subi une dépréciation avoisinant les 20 %, entraînant une fuite importante des capitaux.

Pour toutes ces raisons, la situation actuelle ressemble plus à une guerre économique menée par les Etats-Unis contre la Russie.

Les entreprises américaines du gaz de schiste vont devoir, elles aussi, faire face à la baisse du prix du pétrole et la pression va grandissant. Certaines estimations place leur limite à 70 dollars le baril. Peut-être s'agit-il aussi de la limite des Etats-Unis dans cette guerre économique et du prix à payer pour mettre effectivement la Russie sur la sellette.

 

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